JEAN 21, 1-19. TROISIEME DIMANCHE DU TEMPS PASCAL.
Que n'a-t-on pas écrit sur ce texte, lu d'ailleurs aux funérailles du pape François, texte qui confère autorité à Simon-Pierre, malgré les trois moments où il n'a pas eu le courage d'affirmer qu'il était bien un disciple de celui qui venait d'être arrêté. On peut quand même se souvenir que si Pierre a bien tranché l'oreille d'un serviteur du Grand Prêtre, il risquait quand même sa vie, s'il était reconnu.
Jésus lui confère le rôle du Pasteur, celui qui conduit et celui du Berger, celui qui trouve le vert pâturage où le troupeau trouvera son repos et sa subsistance.
Si cela ne pose pas question, je me suis quand même demandée si en araméen, le verbe aimer avait autant de subtilités qu'en grec, mais Il est vrai que cet évangile est tardif, donc s'adresse à la première, voire la deuxième génération de croyants, et plus précisément à la communauté johannique. Je me dis qu'en Français où ces subtilités sur le verbe aimer n'existent pas, on a quand même, du moins pour moi, une différence entre dire à quelqu'un je t'aime ou lui dire, je t'aime bien.
Paul et Pierre ont été exécutés, mais que la bonne nouvelle se répand aux confins du monde connu, et que ce qui est dit là dans cet appendice, ce témoignage de la manifestation de jésus, du Seigneur, peut se lire comme un enseignement.
C'est ce que j'ai essayé de faire, et c'est une démarche assez inhabituelle pour moi.
Mais peut-être faut-il quand même dans un premier temps, lire le texte et le laisser parler en essayant ce que certains appellent une composition de lieu, et laisser aussi les questions venir. C'est le temps 1, que je présente maintenant.
Temps 1 analyse classique
J'aime bien mettre en exergue les mots ou les phrases qui ont été importantes pour moi.
Au lever du jour:
le jour comme une promesse. On -n'est plus dans les ténèbres.
Se jeter à l'eau.
Quand se jette-t-on à l'eau? Quand il faut faire quelque chose qui semble impossible, ou poser une question difficile? Mais j'imagine que c'est un peu comme un baptême et peut-être que Simon et Jésus se sont dits des choses sur la rive. Se jeter à l'eau, c'est aussi la confiance.
Peut-être peut-on entendre aussi dans ce récit, comme un temps de purification, comme un baptême. Utiliser ce temps où on perd ses repères pour se laisser purifier, pour se laisser laver, se laisser pardonner.
Pierre fut peiné.
Cela se dispense de commentaire. On sait que pour ce verset, Jésus emploie le verbe aimer de la même manière que Pierre, comme s'il comprenait qu'à ce moment-là, Pierre ne peut pas aimer autrement. Mais l'auteur fait comprendre aux lecteurs que Pierre qui donnera sa vie sur une croix, sera passé à cet autre amour, cet amour qui donne et qui se donne. Cela peut-être un encouragement pour nous aujourd'hui.
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment.
2 Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
On a comme une description d'un état des lieux. Malgré le don de l'Esprit reçu le jour de la Résurrection, malgré la manifestation de la semaine suivante, Simon et les autres, retournent en Galilée, et en attendant, mais on ne sait pas quoi, reprennent leur vie d'avant. Ils sont sept.
4 Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui.
5 Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. »
Et voilà un inconnu qui les interpelle, (moi j'aurais dit, hé les gars), et qui quémande. Hélas, ils n'ont rien. Tant pis pour lui.
6 Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons.
Mais l'inconnu ne se laisse pas démonter et ce qui se passe, peut aussi évoquer la multiplication des pains, quand Philippe reconnait qu'ils n'ont rien pour donner à manger à la foule. Réveiller la mémoire? Se souvenir de l'abondance avec ce peu: ces cinq pains et ces deux poissons, mais aussi de ce discours dans la synagogue de Capharnaüm.
7 Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau.
Lui, ce disciple qui a Jésus dans la peau, il se souvient, il fait mémoire, et pour lui, l'inconnu a un nom, le Seigneur.
Faut-il vraiment s'appesantir sur ce vêtement passé, nudité honte? Des fois ça m'énerve ces interprétations culpabilisantes. Bien entendu, si ça avait été un autre, Pierre ne se serait pas jeté à l'eau, et se serait rhabillé avant d'arriver; mais là, il veut le voir le premier . Il se jette à l'eau, et se jeter à l'eau, ce n'est pas rien. Qu'est-ce que Jésus va lui dire? Et lui, que va-t-il dire à Jésus. Il pêche des poissons, il ne s'occupe pas des autres, de ces péchés qu'il a le pouvoir de pardonner comme son maître? Pouvoir qui n'appartient pourtant qu'à Dieu. De ce don, qu'a--il fait,
8 Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres.
