dimanche, mai 04, 2014

Disparition

J'ai lu il y a quelque temps un roman policier qui se passe en Islande, pays au climat "violent" et dans lequel on retrouve le héros de la série, qui a autrefois "perdu" son petit frère dans une tempête; Quand je dis perdu, c'est au sens fort, car cet enfant n'a jamais été retrouvé, malgré toutes les battues possibles et imaginables. 

Dans ce même roman, il y a aussi un autre personnage qui a disparu sans laisser de trace. Est elle morte, s'est elle sauvée pour faire une nouvelle vie? On ne le saura qu'à la fin du livre. 

Mais ce qui m'a donné du grain à moudre, c'est que lorsque que quelqu'un meurt, il est très important de voir le corps, de faire ce qu'il faut pour cette dépouille, et ne pas pouvoir le faire complique énormément les choses. On dit que le deuil est impossible. Mettre quelqu'un en terre, c'est savoir où il est.. Une disparition en mer reste d'après ce que je sais quelque chose d'insupportable pour une famille. Comment lui rendre les derniers hommages comme on dit. 

Alors cela m'a ramené à ce matin de Pâques où les femmes viennent justement pour s'occuper du corps, pour pouvoir peut-être lui redonner une apparence humaine à cet homme mis en pièce par le fouet, par la couronne d'épines, par les clous, par la lance. Et de corps il n'y en a pas, et je pense que cela a dû être affreux pour elle. Si Marie -Madeleine, dit au jardinier "dis moi où tu l'as mis et j'irai le chercher", c'est bien que cette absence de corps est de l'ordre de l'insupportable. 

Il y a bien la phrase d'Isaïe: là où est le corps, là se rassemblent les vautours..D'accord il y a des anges là où était le corps, mais de corps il n'y en a plus.

Et pourtant il y a bien un corps, mais lui aussi est appelé à disparaitre pour devenir autre. Je veux dire que quand le soir du repas avec les Apôtres, Jésus dit: ceci est mon corps, le pain devient signe de la présence, de sa présence, or ce pain une fois en nous, il est appelé à disparaître, à se transformer (ou à nous transformer). Il en va de même du vin, il est signe du sang versé, il fait mémoire de l'Amour, mais il est absorbé par nous, il disparait. 

Alors il me semble que ce qui se passe depuis la Résurrection c'est que comme pour les disciples d'Emmaüs, dès que le Corps est là, et dès qu'il est reconnu  (et je pense que le coeur brulant était le signe de la présence du Souffle de l'Esprit, de l'Amour qui dilate et qui ouvre), Jésus est à la fois là et pas là. Il ne se laisse pas "attraper" (le vent souffle, tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va), et que ce symbolisme entre Présent/ Absent , montre bien que ne pas mettre la main sur Lui, permet justement de garder vivant le désir de le suivre, tout en sachant que mettre la main sur Lui n'est possible et que c'est cette alternance de présence et d'absence qui permet parce qu'il y a du vide que l'Esprit Saint là pour révéler ce qu'il en est de la Gloire du Fils dans le Père, Gloire que nous sommes appelés à partager. 

Les rituels liturgiques permettent alors de vivre cette Absence qui pourtant est Présence pendant certains temps. 


lundi, mars 31, 2014

Parfois je hais Facebook. A propos d'une folle soirée....

Je connais par le biais de Facebook un certain nombre de personnes qui ont des vécus qui quand on les connait un peu (ou quand on les devine au travers de ce que ces personnes racontent) donnent froid dans le dos.

Les événements qu'elles ont vécu restent actifs dans leur vie, ce n'est pas derrière (et je me demande d'ailleurs si c'est possible) et se traduisent aussi par des symptômes regroupés sous les initiales TCA (Troubles Alimentaires du Comportement) que ce soit l'Anorexie (impossibilité d'avaler quoique ce soit, d'une part parce que cela fait grossir, mais aussi parce que les odeurs sont insupportables) ou la Boulimie (qu'elle soit accompagnée ou non de vomissements).

