mercredi, avril 19, 2023

Jn 20, 19-31. Apparition aux disciples - 2° dimanche de Pâques. Avril 2023

Quand ce texte revient après Pâques, j'ai toujours envie de dire à Thomas, lui qui était prêt à donner sa vie pour Jésus au moment où ce dernier s'apprête à partir chez Marthe et Marie pour "réveiller" Lazare, qu'il n'est pas incrédule, mais crédule, ce qui n'est pas tout à fait pareil. Et puis c'est grâce à cela que nous avons cette béatitude, je pense la seule de l'évangile de Jean, qui nous est adressée, à nous qui n'avons pas eu la chance de regarder et de toucher. 

 

En 2019 j'avais proposé un texte où Thomas racontait sa rencontre avec Jésus, l'avant dernière puisqu'il sera au bord du lac lors de la pêche des 153 gros poissons, mais où je réfléchissais sur l'insistance d'accoler "didyme", jumeau, à son prénom.
 https://www.blogger.com/blog/post/edit/9807826/5150198278544568177

 

En réfléchissant à nouveau sur ce texte, je me suis dit que Jean utilise souvent des questions ou des attitudes de personnes pour donner un enseignement (si je puis dire les choses ainsi).  Par exemple, c'est parce que Thomas (toujours lui) fait remarquer à Jésus - qui dit que ses disciples connaissent le chemin par lequel il faut passer -  que justement "ils ne connaissent pas le chemin"  (Jn 14,5), que Jésus peut affirmer "qu'il est le chemin, la vérité et la vie". De même c'est parce que Philippe lui dit "montre nous le Père et cela nous suffit" que Jésus peut affirmer que "celui qui le voit, voit le Père".

 

Le questionnement des disciples, qui est aussi le questionnement de celui qui veut ou qui essaie de suivre Jésus, permet à l'auteur de donner des réponses précises. J'ai alors pensé qu'il en allait de même pour ce chapitre 20. L'attitude de Thomas représente notre attitude, notre questionnement. Et la réponse de Jésus nous concerne tous, à deux niveaux. Le premier niveau, c'est de faire confiance à ceux qui témoignent de ce qu'ils ont vécu, de la rencontre et de la reconnaissance de Jésus Fils de Dieu; et le second, c'est cette béatitude qui nous concerne tous: si nous croyons alors que nos yeux de chair n'ont ni vu ni contemplé, alors oui, Jésus nous déclare heureux.

 

Et alors l'importance de ce chapitre n'est peut-être pas tant ce qui se passe avec Thomas, mais bien ce que fait Jésus avec ceux qui sont là, ce premier jour de la semaine, ce premier jour fondateur de son église. Il leur donne sa paix, cette paix différente de celle donnée par les hommes, il leur donne son Esprit Saint en soufflant sur eux, et il leur donne ce pouvoir de remettre le péché ou de le maintenir, ce qui revient à mettre fin à tous les sacrifices qui étaient nécessaires pour avoir la faveur Dieu (voir les livres de l'Exode et du Lévitique) . Son sacrifice à lui met fin aux anciens rituels.

 

Ce qui est aussi étonnant, c'est que dans l'épisode ci-dessus c'est le soir, mais qu'il ne semble pas que Jésus partage le repas de ses disciples; et c'est peut-être pour cela que le chapitre 21, chapitre ajouté, est aussi important, puisqu'il y a là un repas partagé, qui fait écho au repas du chapitre 6; et que les deux postures, celle de de Simon-Pierre, qui témoignera en donnant sa vie, et celle du disciple que Jésus aime, à savoir demeurer en attendant le retour, sont les attitudes fondamentales de celui qui connait Jésus et le reconnaît comme son Seigneur et son Dieu.

 

Travail sur le texte

 

19 C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.

 

Tel que Jean le rapporte, cela parait simple. Mais quand quelqu'un arrive dans un lieu clos, pas par la porte puisqu'elle est verrouillée, donc on ne sait comment il est là, il y a de quoi avoir peur, même si la personne vous dit "Shalom" et ressemble à quelqu'un que l'on connaît. Sauf que cette personne est morte de mort violente et que son corps a disparu. Or Jean ne parle pas du tout de peur ou de crainte, mais de joie, du moins après que Jésus ait montré ses mains et son côté. Et cela, c'est très différent de ce qui est rapporté par les synoptiques. Cependant, si on revient un peu en arrière, que ce soit dans les synoptiques ou dans l'écrit johannique, on sait que Jésus s'est montré à Marie-Madeleine et qu'elle est allée le dire aux frères - mais on ne sait pas comment .

 

Donc, là, tout se passe bien. Jésus a prouvé que c'est bien lui. La phrase "remplis de joie", évoque ce qui se passera le jour de la Pentecôte: "ils furent rempli d'Esprit"

Peut-on dire que l'évangile de Jean est l'évangile de la JOIE? 

 

21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous !

