mardi, avril 04, 2023

Jn 13, 21-38. Annonce de la trahison de Judas et du reniement de Pierre.

C'est le mardi de la grande semaine. Hier, l'évangile nous parlait de l'onction à Béthanie et de la réaction de Judas; aujourd'hui, nous entendons ce qui se passe lors du repas du lavement des pieds, qui n'est pas le repas pascal puisque les disciples pensent que Judas sort pour acheter l'agneau, mais qui a lieu au cours de la semaine des pains sans levain, semaine qui se conclut par le repas de la Pâque, repas de la libération.  


C'est un texte que je trouve pour ma part bouleversant. Car nous, nous savons tous que Judas sera celui qui livrera Jésus; mais dans ce que nous lisons aujourd'hui, c'est comme si Jésus le découvrait, ce qui explique ce "il fut bouleversé en son esprit", et il y a de quoi: savoir que l'un de ceux que l'on a choisi et aimé ne croit plus en vous.


J'ai essayé de faire raconter ce récit par le rédacteur de l'évangile, plus tard, quand il est à la fin de sa vie et qu'il a compris pleinement ce qui s'était passé ce soir là.



Travail sur le texte


21En ce temps-là, au cours du repas que Jésus prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » 
 

Très étonnant, parce que là, c'est comme si Jésus découvrait qui allait le trahir, et que cela a un impact énorme sur lui. Il pouvait penser que cela venait de l'extérieur, puisque les grands prêtres veulent le prendre, mais que ça vienne de l'intérieur, là on peut imaginer le déchirement de Jésus. Bien sûr, ce qui s'était passé à Béthanie montrait bien que Judas ne se sentait plus en phase, qu'il aurait voulu que Jésus bloque le geste de Marie, mais Jésus ne l'a pas fait, et il a parlé de sa mort; et cela c'est pour Judas certainement la ruine de tous ses espoirs.

 

22 Les disciples se regardaient les uns les autres avec embarras, ne sachant pas de qui Jésus parlait. 

 

On imagine que ça a dû jeter un sacré froid.

 

23 Il y avait à table, appuyé contre Jésus, l’un de ses disciples, celui que Jésus aimait. 

24 Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. 

25 Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » 26 Jésus lui répond : « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. 

27 Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. »

 

Demande faite par signe, réponse donnée à Jean mais non transmise à Simon, qui peut voir là, un geste d'amitié. Et, pour nous, un commentaire du rédacteur, comme si ce geste avait été de trop, et c'est Jésus qui l'envoie dehors, avec un ordre: n'attends pas, c'est maintenant le temps choisi, même si toi tu ne le sais pas.

 

28 Mais aucun des convives ne comprit pourquoi il lui avait dit cela. 

29 Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d’acheter ce qu’il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres

30 Judas prit donc la bouchée, et sortit aussitôt. Or il faisait nuit. 

 

Et là, commentaire à nouveau. Personne ne comprend pourquoi Jésus, en plein repas, fait sortir Judas. Ce qui paraît certain, c'est que ce repas n'est pas le repas pascal. Et Judas s'en va, avec les ténèbres au cœur. 

 

31 Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. 

32 Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.

 

Jésus sait alors que tout va s'accomplir, qu'il va être mis à mort parce qu'il a aimé jusqu'au bout, et qu'ainsi il prouve au monde comment le Dieu de la création, aime sa création, et que sa mort est l'œuvre ultime.

 

33 Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs : “Là où je vais, vous ne pouvez pas aller”, je vous le dis maintenant à vous aussi. » 

 

Et l'auteur ne peut s'empêcher de continuer son petit jeu, sur le lieu. Là il y a à la fois le temps, les heures sont comptées, et le lieu, qui est à la fois la mort, mais pas que. Peut-être que le corps de Jésus reste sur cette terre, un petit temps, mais lui, il est déjà dans la gloire et peut-être que je peux imaginer que c'est lui qui revient donner vie à la dépouille et la transfigurer.

 

36 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard. » 

37 Pierre lui dit : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ! » 

38 Jésus réplique : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m’aies renié trois fois. »


Brave Pierre, qui pose la bonne question: celle du où, celle qui nous inquiète tous. Et l'affirmation que parfois nous faisons aussi, et la réponse hélas un peu désabusée de Jésus: vous allez tous me renier… Et cela je peux l'entendre aussi pour moi.



Jean l'évangéliste raconte

 

Maintenant que je suis vieux, ce que j'ai vu et entendu lors de la présence du Seigneur parmi nous prend un autre sens. Je vais vous raconter ce qui s'est passé lors de ce dernier repas qu'il a pris avec nous. 