Peut-être qu'ils sont repartis un peu au large, car j'imagine mal que la voix de l'inconnu ait pu porter aussi loin. Et le miracle se fait. Non pas quelques poissons, mais un filet qui peut presque faire chavirer la barque.
9 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. »
Cela a dû les étonner de trouver ce feu, qui prouve qu'ils sont attendus, car il faut du temps pour faire des braises, de ce poisson en train de cuire, et de la demande de celui qu'ils savent être le Seigneur, Leur Seigneur, de donner de ce qu'ils viennent de prendre.
11 Simon- remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré.
Pas si facile de se représenter la scène avec les verbes proposés.
Les disciples, manifestement laisse le filet dans l'eau, descendent dans l'eau, et à mon avis, montent sur la terre ferme, que la quelle Pierre de se trouve déjà.
On peut donc penser que près du rivage , ils voient un feu, avec du poisson et du pain. Où est Jésus? Peut-être un peu plus haut, un peu plus loin. Mais c'est lui qui demande que les poissons, les siens et les leurs soient comme mélangés, confondus, mais le pain, lui reste unique.
Simon va vers la barque, lui avec un ou des, la tracte, met le filet sur la rive, constate que les mailles ne sont pas rompues, surpris par la taille des poissons, les compte, (à mon avis il faut un certain temps pour ça), et va vers le feu avec le poisson, qu'il faut faire cuire quand même.
12 Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur.
Pierre, remonte. Il va jusqu'à la barque, avec quelle force la tracte-t-il pour que le filet puisse être déversé sur la plage? Pas possible qu'il soit seul. D'où l'Importance des frères pour que la pêche ne soit pas perdue.
Ou alors c'est juste la fin, mais ce verbe remonte, peut prophétiser ce qui va se passer par la suite;
Dieu l'a sauvé de l'abîme des grandes eaux, il l'en a fait remonter. Il l'a sauvé; c'est presque la marche sur les eaux, des synoptiques dans Matthieu après la multiplication des pains;
13Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson.
14 C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
On aurait pu en rester là, un repas partagé, une amitié simple, mais quand Jésus se manifeste, c'est pour donner une mission, et c'est ce qui va se passer.
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15Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »
Jamais simple cette question. Bon il y a le : "est ce que tu m'aimes," au sens d'aimer comme on aime son époux, son unique, et Simon répond par "je t'aime bien."
On peut aussi entendre, Eux tu les aimes, ce sont tes amis, est ce que moi, tu m'aimes de la même manière ou est-ce que tu m'aimes autrement, parce que tu sais que moi, je t'aime autrement. Est-ce que tu peux répondre à mon amour?
Le pasteur Nouis, dit que l'agneau est un animal sans défenses, pas de cornes, et ce sont ceux-là qui sont confiés à Simon, qui devient berger comme Jésus, ou comme son Père. Une première charge.
16Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. »
On passe aux brebis, mais elles non plus n'ont pas de défense, et elles ont besoin de quelqu'un qui les guide.
17 Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis.
Cette fois-ci, Jésus s'est adapté à Pierre; et c'est un peu, comme s'il lui disait; aimes-moi comme tu peux, mais je t'aime tel que tu es. Et c'est la fonction de trouver la nourriture pour le troupeau qui lui est donnés. Mais dans la Bible, Dieu se dit le berger de ses brebis. Être berger à la façon de Dieu. Is 40: 11 Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras le rassemble. Il porte ses agneaux sur son cœur, il mène au repos les brebis.
Pierre a-t-il fait à ce moment-là le rapprochement avec ce feu de braises et ce qui s'est passé la nuit de l'arrestation? Le disciple, certainement. Pierre, pas sûr.
18Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
19Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Le texte proposé ce dimanche s'arrête là. J'en fais autant. Il s'arrête avec l'annonce prophétique de la mort de Pierre, la mort sur la croix, comme un esclave. Et avec un ordre: "suis-moi". On sait que Simon ensuite se retourne, voit le disciple aimé, et ne peut s'empêcher de demander ce qui est prévu pour ce dernier. On connait la réponse de Jésus, ça ne te regarde pas. Mais il fera ce que j'ai prévu pour lui.
Temps 2: que nous dit le rédacteur.