Beaucoup de mes  "amies" Facebook vivent cela en ce moment et l'anorexie cela conduit à l'hospitalisation, à l'alimentation par gavage, à des prises de médicaments, etc etc. Pour chacune d'entre elle, ces troubles ont des origines différentes, mais elles renvoient toujours me semble t il à un désir de ne pas exister, parce qu'il n'y a pas eu des bras ou des regards pour vous dire "tu as du prix à mes yeux, je t'aime, tu as du poids pour moi".

Hier soir, je me suis trouvée "happée" par plusieurs personnes qui attendaient je ne sais pas quoi de moi, parce qu'elles étaient inquiète et que j'aurais dû trouver les bons mots pour les sortir de cette horreur, car c'en est une.

Le problème c'est que je n'ai pas 6 ou 8 mains, qu'il me faut du temps pour réfléchir et ne pas écrire n'importe quoi, que souvent quand j'ai plusieurs conversations à la fois j'oublie de cliquer pour envoyer et que finalement je ne suis pas la déesse hindoue aux multiples bras et que je refuse de laisser happer par ces demandes qui demandent du temps et de la réflexion.

De plus, une de mes amies avec laquelle j'ai l'habitude de passer du temps tous les soirs s'est rendue compte que j'étais bouffée par d'autres, qu'elle s'est sentie ne plus avoir de valeur pour moi puisque les autres prenaient sa place (même si c'est faux car je pense que mon coeur est assez grand pour pouvoir contenir beaucoup de personnes) et à manifester sa souffrance en me montrant une identité de petite fille en colère contre cette maman qui lui "ment" en lui ayant fait croire qu'elle comptait.

Je pense que ces amies que je connais par le biais du virtuel, ont un infini besoin de reconnaissance, que dès qu'elles ont la sensation de ne plus être reconnues, elles retrouvent ce qu'elles ont toujours vécu, à savoir être un objet que l'on jette.

Alors j'ai décidé que je mettrai des limites. Je suis ce qui je suis, je fais ce que je peux, mais je ne peux pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. Je ne me ferai plus manger et tant pis si on pense de moi que je suis égoïste.

Après le repas, je resterai en véritable contact avec celle qui s'est mise en colère hier soir parce qu'elle a vécu un abandon et je ne mènerai pas plus de deux vraies conversations.Je ne dis pas que je ne répondrai pas aux autres, mais juste pour dire que j'ai lu.  Ce sera comme cela et pas autrement.

Dans la journée c'est différent et comme je l'ai dit aussi haut et fort, ce système de messagerie privée, c'est de la folie. Les mails permettent de faire un vrai travail, on peut avoir le temps de réfléchir, de penser, de panser, de reprendre. Les messages privés, c'est tout, tout de suite et ça je ne veux plus. Je suis tout à fait capable de savoir si parfois c'est nécessaire, mais si j'écris ce billet c'est pour mes "amies" comprennent que je peux les porter dans mon coeur, mais je ne me laisserai pas bouffer, car si je rentre dans ce jeu (et c'est facile de culpabiliser en disant que je me désintéresse ) tout le monde y perdra et cela je ne le veux pas.

Mes yeux découvrent chaque jour les ravages faits par les abus, par ces maltraitances. Cela me crève le coeur au sens fort, mais seule la relation au Tout Autre peut permettre non pas de guérir mais de vivre en reprenant le poids que l'on aurait du avoir.

Etre porteuse d'eau, c'est donner à boire à ces assoiffées d'amour et comme tout être humain, moi aussi j'ai soif d'être aimée et reconnue. Mais les limites sont indispensables et j'y veillerai.

samedi, mars 29, 2014

Les disciples d'Emmaüs/ Adam et Eve

Nous avons relu en tout petit groupe l'évangile des disciples d'Emmaüs. Ce qui m'a frappée à cette relecture, c'est ce que Luc dit des yeux de des disciples que j'ai envie, comme cela se dit parfois de considérer comme un couple qui m'a interpellée. Car en plein jour les yeux sont "fermés" en l'absence de lumière, les "yeux s'ouvrent'.