 

Nous avions pris avec lui un repas assez copieux chez Lazare, qui voulait remercier Jésus de ce qu'il avait fait pour lui. Ce repas, c'était le lendemain du début de la fête des azymes, les pains sans levain. Vous savez que cette fête dure une semaine pleine, et que le dernier jour, c'est le sacrifice de l'agneau. Au cours de ce repas, Marie avait répandu sur les pieds de Jésus un parfum très précieux, un parfum hors de prix. Peut-être que notre maître aurait dû interrompre son geste, avant qu'elle ne brise le col du flacon, mais il ne l'a pas fait. Et comme Judas a dit ce que certains d'entre nous pensaient, à savoir qu'il aurait mieux valu donner l'argent pour les pauvres, Jésus lui a dit que ce qui se passait là, c'était en vue de son enterrement. Il m'a alors semblé que le visage de Judas changeait. Et je pense aujourd'hui que lui, qui rêvait de mettre les Romains dehors, ne pouvait pas supporter l'idée que Jésus allait mourir sans rien faire. Et ce qui s'est passé ensuite montre que je ne me suis pas trompé. 

 

Puis est arrivé ce repas qui a précédé l'arrestation. C'était donc durant cette semaine des azymes. Au tout début du repas, Jésus a eu ce geste incroyable de se mettre à nos pieds pour nous laver les pieds aux uns et aux autres. Puis le repas s'est déroulé, du moins en partie. Moi qui étais tout proche de Jésus, j'ai vu que quelque chose se passait en lui. Il a eu l'air très malheureux , et il a dit brusquement que l'un d'entre nous allait le trahir. 

 

Vous vous rendez compte, l'un d'entre nous, l'un de ceux qu'il avait choisi pour être ses envoyés, l'un de ceux qu'il avait enseigné, jour après jour. Moi je pensais que ce serait un de ceux qui disait croire en Jésus, un de ceux qui l'avait entendu parler dans la synagogue de Capharnaüm, ou un de ceux qui l'avait entendu dire JE SUIS. Mais non, l'un d'entre nous. 

 

Pierre, qui n'était pas loin, m'a fait signe de demander à Jésus qui ce serait. Et Jésus m'a dit doucement, à l'oreille presque, que celui à qui il donnerait une bouchée de pain, ce serait celui-là; et celui-là, c'était Judas. Jésus lui a dit alors de faire ce qu'il devait faire et de le faire vite. Je n'ai pas compris, mais maintenant je sais que le Maître qui devait donner sa vie pour nous et pour le monde, devait le faire lors de cette Pâque qui arrivait: c'était maintenant le temps choisi, le temps voulu. Et Judas est sorti, mais il était très sombre, sauf que personne ne s'en est rendu compte, puisque nous pouvions imaginer que Jésus l'envoyait acheter ce qu'il fallait pour la Pâque, en particulier l'agneau; sauf que l'agneau c'était lui, mais nous ne le savions pas, nous ne le comprenions pas. Ou alors qu'il allait donner un peu d'argent à ces pauvres qui sont dans la journée à la porte du Temple. Jésus, il est comme ça. 

 

Puis, une fois Judas dehors, il nous a tous regardés; il nous a regardés longuement, comme s'il voulait fixer en lui le visage de chacun. Et il a dit une de ces phrases un peu bizarres dont il avait le secret. Il a dit: "Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera; et il le glorifiera bientôt". Bien sûr nous n'avons pas compris, mais maintenant, je sais que ce qui nous a été montré, c'est ce qu'il avait dit dans le passé: que Dieu avait tellement aimé le monde qu'il avait donné son Fils; et que Jésus le Fils de Dieu, acceptant de finir sa vie en obéissance parfaite, accomplissait par amour la volonté de son Père; et que de cela sortirait quelque chose d'inouï. Mais nous avions l'intelligence très obscurcie. 

 

Il a ensuite ajouté: "Petits enfants, c’est pour peu de temps encore, que je suis avec vous. Vous me chercherez, et, comme je l’ai dit aux Juifs, 'là où je vais, vous ne pouvez pas aller', je vous le dis maintenant à vous aussi." Il y avait quelque chose en nous qui faisait que nous ne pouvions pas accepter qu'il meure, et que ce soit imminent. C'était étonnant ce terme "petits enfants", mais je crois qu'il voulait nous dire combien il nous aimait, combien nous étions importants pour lui. 

 

Du coup le brave Simon a posé la question que nous nous posions tous, parce que nous ne pouvions pas comprendre, la question du "où". Jésus lui a répondu que là où il allait, Simon ne pouvait pas le suivre maintenant, mais qu'un jour il le suivrait. Naturellement, impulsif comme il l'était, Simon a demandé pourquoi pas maintenant, puisqu'il était prêt à donner sa vie pour Jésus. Il avait bien compris finalement que Jésus parlait de sa mort. Et là, ça a été la douche froide, parce qu'il lui a été répondu que c'était de belles paroles, mais qu'avant que le coq ne chante, Simon l'aurait renié trois fois. 

 

Vous savez que c'est ce qui s'est passé, cette nuit-là, cette nuit de l'arrestation. Cette nuit précédée par ces paroles de vie qu'il nous a donné; ces paroles qui étaient comme un testament, avec la promesse du don de la présence de celui qui nous rappellerait tout ce qu'il avait dit, et qui serait notre défenseur, notre consolateur: l'Esprit Saint, l'Esprit de Vérité, qui nous conduira dans la vérité tout entière.

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