SEMAINE DU 30 AVRIL AU 6 MAI. ÉVANGILES
DIMANCHE 30 AVRIL. Jn 10,1-10
Le texte proposé est le début de ce chapitre. Or le chapitre lui-même n'est pas du tout, du moins au premier abord, en lien avec ce qui s'est passé avant: la guérison de l'aveugle de naissance. Et il sera suivi par le dernier signe: la résurrection de Lazare. Avant de travailler le texte proposé lui-même, j'ai voulu lire et donc retravailler un peu tout le chapitre, de manière à essayer de mieux le comprendre.
La première partie: Discours aux pharisiens qui ne comprennent pas.
Étonnant donc ce texte, qui semble n'avoir aucun rapport avec ce qui s'est passé avant, sauf ces clivages permanents chez les juifs (pharisiens surtout) qui ne savent pas trop s'ils veulent ou ne veulent pas suivre ce Jésus qui pose trop de problèmes: Qui est-il, au nom de qui parle-t-il, est-il un possédé? Pourquoi ne respecte-t-il pas la règle élémentaire du sabbat?
Je me demande si Jésus ne s'adresse pas, ici, à ceux d'entre eux qui se lamentent de perdre des disciples: et il se présente comme l'unique Pasteur; ce qui veut dire aussi qu'il est Dieu, puisque Dieu se présente comme cela, dans le livre d'Ézéchiel (Ez 34), quand Il reproche aux prêtres de ne pas s'occuper correctement du troupeau qui leur a été confié.
Jésus, de fait, attaque ceux qui viennent, par derrière, dire du mal de lui à ceux qui le suivent. Et il les traite de voleurs et de bandits (lui-même sera crucifié comme un bandit). Mais cela fait aussi penser à ce qui se passera dans l'église des premiers temps, où - si on lit Paul - des juifs viennent pour ramener les nouveaux croyants sous le rituel juif (circoncision essentiellement); ou dans les épitres de Jean qui parlent d'hérésies.
Il y a une nécessité, passer par la porte.
Or à Jérusalem, il y a bien une porte qui se nomme ainsi. La porte des brebis, pas loin de la piscine aux 5 portiques, là où Jésus a guéri un paralysé, et ce un jour de Sabbat. Or ces brebis sont destinées au sacrifice, à la mort. Et Jésus, lui, propose que ces brebis qui le suivent soient vivantes, et surtout qu'elles soient dans la liberté: elles peuvent aller et venir, elles ont donc le choix, ce qui n'est pas le cas des brebis du troupeau des pharisiens.
Si on lit le chapitre en entier, on voit qu'il se termine mal…
En fait dans le chapitre, il y a ce premier discours qui arrive sans préavis, puis ce qui se passe au moment de la fête de la dédicace.
La première partie se termine par l'affirmation que Jésus est le maître de sa propre vie; qu'il est aimé du Père, et qu'il annonce ce qui va advenir de lui. Il donne sa vie, et il la recevra à nouveau, ce qui peut paraître bien obscur. Et c'est à nouveau la division sur qui est Jésus: un envoyé ou un possédé.
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16 J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos: celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix: il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
17 Voici pourquoi le Père m’aime: parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau.
18 Nul ne peut me l’enlever: je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau: voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
La deuxième partie, la Fête de la Dédicace.
Le spectacle est assez étonnant. On voit Jésus qui marche, qui va et vient, sous la colonnade de Salomon. Le "aller et venir", c'est ce qui s'est passé lors de l'appel des premiers disciples. Et la colonnade de Salomon, c'est un lieu qui peut évoquer la Sagesse et la Royauté.
Et voilà le groupe des pharisiens qui arrive, et qui fait cercle autour de lui. Jésus devient le point de mire, le centre. On ne sait pas où sont ses propres disciples. Mais c'est presque une attaque: seul au milieu de tous, seul contre tous. Et la question qui les empêche de dormir, c'est: Qui es-tu? Es-tu celui qui est attendu, le Christ? C'est la même question qui a été posée à Jean le baptiseur. Et il y a eu une réponse de ce dernier, disant que quelqu'un était là, qui était l'Oint.
La réponse de Jésus est désabusée. À quoi ça sert, ce que je vous dis, puisque vous ne voulez pas ouvrir les yeux; vous êtes comme cet aveugle, que j'ai guéri. Et il passe à l'attaque en le disant qu'ils ne sont pas ses disciples, que ses disciples à lui, ses brebis, elles, elles le croient, et qu'elles ont déjà la vie éternelle. Et à nouveau le conflit latent: mes brebis, vous n'arriverez pas à les enlever de ma main, de mon troupeau, quoique vous fassiez. Et l'affirmation qui va mettre le feu aux poudres: le Père et Moi, nous sommes UN.