Dire que "leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître" c'est comme dire qu'ils étaient aveugles ou aveuglés par quelque chose. Bien sûr l'homme qu'ils rencontrent ne porte pas sur son corps les marques de la crucifixion, c'eut été trop simple.

Quand la rencontre se fait, on est en plein jour, le soleil est là, il fait clair. Mais eux, qui sont dans leur rumination, dans leur tristesse, malgré la clarté qui est là, sont tellement dans leurs pensées, que certes ils accueillent ce drôle de type qui n'est au courant de rien, certes ils cheminent avec lui, certes ils écoutent ce qu'il raconte et qui donne un sens à tout ce qui vient de se passer, mais ils ne se posent pas de question sur cet homme..C'est un homme, il n'a pas de nom. Peut être justement parce que c'est l'Homme, mais cela ils ne le savent pas. d'une certaine manière ils restent dans leur nuit alors que la clarté est avec eux.

Et le soir tombe et avec la tombée de la nuit qui est rapide en Palestine, on passé du clair obscur à la nuit. Le couple est arrivé chez lui, à Emmaüs.  L'homme fait mine de continuer son chemin et de toutes les manières, il n'a jamais dit où il allait et s'il était attendu quelque part. Pourtant cet homme, pour le couple, il n'est pas question de le laisser partir sans lui offrir l'hospitalité. L'hospitalité en Orient, c'est fondamental. Et L'homme se laisse faire.

Seulement ce jour là, ce n'est pas n'importe quel jour, car si l'agneau pascal a été immolé le vendredi, on est dans le temps de la Pâques des Juifs, et dans le temps de cette semaine où l'on consomme du pain sans levain. C'est une semaine particulière. Et la nuit est tombée, les bougies sont peut être allumées et voilà que l'homme dont ils ne connaissent toujours pas le nom, prend le pain, le bénit, le rompt. Et là, dans la nuit, dans la quasi obscurité, les yeux s'ouvrent, et d'un coup ils "savent", ils comprennent que celui là, c'est le "Seigneur", et que tout ce qu'il a expliqué prend un sens.

C'est dans la nuit que les yeux s'ouvrent. Et quand les yeux s'ouvrent, quand le coeur s'ouvre, quand la brûlure de la présence se fait ressentir, alors celui dont ils savent enfin le nom, disparait, mais reste présent en eux, tellement présent qu'ils partent immédiatement prévenir les autres que ce qu'avait annoncé Jésus est bien arrivé.

Or ce couple là, qui passe d'une certaine manière de l'obscurité à la lumière, il est d'une certaine manière à l'opposé du couple primitif tel que le raconte la Genèse. Eux avaient la lumière, et ils l'ont perdue. Et c'est cet autre couple qui n'a pas la lumière et qui la trouve ou la retrouve.

C'est dans la clarté, dans la journée que les yeux du couple Adam et Eve s'ouvrent d'une certaine manière ou se ferment (si l'on voit les choses autrement). Ils comprennent qu'ils ne sont pas pas Dieux, mais des petits humains, nus, fragiles, dépendants, et qu'ils ont été aveuglés par un faux discours et que cet aveuglement il va perdurer. Ils se voient "nus" et qu'ils se rendent comptent qu'ils ont "perdu" quelque chose.

 C'est à la nuit, quand Dieu qui se promène à la brise du soir que finalement ils se rendent compte qu'ils sont comme des aveugles, parce qu'ils ont perdu "la lumière", celle de Dieu qui donne un halo différent à toutes choses.

