lundi, avril 05, 2021

Matthieu 28, 9 - " Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui"

Récits de la résurrection.

 

Lundi, premier jour de l'octave de Pâques, la liturgie propose le récit de Matthieu: Mt 28, 8-15, du moins la seconde partie, qui rapporte à la fois la rencontre des deux Marie - Marie-Madeleine et l'autre Marie - avec le Ressuscité, et la mauvaise foi des grands prêtres qui achètent le silence des soldats et leur demandent de faire croire que des disciples sont venus prendre le corps de Jésus pendant qu'ils dormaient, ce qui en soi est un peu fort, puisque justement, on les a mis là pour que cela n'arrive pas.

 

On peut noter que dans tous ces récits, Marie-Madeleine est toujours présente; mais elle peut être seule comme chez Jean, accompagnée d'une autre personne comme chez Matthieu, ou se retrouver avec plus de compagnes.

 


Chez Jean, elle part dans les ténèbres (il fait encore nuit), mais elle-même est dans les ténèbres; elle arrive au sépulcre; elle le trouve ouvert et là, elle laisse tout en plan pour demander de l'aide à Simon Pierre et au disciple dont on ne connaît pas le nom. Il faut qu'ils viennent pour retrouver le corps. Dans ce récit, elle est seule et elle sera la seule à le voir.

 

Dans l'évangile de Marc, que nous avons entendu lors de la Vigile Pascale, elles sont trois femmes, Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques, et Salomé. Elles trouvent la pierre roulée, elles entrent dans le tombeau, voient un homme vêtu de blanc qui leur dit de dire aux disciples de retrouver Jésus en Galilée, mais elles sont mortes de peur et ne disent rien.

 

Dans l'évangile de Matthieu, que nous venons de lire, il y a Marie-Madeleine et l'autre Marie. Contrairement à l'évangile de Marc, elles courent pour annoncer la nouvelle et transmettre l'ordre de Jésus, de le retrouver en Galilée.

 

Enfin, dans l'évangile de Luc, au début du chapitre 24, il est question de femmes qui arrivent pour embaumer le corps, et ce n'est qu'au verset 10 que l'on apprend qu'il s'agit de Marie-Madeleine, de Jeanne et de Marie mère de Jacques, et manifestement d'autres femmes. Elles vont voir les disciples, et ceux-ci pensent qu'elles sont folles; mais Pierre va quand même au tombeau...

 

Bref il n'est pas facile de savoir quelle serait la version la plus proche de la réalité. Il est certain que l'évangile de Jean est de loin le plus séduisant, mais… Ce qui semble évident, c'est que ces femmes, ces premiers témoins, ont bien du mal à se faire entendre. Elles ont vu, elles ont cru, elles ont - du moins dans trois récits sur quatre - témoigné, transmis, mais ce n'est que dans l'évangile de Matthieu que le témoignage semble porter du fruit, et encore…

 

Pour en revenir au texte de Matthieu, une fois de plus je me demande comment on peut saisir les pieds de Jésus et se prosterner. Je ne comprends pas trop. C'est peut-être un moyen de l'empêcher de partir, de se sauver: le retenir. Peut-être qu'elles n'osent pas le toucher, lui.

 

Or dans l'évangile de Jean, Jésus (traduction liturgique) dit à Marie-Madeleine: "Cesse de me tenir". Alors peut-être que Matthieu, montre là le même geste: tenir, retenir. 

 

Je me disais aussi que les femmes doivent être déconcertées, elles qui viennent de voir un ange, assis sur la pierre qui fermait le tombeau. Maintenant qu'elles voient le Maître en personne, il y a de quoi être complètement déboussolé. Peut-être que saisir, toucher les pieds de celui dont on ne sait pas trop si ce n'est pas un fantôme, c'est un moyen de se rassurer. Il est bien de chair et d'os. Alors on peut se prosterner devant lui. Est-ce que les femmes font cela pour éviter que le Seigneur ne s'envole, ne disparaisse? 

 

Je ne sais pourquoi, mais en réfléchissant, ce passage a évoqué pour moi l'enlèvement d'Elie. Car Jésus, si on se réfère Jean, doit aller vers le Père. Et cela montrerait que Jésus, lui, n'a pas besoin d'un char de feu pour être enlevé, que la puissance est en lui. Peut-être que cette approche typologique est celle qui me plaît le plus. Et ces deux là, nul ne peut les retenir...