Une autre lecture, plus centrée sur ce que nous dit aujourd'hui , le rédacteur de ce texte, lui qui termine son livre en disant qu'il y a encore beaucoup de choses que Jésus a faites (avant et après la résurrection) et que s'il fallait écrire chacune d'elle, le monde entier ne suffirait pas pour contenir tous les livres que l'on écrirait.
Peut-être faut-il dissocier les deux parties assez évidentes de ce récit, à savoir ce que nous appelons la pêche miraculeuse et l'explicitation du rôle de Simon, celui que Jésus a nommé Képhas dès le début de sa vie publique.
La pêche miraculeuse.
1 Rester soudés dans l'adversité.
On ne sait pas très bien ce qu'ils font en Galilée. En théorie, c'est ce que Jésus leur a demandé dans l'évangile de Matthieu, alors que chez Luc, ils doivent rester çà Jérusalem. On a l'impression, qu'ils sont perdus, et que retourner en Galilée, c'est retrouver une certaine sécurité. Simplement, ils restent quand même en petit groupe. Ils sont ensemble. Alors là, on a déjà une indication: quand ça va mal, parfois il est plus prudent de faire un arrêt, de se mettre à l'abri, mais pas tout seul. C'est important de ne pas se terrer dans son coin, de faire le mort. Et de fait, Simon dit ce qu'il veut faire et les autres partent avec lui. Agir ensemble.
Le lever du jour et la troisième manifestation de jésus.
-Le lever du jour évoque pour moi le matin de la résurrection, mais dans l'évangile de Jean, ce troisième jour est caractérisé par les ténèbres qui sont encore là, et qui ne seront chassées (et encore) qu'à la fin du jour quand Jésus se manifestera aux 10, puisque Thomas n'est pas là.
-Le troisième jour dans la bible, c'est le signe de la manifestation de Dieu. L'alliance à l'Horeb a lieu le troisième jour.
Finalement un jour qui semble marqué par le deuil, la tristesse, peut se transformer en jour de joie. Et cela c'est une espérance pour nous.
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3. Se laisser questionner., ne pas résister aux motions.
Ils ont passé une nuit sans résultats. Ils rentrent surement dépités, fatigués, mais c'est la loi du lac. Et là, quelqu'un leur demande s'ils ont quelque chose à manger. Manger c'est important, qui est cet homme qui semble leur demander quelque chose. Ils peuvent être tristes de ne rien avoir pour lui.
Puis c'est la suggestion: jeter le filet à droite. C'est très précis. Peut-être que c'est incongru, je ne sais pas. Mais quand on ne sait plus à quel saint se vouer, pourquoi pas. Mais ils l'ont fait, et cela c'est important. Je dirai presque que c'est comme une motion de l'Esprit, on peut résister.
4 Comment réagir devant le miracle? Se jeter à l'eau, aller vers. Ne pas avoir peur.
Le filet est tellement rempli que sept hommes n'arrivent pas à le tirer. C'est étonnant. Pour l'un d'entre eux, la signification est évidente : c'est le Seigneur. Pour les autres, on ne sait pas, pour Simon, l'impulsif, c'est comme un signal. Aller voir. Et peut-être aussi faire mémoire. Et il y a eu la multiplication des pains, qui lui avait permis d'affirmer que seul Jésus avait les paroles qui donnent la vie éternelle. Seulement entre temps, il y a cette faute, ce reniement. Si c'est le Seigneur, qu'est ce qui va se passer?
On ne sait pas ce qui se passe dans la tête de Simon, mais je crois que le besoin de voir est impératif, même si on ne sait pas. Se jeter à l'eau, c'est accepter de perdre peut-être ses repères, de se mettre un peu en danger, mais aussi de penser. Peut-être aller au-delà de la honte, ne pas regarder son nombril son passé, mais le présent;
Se sont-ils dit quelque chose quand Simon arrive? Mais si Simon qui est le patron, se jette à l'eau, c'est qu'il y a urgence pour lui.
5 le feu de braise et le poisson qui est en train de cuire et la demande de Jésus.
On dit toujours que le feu de braise, est là pour rappeler à Simon Pierre un autre feu. Un feu qui brûlait pour réchauffer, un feu qui brûlait dans une nuit froide, sans espoir. Là le feu est comme transformé, il devient feu du repas qui va être partagé. Feu de la présence de celui qui prépare. Et là, j'ai envie de dire que Jésus ne nous en veut pas de nos reniements, de nos errances. Il prépare un feu, un feu où on peut faire brûler ce passé, et se réjouir du présent. Et c'est peut-être ce que nous dit aussi ce "au lever du jour".