De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

 

Le "de nouveau" est étonnant. N'aurait-il dit que Shalom en se manifestant? Mais maintenant, il y a eu reconnaissance de qui il est, et lui les envoie en mission. 

 

C'est comme s'il disait: "Vous m'avez reconnu, vous savez qui je suis, vous êtes comme d'autres Moi. Alors, soyez comme moi, soyez mes envoyés, comme j'ai été l'envoyé de mon Père. 

 

22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.

Mais pour cela, pour être envoyé, pour devenir ses figures, il faut que l'Esprit soit en nous, cet Esprit qu'il avait promis, défenseur; et qui fera que l'on se souvient.

 

"Et de même que j'ai reçu l'Esprit Saint, recevez ce même Esprit, celui que je vous ai promis, celui qui peut vous être donné, parce que moi, je pars et que je vous l'avais promis. Devenir d'autres Lui.

 

 Ce n'est plus "suivez-moi", c'est "je vous envoie". Il y a aussi le pouvoir transmis: si le Père m'a envoyé, aujourd'hui, c'est moi en qui le Père demeure, qui ai le pouvoir de vous envoyer.

 

  

23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »

 

Et là, le pouvoir qui est donné, était aussi le pouvoir de Jésus: pas venu pour condamner, mais pour sauver. C'est certainement une fonction ecclésiale qui est affirmée d'emblée, mais qui n'est pas explicitée du tout. Fonction de délier donc de permettre le salut, ou au contraire de refuser de délier ( est ce qu'il s'agit de lier?) et donc de bloquer le salut donné par Jésus. Je vois ici un acte fondateur de l'ecclésia, telle que la veut Jésus: le pouvoir de libérer du péché, constitution de l'Église. Et là, ça prend la place de tout le Pentateuque et surtout du Lévitique. Au nom de qui les péchés sont-ils maintenus ou ôtés? Certainement au nom de Jésus. 

 

Il y a là un changement énorme par rapport au premier testament. Ce ne sont plus les sacrifices offerts au Temple par les prêtres qui délient du péché. Ce sont les hommes qui sont emplis de l'Esprit du Fils, qui ont désormais ce pouvoir. Cela dit, est ce que délier est la même chose que pardonner? Je n'en suis pas sûre.

 

24 Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.

 

Si je pense à l'envoi de l'Esprit Saint sur les anciens dans le livre de l'Exode, je me demande si Thomas qui est dehors, le reçoit aussi. Mais vu, sa réaction, ce n'est pas sûr dur tout. 

 

25 Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

 

Thomas n'arrive pas à croire; on lui dit "nous avons vu", et il peut penser que c'est une sorte d'hallucination qu'ils ont eue. Lui, il veut voir, et surtout il veut toucher; il a besoin de cela pour pouvoir croire en la résurrection. Voir n'est pas suffisant pour lui. Cela le sera pour Paul; mais c'est Jésus dans la Gloire qu'il lui sera donné d'apercevoir.

 

26 Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »

 

Même scénario que la semaine précédente. Là, il s'adresse à tous. 

 

27 Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »

 

Et c'est l'ordre. Fais le geste que tu voulais faire. Regarde mes mains, et tu peux constater que c'est un vrai trou. Tu peux toucher. Et ta main, tu peux la mettre dans le trou laissé par la lance. Et cette finale, qu'on répète sans cesse: ne sois plus incrédule, c'est-à-dire, ne te laisse pas abuser par ce que tu penses être vrai, fais confiance aussi à tes frères, et crois que je suis le Vivant. 

 

28 Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

29 Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

 

Il y a eu une demande de Jésus, et Thomas répond à cette demande. Maintenant, il reconnaît en cet homme celui qui est son Seigneur, celui à qui il obéit; celui qui est son patron et aussi celui qui est son Dieu, et cela, c'est plus compliqué. C'est dire qu'il voit en Lui, Celui qui est Est, qui était et qui vient. Il est reconnu comme le Fils. Enfin c'est ce que je crois en ce jour, où j'écris ce que moi je ressens en lisant ce texte. 

 

Et c'est la finale, avec la béatitude qui s'adresse à nous. Nous qui n'avons pas vu, pas touché. 

 

30 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.

31 Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyantvous ayez la vie en son nom.

 

Cette phrase est peut-être la plus importante. Ce que le rédacteur a écrit, sous l'inspiration et la présence de l'Esprit, c'est pour que nous puissions à la fois voir en Jésus celui qui est Oint de la puissance de Dieu - qui est comme il l'a dit le Fils de Dieu, et, en croyant cela, avoir la vie, la vraie vie. 

 

Jean l'évangéliste raconte. 

 

C'était la fin de ce premier jour de la semaine. Quand je dis premier jour de la semaine, c'est une manière de dire, de vous dire que ce jour-là, c'est comme le commencement. Non pas le recommencement, mais l'aube du Nouveau. Ce fut un jour étrange, un jour où nous sommes passés de la mort à la vie, du deuil à la joie. 