La réaction est immédiate: lui jeter des pierres et le tuer, par il se fait l'égal de Dieu, lui qui est un homme. Ce qui redonne un de ces dialogues rabbiniques (un peu énervants), où Jésus montre qu'il a parfaitement le droit de dire qu'il est divin puisque c'est ce que dit un psaume. Et cela se termine par ce qu'on pourrait appeler une clé de lecture: regardez les œuvres que je fais, et si cela ne vous oblige pas à voir en moi, le Christ, c'est cela qui vous ouvrira les yeux et vous permettra de comprendre ce que vous refusez: que je suis dans le Père et que le Père est en Moi.
Seulement quand on ne veut pas voir, on ne voit pas; et à nouveau c'est le désir de le faire taire qui est là, la lapidation; et la fuite de Jésus. On peut se demander si le dernier signe, le relèvement de Lazare n'aurait pas dû leur ouvrir les yeux, sauf que cela a l'effet contraire, car cela va jeter la peur dans le grand conseil.
Le texte de ce dimanche: Jn 10, 1-11.
1 En ce temps-là, Jésus déclara : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit.
Tel que c'est rapporté, cela semble une banalité. Mais de qui Jésus veut-il parler. Au chapitre 9, il y a eu la guérison de l'aveugle, et la question des pharisiens. Est-ce que Jésus veut leur faire comprendre que eux, qui lui en veulent parce qu'il se fait plus de disciples qu'eux et qui voudraient peut-être les reprendre - surtout si des pharisiens sont partis, sont des voleurs et des bandits?
2 Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis.
3 Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir.
4 Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix.
5Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Voilà, comment lui, il fait: il entre par la bonne porte. Mais qui est le portier? Son Père? Il y a une relation de confiance et non de peur entre lui et les brebis (disciples?). Et la peur de l'étranger?
Il y a bien le portier, mais il y a la relation, qui est une relation d'amour entre Jésus et ses disciples;
6 Jésus employa cette image pour s’adresser à eux, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
D'autres traductions disent parabole. Ce qui veut dire que Jésus s'adresse aux pharisiens, et qu'il veut leur faire comprendre quelque chose qui manifestement les dépasse. Donc, en bon pédagogue, il reprend.
7 C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis.
La porte des brebis (c'est une réflexion que je me suis faite) c'est la porte par laquelle on fait entrer les brebis qui vont être immolées dans le Temple. Donc elles vont à la mort; or Jésus, lui, conduit à la vie.
Cela évoque aussi ce que Jésus dira à Thomas: qu'il est le chemin. Une porte, cela met une limite entre un dedans et un dehors; quand on ouvre la bonne porte (par exemple quand on choisit un métier qui vous correspond) on va vers la vie. Il y a des portes qui conduisent vers la mort, la porte de la drogue, de la prostitution, etc. Choisir de suivre Jésus, c'est aller vers la vie, car lui, il donnera sa vie pour ses brebis.
8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Là encore de qui s'agit-il? Dans quel passé? Et une affirmation: ses brebis à lui n'ont pas écouté les discours des autres.
9 Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer, et il pourra sortir et trouver un pâturage.
10 Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance
Jésus affirme que lui, il est celui qui mène les brebis vers la vie, contrairement à ceux qui viennent pour piquer les brebis de son pâturage à lui - et qui n'aiment pas les brebis.. » La vie en abondance, c'est un rappel de la multiplication des pains, les douze corbeilles qui restent. Ce n'est pas une petite vie étriquée qu'il propose, mais une vie en abondance.
Si je reste juste au texte proposé ce dimanche, par qui peut-il est raconté? Je pense par un pharisien.
Un pharisien raconte
Jésus, ce drôle de type qui fait des guérisons le jour du Sabbat, alors qu'il pourrait les faire n'importe quel autre jour de la semaine, qui vient de rendre la vue à un aveugle de naissance, et cela impossible de dire le contraire, est là, ce matin, au Temple, comme bien souvent.
Beaucoup sont autour de lui et boivent ses paroles comme du petit lait.
Qui est-il cet homme? Autrefois, quand Jean le Baptiseur était vivant, nous étions demandés si c'était lui le Messie, mais il avait dit que non mais qu'il y avait quelqu'un qui était là, bien vivant et qui lui serait le Messie. Ce Jésus, beaucoup croient que c'est lui le Messie, mais pas nous, car le Messie, lui, respecterait vraiment la Loi et la ferait respecter. Et cela, nous ne nous privons pas de le dire et de le répéter à ceux d'entre nous qui se déclarent des disciples.