6 le repas partagé.
Pierre, est certes nommé comme celui qui retourne au bateau, qui le hâle, et qui récupère le filet et les poissons, mais à moins d'être un sur-homme, il ne peut pas faire cela tout seul. Là encore, ce texte dit que pour obéir à ce que Jésus demande, parfois il faut l'aide des frères. Il y a le poisson qui cuisait, il y a le poisson qui cuit, et c'est Jésus, qui prend et qui donne, c'est lui qui fait de nos poissons, de nos pêches autre chose, et cela c'est notre joie.
-L'institution de Pierre comme berger, et l'annonce d'un certain futur.
Je dois reconnaître que curieusement ce passage me pose beaucoup de questions, que je ne suis pas sûre de pouvoir résoudre. Bien sûr, il y a le reniement par trois fois et la triple demande de Jésus, il y a eu le feu de braise. Il y a l'annonce de la mort de Pierre, que le rédacteur a vu se réaliser, mais qui montre aussi, qu'à ce moment-là, Simon-Pierre aime au point de donner sa vie, comme son maître l'a fait. Il est donc passé du "je t'aime bien" au "Je t'aime" ce que l'on ne dit qu'à sa famille de sang. Et cela peut quand même mettre un peu de baume au cœur. Quant à ce qui est dit au sujet de celui qui rapporte ces évènements, que sa fonction est de rendre témoignage autrement, simplement de demeurer jusqu'à ce que jésus revienne, mais on pensait que le retour serait imminent, quoique dans son épître Pierre n'en soit pas si sûr.
Peut-être que ce qui me séduirait dans cette péricope, c'est ce qui se passe entre Jésus et Pierre, quand ce dernier se retourne, voit qu'ils sont suivis par celui qui lors du dernier repas s'était penché sur le cœur de Jésus et lui avait demandé qui serait celui qui le livrerait, et qu'il demande ce qui va advenir pour ce dernier. A quoi Jésus répond, "qu'est-ce que ça peut te faire, ce ne sont pas tes oignons, fiche-moi la paix" et je dois dire que ce Jésus-là, je l'aime. On pourrait presque dire "va te faire voir".
Mais quel est le projet du rédacteur? Nous faire comprendre que même si on n'a pas été à la hauteur, on peut tout à fait, à condition d'aimer à la manière humaine, avec notre pauvre petit cœur imparfait, devenir le berger des agneaux, des petits, des sans défenses; devenir le pasteur des brebis, les diriger, leur montrer le chemin.
Peut-être que le grand absent de cette péricope c'est l'Esprit Saint, mais heureusement pour nous Luc viendra à notre secours.
Un récit
Cela faisait presque trois semaines que Jésus leur était apparu par deux fois, à huit jours d'intervalles, mais ils avaient toujours peur, peur des romains, peur des juifs, peur de tout. Et puis à Jérusalem ils se sentaient des intrus, des étrangers.
Les jours avaient passé, l'argent avait fait défaut, ils ne savaient plus que faire. Ils savaient que Jésus était vivant, mais au fond d'eux, ils étaient encore sous le choc de la vision de Jésus, défiguré, sanglant, à bout de souffle sur la croix. Cette image elle était là, et même s'ils avaient vu les trous laissés par les clous, la plaie du côté qui avait déchiré le cœur, devenus des puits de lumière, ils n'y croyaient pas. Et puis Jésus leur avait de s'aimer les uns les autres, mais Judas, ils le haïssaient, Pilate, ils le détestaient. Aimer est ce que c'est possible quand on a mis à mort le Juste?
Le seul qui semblait en paix c'était celui qui était si proche du Maître, celui qui semblait tout comprendre avec un temps d'avance sur les autres. Lui il était dans la Paix, il semblait joyeux.
Quand Pierre avait proposé de rentrer en Galilée, il s'était joint à eux. Eux, c'était Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël, Jean et Jacques les fils de Zébédée, Jude et un autre. Ils étaient sept, sept à se serrer les coudes, sept à essayer de reprendre le fil de leur vie.
Simon avait retrouvé sa barque, et ce jour-là il avait décidé de pêcher. Il faut bien vivre. Tous s'étaient embarqués avec lui, mais ils n'avaient rien pris. Le filet était resté désespérément vide. Au petit matin ils s'étaient approchés du rivage et là, un homme leur avait demandé s'ils avaient de quoi manger, ce à quoi ils avaient répondu par la négative. Il leur avait alors dit de jeter le filet à droite . Il émanait de lui une véritable autorité, et puis, il serait bien temps de rentrer ensuite.