 

 

Comme nous avons entendu l'évangile de Matthieu aujourd'hui, je laisse donc les deux femmes raconter.

 

Les deux Maries racontent

 

Notre Jésus, notre Maître, celui que nous aimons plus que tout, - nous ne pouvons pas dire que nous "aimions", parce que même s'il est mort, pour nous il est vivant - a été déposé à la hâte dans un tombeau vide, dans un jardin. Un jardin, un grand jardin pour lui qui les aimait tant. Il repose dans un jardin, il se repose durant ce Shabbat. Nous avons juste regardé, parce qu'il fallait rentrer avant la tombée de la nuit.

 

Nous nous sommes lamentées sur lui, nous avons pleuré. Certes c'est la Pâque du Seigneur, mais lui qui avait célébré la libération, il était l'agneau immolé, et il était dans son tombeau; et nos larmes débordaient.

 

On nous a dit que les grands-prêtres avaient demandé à Pilate d'envoyer des hommes pour garder le tombeau, parce que comme Jésus avait clamé haut et fort qu'il serait mis à mort, mais qu'il reviendrait à la vie le troisième jour, ils ne voulaient pas que des disciples viennent enlever le corps et fasse passer cela pour une résurrection. Alors nous étions craintives avant de nous mettre en route, parce que ces soldats romains, ce sont ce sont des brutes… Comment allaient-ils accepter notre présence, accepteraient-ils de nous laisser entrer dans le tombeau pour lui redonner figure humaine? Il faut voir dans quel état ils l'ont mis, les soldats. Son pauvre visage, son pauvre nez, sans parler de la couronne d'épines. .

 

Dès que le jour s'est mis à poindre, nous sommes parties.

 

Nous avons franchi cette porte de Jérusalem qui mène au jardin, et nous pensions au Cantique des Cantiques: "Je me suis levée et j'ai cherché celui que mon cœur aime… Ils m'ont trouvée, les gardes qui tournent dans la ville". À un moment, nous avons senti sous nos pieds la terre trembler. Cela nous a fait peur, mais nous avons pensé que cela ferait peut-être rouler la pierre, et que notre Maître en sortirait tout resplendissant. Et nous avons continué notre chemin.

 

Quand nous sommes arrivées, la pierre était roulée, il y avait quelques gardes là, qui gisaient sur le sol. C'était bizarre. Et il y avait un homme de lumière, vêtu de blanc, sur la pierre. Après coup, nous nous sommes dit que ces anges envoyés par le Très Haut ont souvent de drôles de lieux pour s'asseoir. Il nous a dit de ne pas avoir peur, que Jésus était bien ressuscité et que nous devions annoncer aux disciples qu'ils devaient aller en Galilée.

 

Là, je ne sais pas ce qui nous a pris, parce que nous sommes des femmes raisonnables, mais notre joie était telle, que nous nous sommes mises à courir pour annoncer la bonne nouvelle aux amis du Maître..

 

Avant d'entrer dans la ville, nous avons vu un homme qui venait dans notre direction. Quand nous nous sommes croisés, nous l'avons reconnu, c'était lui! Mais en même temps ce n'était pas lui. Il était changé. Il était comme éclairé, et cela nous remplissait de crainte.

 

 Alors nous nous sommes jetées à ses pieds, et ses pieds nous les avons touchés, sans trop savoir pourquoi. Il marchait pieds-nus. Il n'y avait plus de trace de sang, plus de trace du clou, enfin si, mais comment le dire; le trou était cicatrisé, mais pourtant il était là. Il nous a parlé et sa voix nous a rassurées, car c'était bien la sienne. Il nous a dit de ne pas avoir peur, puis il a ajouté la même chose que l'ange nous avait dit: de retourner en Galilée, et qu'il nous y attendrait. Puis d'un coup, il n'était plus là.

 

Nous avons vu alors passer quelques uns des soldats qui gardaient le tombeau. Ils semblaient très pressés. Mais nous, nous avons continué notre chemin pour annoncer aux disciples qu'il était relevé des morts comme il l'avait dit, et qu'il nous attendait tous en Galilée.

 

Maintenant, est-ce que les hommes vont vouloir nous croire, rien n'est moins sûr. Nous les entendons déjà nous traiter de folles. Mais nous, nous l'avons vu, nous l'avons touché, et personne ne pourra nous faire taire.

 

 

 


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