Cette cécité, (même si par ailleurs je continue à penser que cette curiosité a permis l'essort de l'humanité) qui fait de l'homme da propre recherche, ne sera vaincue que lorsque Jésus aura d'une certaine manière par la mort et sa résurrection vaincu l'ange porteur d'une épée de lumière qui empêche le passage vers l'arbre de vie.

La porte est ouverte, les yeux sont ouverts à nouveau et une alliance nouvelle peut enfin être créer, pas une alliance dans la peur, mais une alliance dans l'amour.

vendredi, février 28, 2014

Job 29: qui est il celui là?

Souvent le mardi soir, qui est une soirée sans ordinateur et sans télé, une soirée pour moi (ou pour Dieu) je lis les textes que nous lirons lors de notre réunion « autour de la bible » (les Actes des Apôtres en ce moment), mais pas plus de deux ou trois chapitres, en prenant le temps de lire, ce qui permet de goûter, voire de déguster, et parfois de tomber sur des phrases qui peuvent chanter en moi par la suite; et ensuite j'ouvre un peu ma bible au hasard (enfin tout est relatif parce que je sais à peu près où se trouvent les différents livres qui la composent).

Là je suis tombée sur le chapitre 29 du livre de Job. Ce livre, je l’ai travaillé en groupe; il pose la question du mal, de la souffrance, du mal subi. Donc préjugé favorable à rouvrir ce livre.

J’ai donc lu ce chapitre 29, tout seul, sans tenir compte de ce qu’il y a avant et après, et j’ai été sidérée par la manière dont Job se décrit. Ce chapitre se termine par des versets assez stupéfiants quant à l'image que Job a de lui: Jb 29,23 à 25 : « Quand j’avais parlé, nul ne répliquait, sur eux gouttes à gouttes tombaient mes paroles. Ils m’attendaient comme on attend la pluie. Leur bouche s’ouvrait comme à l’ondée tardive. Je leur souriais, ils n’osaient y croire, et recueillaient avidement tout signe de ma faveur. Leur fixant la route, je siégeais en chef, campé tel un roi parmi ses troupes, comme il console des affligés ».

Que le style soit superbe, je ne le conteste pas, mais j’ai été comme sidérée par le manière dont Job se décrit. Certes il est un « juste », mais je ne suis pas sûre que Salomon se soit décrit avec une pareille emphase. Ma réaction a été : mais pour qui se prend il ce type ? 

Qu’il soit exaspéré par les propos de ses amis qui veulent lui démontrer que s’il a perdu la faveur de Dieu, c’est qu’il a dû par derrière faire quelque chose de mal, cela je le comprends. Mais des phrases comme "A ma vue les vieillards se levaient et restaient debouts", en d’autres termes les vieillards, qui représentent la sagesse, s’inclinaient devant la mienne et restaient debout comme si j’étais un roi, ou encore "les notables arrêtaient leur discours et mettaient leur main sur leur bouche", comme si leur parole ne valait rien devant celle de Job, m’interpellent. Des phrases de ce type, on en lit dans les psaumes : quand Dieu parle, l’homme met sa main devant da bouche et ne prend pas la parole.

Il me semble que quand Marie Balmary commente le livre de Job, elle fait remarquer que ce dernier offre des sacrifices pour ses fils et ses filles qui font la fête, donc qu’il fait à leur place, et que de ce fait il ne les laisse pas libre. Or là, ce que je ressens c’est cette certitude d’être parfait, d’être celui devant lequel tout le monde s’incline, celui qui sait tout, qui fait tout et aussi est partout, bref Dieu parmi les hommes. Si Job se considère comme cela, il n’est pas étonnant que tout ce qui lui tombe dessus soit vraiment de l’ordre de l’insupportable car il a fait régner l’ordre divin à la place de ce dernier, il lui a presque pris sa place.