Et voilà qu'il nous regarde et déclare qu'un ton péremptoire, mais curieusement avec une certaine tristesse, que ceux qui entrent dans l'enclos des brebis, sans passer par la porte, sont des voleurs et des brigands. Nous nous sommes regardés sans comprendre.
Il a alors ajouté que celui qui entre par la porte, celui-là c'est le berger, qu'il est reconnu par celui qui gère l'enclos, et surtout que ses brebis le connaissent bien, qu'elles écoutent la voix; que lui connaît chacune par son nom, qu'il les guide en dehors de l'enclos, qu'il leur parle et qu'elles connaissent sa voix; et qu'elles ne suivent pas d'autres qui se feraient passer pour des bergers. Lui il est sûr que les brebis sont intelligentes, moi, je n'en suis pas si sûr.
Je pense qu'il s'adressait à nous, parce que comme je l'ai dit il nous regardait, et que c'est vrai que nous nous posons beaucoup de questions et que nous essayons souvent d'empêcher les nôtres de le suivre. D'ailleurs nous avons exclu de notre groupe cet aveugle-né et même ses parents, parce qu'ils disaient que cet homme était le Fils de l'homme. Je dois dire que ce qu'il disait me faisait penser au prophète Ézéchiel quand il fustige les responsables de ne pas être de bons bergers. Mais nous, nous faisons tout pour respecter la loi dans ses moindres détails, pour être des descendants de Moïse. Je ne comprends pas.
Il a dû se rendre compte qu'on ne le comprenait pas, et je dois dire que ce n'est pas la première fois que ça arrive; on a toujours l'impression qu'il nous prend pour des idiots, incapables de comprendre ses propos. Mais quand il dit qu'il va donner sa chair à manger et son sang à boire et que c'est cela qui nous donnera la vie éternelle, comment voulez-vous que nous puissions le croire?
Bref il a recommencé à parler. Il a affirmé qu'il était la porte des brebis. Comment un homme peut-il se transformer en porte? Et moi, la seule porte que je connaisse, c'est celle de ce grand enclos où l'on parque les brebis qui vont être immolées. Alors cette porte là, elle peut faire un peu peur. Mais je dois sûrement ne pas comprendre. Une porte, cela sert à entrer quelque part. Alors peut-être qu'il veut dire que lui, il est capable de faire entrer ses brebis dans les bons pâturages, et là, cela veut dire qu'il est le Très Haut, car comme le dit le roi David, "Le Seigneur est mon berger, dans les verts pâturages il me fait reposer".
Ensuite il a parlé de ceux qui étaient venus avant lui, il les a traités de voleurs, et a dit que les brebis ne les avaient pas écoutés. C'est vrai que des messies ce n'est pas cela qui manque. J'espère qu'il ne parle pas de nous, ça serait un comble. Il dit que ses brebis à lui ne les ont pas écoutés. Bon, admettons, et alors?
Puis il a dit à nouveau qu'il était la porte. Et là, ça c'est un peu éclairé pour moi. Une porte c'est un peu comme un chemin, ça peut mener vers la vie ou vers la mort. C'est un peu ce que nous disait notre Père Moïse, quand il nous demandait de choisir la vie. Mais est ce que cet homme est vraiment celui qui va donner la vie?
Il a ajouté que ceux qui le choisissaient seraient sauvés, qu'ils seraient libres d'aller et de venir (or cela je reconnais que cette liberté nous l'avons perdue avec tous ces préceptes qui nous enferment), et qu'il était venu pour que les brebis aient la vie et l'aient en abondance.
Et bien, tout pharisien que je sois, cette phrase a résonné en moi. Avoir la vie, la vie en abondance. C'est tellement ce que je désire? Vivre de la vie du Très Haut, vivre dans la Paix.
Il a alors ajouté qu'il était le bon pasteur, qu'il connaissait ses brebis et que ses brebis le connaissent, et qu'il donne sa vie pour ses brebis.
Alors là, je ne sais pas ce que penseront les autres - mais je dois dire que cela ne compte pas: Je comprends maintenant pour tant d'hommes le suivent sans se poser de questions! Un tel berger, un tel pasteur, ne peut être que le Messie, et celui-là je le suivrai maintenant, quoiqu'il arrive.
Quand j'ai commencé à écrire ce texte, je n'imaginais pas du tout qu'il allait en quelque sorte m'échapper et se terminer par le retournement de cet homme. Mais c'est ainsi, et cela montre bien combien la parole est transformante pour celui qui veut bien ouvrir ses oreilles et qu'elle est bien source de vie.
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