 

Au petit matin, Marie Madeleine était venue nous réveiller toute en pleurs. Elle a juste pu nous dire qu'en allant au sépulcre elle avait trouvé la pierre roulée, et que le corps de Jésus n'était plus là. Avec Simon nous l'avons suivie et nous avons vu qu'elle avait raison. Simon-Pierre est entré le premier, et il avait l'air perplexe en sortant. Puis je suis entré. A ma grande surprise le linceul était posé là où le corps avait été déposé par Joseph et Nicodème, bien à plat, il y avait les bandelettes, et le linge qui avait recouvert son visage était roulé; Tout était en ordre. Il y avait l'odeur des aromates. Il y avait le silence. Et j'ai su que personne ne l'avait enlevé, qu'il était revenu à la vie, l'autre vie, celle dont il nous avait parlé, cette vie qui donne la vie au monde. Puis nous avons rejoint les autres. 

 

Un peu plus tard, Marie est revenue; elle avait vu le Seigneur Elle l'avait pris pour le jardinier, et il l'avait appelée par son nom et l'avait envoyée nous dire qu'il était vivant. Moi je l'ai crue, mais les autres l'ont prise pour une folle. Et comme nous ne savions pas trop ce qui se passerait, puisque le corps avait disparu, nous nous sommes enfermés. Nous avions peur d'être accusés par les autorités d'avoir volé le corps pour faire croire qu'il était revenu à la vie; Thomas, en fin de journée, est sorti, écouter un peu ce qui se disait en ville et rapporter des aliments. Ce dernier jour de la fête des Azymes, il faut bien faire ce qui est prescrit. 

 

Et tout à coup, Jésus était là, présent, bien présent au milieu de nous. Il nous a regardés et nous a dit: "La paix soit avec vous". Nous n'osions pas trop le regarder, pour dire ce qui est. Il était Lui, mais ce n'étais plus lui. Il nous a montré ses mains, ses pieds, les trous laissés par les clous, le trou laissé par le coup de lance; là nous ne pouvions plus douter. Il n'était pas le maître qui était venu en marchant sur les vagues de la mer de Tibériade et que nous avions pris pour un fantôme - il nous avait alors dit de ne pas avoir peur. Ensuite il nous a redit qu'il nous donnait la paix. Et cette paix, c'était celle qu'il nous avait promise, après ce repas où il nous avait lavé les pieds; il avait dit alors que sa paix n'était pas comme celle que le monde donne. Que c'était quelque chose d'autre. Il a ajouté qu'il nous envoyait, comme le Père l'avait envoyé. Je dois dire que nous n'avons pas vraiment compris à ce moment-là ce qu'il voulait dire. Mais il nous envoyait, pour être lui. Enfin c'est ce que je crois. 

 

Il a alors soufflé sur nous, en nous disant: "Recevez l'Esprit Saint". Et le souffle était Esprit, et le souffle s'est posé en nous et sur nous. Et le souffle a fait de nous ses envoyés. Il nous a alors donné le pouvoir de remettre les péchés, et le pouvoir de ne pas les remettre; et là encore je n'ai pas compris, mais maintenant je sais que tous les sacrifices pour les péchés, ces sacrifices d'animaux, sont révolus, parce que lui a donné sa vie et que nous avons à faire ce que lui a fait. Et il a disparu. 

 

C'est à ce moment-là que Thomas est revenu. Nous lui avons raconté ce qui venait de se passer. Il ne nous a pas ri au nez, mais il n'arrivait pas à nous croire. En ville, ce n'était pas facile. Il a dit qu'il croirait, lui, s'il touchait les trous laissés par les clous et par la lance. Nous, nous les avions vus, lui, il voulait les toucher. 

 

Une semaine s'est écoulée, et Jésus est revenu, comme la première fois. Mais cette fois-là nous étions tous ensemble. Comme la dernière fois, la porte était verrouillée, parce que nous avions toujours peur des Juifs. Comme la dernière fois, il nous a dit: "La paix soit avec vous", et comme la dernière fois, nous l'avons sentie, cette paix. Puis il s'est adressé à Thomas. Il lui a dit d'avancer son doigt, de voir le trou laissé par le clou et de poser son doigt; et pareil pour le trou de son côté. Et il a ajouté: "Cesse d'être incrédule, sois croyant"; Thomas l'a regardé, lui a regardé Thomas, il y a eu un silence. Et Thomas a regardé Jésus les yeux dans les yeux, mais dans ses yeux à lui, il y avait des larmes, et il a dit: "Mon Seigneur et mon Dieu". Je ne peux pas savoir ce que s'est passé pour lui, mais il était transformé.

 

Jésus semblait heureux. Et il a regardé son Thomas, en lui disant qu'il était heureux parce qu'il avait eu la chance de le voir pour croire vraiment en lui, mais que désormais ceux qui croiraient en lui, seraient eux aussi heureux, car ils seraient passés de la mort à la vie.
Enfin cela il ne l'a pas dit. 

 

 

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