Seulement là, le filet s'était rempli, la barque avait même failli chavirer, et il fallait se mettre tous à ramer pour ramener la barque. C'est alors que Jean, ce disciple qui pas comme les autres avait dit à Pierre, que cet homme, c'était surement le Seigneur.
Quand Pierre avait entendu cela, personne ne sait ce qui s'est passé dans sa tête, mais il a attrapé une tunique, il s'est jeté à l'eau et il a regagné le rivage comme il a pu. Qu'est ce qui s'est passé dans sa tête? Il est impulsif, ça c'est sûr. Est-ce qu'il voulait être le premier à le voir, à parler avec lui, peut-être à lui expliquer pourquoi ils étaient sur lac et pas à Jérusalem? Ce qui s'est passé personne ne le sait. Mais peut-être que Simon lui a dit qu'il l'aimait…
La barque est arrivée à terre, et en débarquant, les autres ont vu qu'il y avait un feu de braise pas loin de la rive, avec du poisson en train de cuire et des galettes de pain sur des pierres. L'inconnu a demandé que l'on apporte du poisson frais pêché, et ce n'était plus l'inconnu du bord du lac, l'inconnu qui avait donné un ordre insensé, non c'était bien Jésus de Nazareth, leur Jésus, Jésus le ressuscité, Jésus avec un corps autre.
Pierre est allé remonter le filet, mais Jude, Jean et Jacques sont allés avec lui. Le filet était plein de gros poissons, mais les mailles n'étaient pas rompues; ça c'était cadeau, parce que rapetasser un filet ce n'est jamais drôle. 153 poissons avaient été pris. C'était énorme. Cela faisait penser à l'abondance, que Dieu seul est capable de donner.
Jésus avait alors partagé du poisson et du pain; et tous ils avaient mangé, parlé, bu de cette eau de source qui jaillit par endroit. Un peu de temps avait passé. Puis tout à coup il s'était tourné vers Pierre et lui disant Simon Fils de Jean , m'aimes-tu plus que ceux-ci? Nous, nous n'en avons pas cru nos oreilles. Bien sûr qu'il l'aime lui, plus qu'il nous aime nous, qui ne sommes que des compagnons, des amis. Mais Simon ne semblait pas à l'aise quand il lui a dit que oui, il l'aimait bien. Jésus lui a dit alors qu'il serait le berger de ses agneaux. Et cette question il la lui a posée encore deux fois et Pierre était de plus en plus mal à l'aise. Il était même sur le point de pleurer la troisième fois. C'était quand même comme si Jésus lui transmettait sa charge à lui, lui qui avait donné sa vie pour ces hommes et ces femmes qu'il appelait ses brebis et qui avaient reconnu en Lui l'envoyé de Dieu, le Fils de l'homme.
Peut-être avait-il pensé à cette funeste soirée où lui, Pierre, lui qui avait dit qu'il donnerait sa vie pour son Maître, peut-être s'était-il demandé le pourquoi de cette insistance. Jésus sait bien qu'il l'aime avec ses pauvres moyens, alors pourquoi trois fois? Jésus lui avait donné ensuite un ordre: le suivre. Et ils étaient partis tous les deux. Peut-être que Jésus voulait lui en dire un peu plus, à lui qui avait désormais cette charge sur les épaules. Ils sont partis, mais le petit, cet homme qui nous posait question parce que lui, il semblait tout comprendre les a suivis, comme s'il voulait quelque chose. Pierre s'est alors retourné, et a demandé à Jésus, ce qu'il allait advenir pour lui. Peut-être n'avait-il rien compris à ce que Jésus avait dit. Après tout il était encore jeune, il pouvait mettre sa ceinture tout seul et aller où il le voulait. Pourquoi un jour futur quand il serait devenu vieux, serait-il conduit par un autre pour aller là, où il n'aurait pas envie d'aller?
Jésus lui a répondu assez vertement que ça ne le regardait pas et que si Lui, Jésus voulait que ce disciple-là demeure jusqu'à son retour, cela ne le regardait pas. Mais qu'est-ce que Jésus a-t-il voulu dire? Un jour nous comprendrons, un jour le Défenseur qu'Il nous a promis descendra sur nous et fera de nous ses témoins jusqu'au bout de la terre. Aujourd'hui, restons dans la joie de la présence, et de ce repas qui nous a restauré qui a fait de nous des frères, qui a fait de nous ses frères.