Comme je l’ai dit, et là, ça a été plus fort que moi, la phrase qui est venue a été : pour qui il se prend ce bonhomme? Je veux dire que mon abord de l’homme Job a profondément changé. Au fond de moi, je me suis dit qu’il avait peut être quelque chose à apprendre et que c’est peut être cela aussi que ce livre qui est un écrit qui appartient à la Sagesse, peut m’apprendre.

Les quatre chapitres qui terminent le premier cycle des discours entre Job et ses trois amis montrent que ce qu’on appelle la théologie de la rétribution ou de la prospérité ne tient pas la route. Job tient à sa justice et ne la lâche pas, sa conscience ne lui reproche aucun de ses jours (Jb28, 6) et il va se lancer dans son panégyrique qui montre quel homme parfait il est et a été. Bien entendu il est nécessaire de ne pas sortir le chapitre de son contexte, car Job se plaint amèrement de cette existence qui lui est tombée dessus, et il veut convaincre ses amis que contrairement à ce qu’ils peuvent imaginer, il n’a jamais commis le mal et ce qui lui arrive « n’est pas juste » comme disent les enfants ou « pas mérité » comme disent les adultes.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce texte, il faut savoir qu'il existe dans la Bible ce qu'on appelle la théorie de la rétribution, qui vient du Deutéronome : si tu choisis de suivre ma loi et mes préceptes, je serai avec toi et tout te réussira (Dt 31).  Celui qui fait le bien est béni de Dieu et il prospère. Celui qui fait le mal est maudit de Dieu, et il dépérit. En d'autres termes, la richesse et la réussite sont les signes que Dieu est avec vous, qu'Il vous aime et que vous être Juste à ses yeux. La pauvreté et la maladie sont les signes que vous avez fait quelque chose de mal et que vous êtes un pécheur. 


Le début de l'histoire de Job nous montre aussi qu'il est question d'un « deal » entre Dieu et le Satan. Le deal étant: est-ce que Job, s'il est confronté à la pauvreté et à la maladie, continuera à bénir Dieu? D'une certaine manière on peut dire que Job continue à bénir Dieu, car s'il maudit quelqu'un ce sera la mère qui l'a engendré, les seins qui l'ont nourri, les genoux qui l'ont accueilli. Mais d'une part il se plaint et ô combien, et d'autant plus qu'il se sait juste devant le Seigneur, ce qui fait qu'il se débat comme un lion devant les accusations de ses amis qui veulent le convaincre de péché (qui de vous me convaincra de péché dira un jour Jésus), et d'autre part, il se met en colère contre ce Dieu qui lui impose des choses qu'il n'a pas mérité. On a quand même l'impression que Job se prend pour le tout puissant, et que s'il fait le bien autour de lui, c'est presque faire le bien pour faire le bien. Quand il sort de chez lui, l'important est de faire du bien, faire, faire faire. Et le bien, il le fait.  Certes son cœur s’est serré à la vue des pauvres, il a pleuré sur ceux qui ont la vie dure, mais s'il a fait cela uniquement pour espérer le bonheur, peut être y a t il un problème.


Après avoir lu ce chapitre 29 j’ai lu les deux suivants, qui terminent ce premier grand cyle de discours, mais là aussi j’ai eu des surprises. Que Job applique à la lettre la phrase du psaume 8,5 « A peine le fis tu moindre qu’un Dieu, le couronnant de gloire et de beauté » puisqu’il est juste et que le juste (Psaume 1) est "comme un arbre planté près des ruisseaux, qui donne son fruit en sa saison et jamais son feuillage ne sèche", c’est certain.  Mais la manière dont il parle de ceux qui le méprisent alors qu'il est devenu un "impur" qui a dû quitter la ville du fait de sa maladie de peau est plus que méprisante: "Et maintenant je suis la risée de plus jeunes que moi, dont je méprisais trop les pères pour les mettre parmi les chiens de mon troupeau" Jb30, 1. Certes ces hommes sont méchants et viennent cracher sur lui, mais a-t-il, lui qui se qualifie de juste, essayé de faire quelque chose pour ces miséreux? On est bien loin de la parabole des ouvriers de la onzième heure (Mt 20).


