Lundi Saint.
L'évangile propose le repas pris à Béthanie, au cours duquel Marie va "oindre " les pieds de Jésus. On sait que Lazare fait partie des convive, que Marthe s'affaire, et que le repas est donné en l'honneur de Jésus. Si on relit la fin du chapitre 11, on sait qu'après le réveil de Lazare, les prêtres décident de tuer Jésus, et que celui-ci part se mettre à l'abri avec ses disciples dans la région proche du désert, dans la ville d'Ephraim. Comme la fête de la Pâque approche, on commence à se demander dans Jérusalem si Jésus va venir ou non, puisque sa tête est mise à prix. Six jours avant la Pâque, Jésus quitte donc sa ville refuge et va à Béthanie, où il sait qu'il est en sécurité chez son ami Lazare. Mais si on fait référence aux synoptiques, ce repas se passe chez Simon le lépreux; alors on ne peut pas affirmer que cela se passe dans la maison de Lazare, ce qui pourtant me plairait mieux.
On peut aussi noter que dans les synoptiques ce sont les participants au repas qui critiquent ce cadeau, et que Jésus est obligé de défendre la femme. Jean, lui, fait porter le chapeau à Judas...
Mais, quelque soit le lieu, ce que Jean raconte est une scène qui ne peut que nous toucher. Il y a un geste d'amour. C'est Marie, la soeur de Marthe, qui raconte.
Marie de Béthanie raconte.
Il y a quelque temps, mon frère était malade; nous avions appelé Jésus mais il n'était pas venu. Puis il est venu, trop tard. Mais il a fait sortir mon frère de son tombeau, il l'a réveillé! Et cela faisait pourtant quatre jours qu'il était mort!
Puis il est parti, avec ses disciples, parce qu'il savait que les prêtres voulaient le mettre à mort. Il a disparu.
Mais moi, je l'attends, je sais qu'il va revenir. Je sais comment je vais le remercier. Je répandrai sur lui non pas une eau pure pour le purifier, parce qu'il n'a pas à être purifié, lui qui est la pureté même, mais un parfum, comme on en répandait sur la tête d'Aaron; mais moi, je le répandrai sur ses pieds, sur ses pieds qui ont foulé cette terre qu'il aime tant, sur ces pieds qui un jour quitteront cette terre, pour aller vers son Père.
Et le jour où nous commençons à célébrer la fête des pains sans levain, il est venu, avec ses disciples, et en particulier Jean, ce petit jeune si beau, que j'aime bien. Bien sûr Marthe a voulu faire les choses en grand, car nous n'avions pas pu vraiment le remercier. Et comme d'habitude elle s'est affairée, enfin elle en a fait voir de toutes les couleurs aux servantes. Lazare, lui, n'est pas encore vraiment remis, il reste à côté de Jésus. Et le repas a commencé; et c'est là qu'au fond de moi j'ai su que le moment était venu de répandre ce parfum sur ses pieds.
Dès que j'ai cassé le col du flacon qui était rempli de parfum, l'odeur a commencé à se répandre, et tous les convives ont arrêté de manger. Ils me regardaient, ils se regardaient. Jésus souriait. Je suis allée vers lui, et j'ai versé le parfum sur ses pieds, il avait l'air tellement heureux, mais curieusement il y avait aussi de la tristesse dans son regard. A quoi pensait-il?
Et j'ai dénoué mes cheveux, et j'ai essuyé ses pieds, ses beaux pieds. Un peu pour lui donner de la tendresse, comme une mère essuie les pieds de son tout petit. Alors mes cheveux sont devenus odorants, et lui et moi, nous avions la même odeur; lui, moi et même les convives. Nous étions comme enveloppés par un cocon de senteurs. J'aurais voulu que le temps s'arrête. C'était comme si dans toute la pièce il y avait une voûte d'odeur, une voûte de douceur, une voûte sous laquelle nous étions comme des frères.
Mais Judas - et celui-là il me fait peur - a pris la parole, en disant que j'aurais dû lui donner le parfum, qu'il l'aurait vendu et qu'on aurait pu faire du bien aux pauvres. Mais moi, ce n'était pas ce que je voulais. Et je ne voulais rien avoir à faire avec lui.
Heureusement Jésus a pris ma défense, mais avec douceur. Il a dit que des pauvres il y en aurait toujours, mais que lui, il ne serait pas toujours là, et mon cœur a frissonné; et il a dit que ce que j'avais fait, c'était de faire pour lui ce que l'on fait pour les morts. Et là, mon cœur a encore plus frissonné. Mais je sais bien au fond de moi que ses jours sont comptés, il l'a dit à ses proches.
Le repas s'est terminé, ceux qui étaient venus de Jérusalem, un peu en curieux, sont repartis et je suis sûre qu'ils sont allés faire leur rapport aux grands prêtres; et tels qu'ils sont, ils vont vouloir tuer aussi Lazare, parce que ceux qui viennent le voir comprennent que quelque chose doit changer.
J'ai hâte que cette Pâque soit finie. J'ai peur pour lui, j'ai peur pour nous, peur de le perdre. Mais je le suivrai jusqu'au bout.
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