On a toujours dit que l'un des intérêts du livre de Job est de comprendre que quand la vie vous tourne le dos, on a le droit de crier, de hurler, de râler après le créateur, car c'est être quand même en relation avec lui. Et Job ne s'en prive pas. Je cite quelques versets qui sont quand même très violents: Jb30, 20 et suivants: « Je hurle vers toi et tu ne réponds pas, je me tiens devant toi et ton regard me transperce, tu t'es changé en bourreau pour moi et de ta poigne tu me brime.. »

Certes Job se justifie: "N'ai je point pleuré avec ceux qui ont la vie dure"? Mais cela est un peu en contradiction avec le début du chapitre ("ces hommes qu'il n'a pas embauché pour sa vigne"): Job choisit d'une certaine manière ceux qu'il doit aider, ceux qui sont dignes de son estime. Que ces fils de P. osent l'attaquer, c'est faire comme si l'envie n'existait pas. Peut être faut il qu'il ouvre les yeux autrement notre Job, et ce sera justement ce qui va se passer quand Dieu va entrer dans la joute oratoire. 


Quant au chapitre 31, on peut l'entendre comme une auto justification. Job n'a pas posé son regard sur la jeune fille vierge, il n'a pas truqué ses balances, il est intègre. Et si quelqu'un arrive à prouver le contraire, alors il veut bien que sa récolte appartienne à un autre, que sa femme soit donnée comme servante et que d'autres hommes la prennent pour femme (merci pour elle), que son épaule de détache de son dos si l'on peut prouver qu'il n'a pas tendu le bras à l'orphelin; non il n'a pas mis sa confiance dans l'or ou dans l'argent, il n'a pas adoré la lune ou le soleil. Job n'est pas comme Adam qui au soir de sa faute s'est caché, car lui il n'a pas commis de faute, il n'a pas désobéi. Et pourtant tout se passe comme s'il avait désobéi. Alors Job en appelle au Seigneur EL Shaddai, celui qui l'accable et qui refuse de l'écouter. 


Curieusement cet éloge de lui-même m'a fait penser à ce que Paul écrit dans l'épitre aux Romains (Rm 9, 31): "'Israël, qui poursuivait une loi de justice, est passé à côté de cette loi. 32Pourquoi ? Parce qu'il l'a poursuivie, non pas en vertu de la foi, mais comme si elle relevait des œuvres". 

Or ce que je ressens en lisant ces chapitres, c'est que certes Job respecte la loi, certes elle est en lui comme un carcan, mais ce sont les oeuvres qui dominent, le faire pour faire, le faire pour être respecté, le faire pour être admiré, le faire pour être finalement adulé; l'amour n'y est pas, même s'il dit que son coeur se serre quand il voit la veuve et l'orphelin. 

Nous savons tous de Dieu ne répondra pas aux accusations compréhensibles de Job: je n'ai rien fait de mal, donc tu n'as pas le droit de me faire connaître la souffrance et le malheur, mais qu'il le renverra à sa place de créature. Même s'il fait le bien, il n'est pas le tout puissant.  C'est quand Job aura compris cela après que Dieu ait répondu dans la tempête, qu’il pourra dire (Jb 40,5): "Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi je renonce: je me repens sur la cendre et sur la poussière."

 Et c’est quand il aura offert un sacrifice pour ses amis, ce qui est une manière de prendre soin d'eux, de les aimer malgré tout ce qu'ils ont pu lui dire et lui faire, que Job qui n'est plus le maître de tout, mais qui reçoit de la main de Dieu, pourra à sa juste place faire le bien autour de lui.


mercredi, février 05, 2014

Baptême.




Ce dimanche c'était faire mémoire du baptême de Jésus. Classiquement on dit que le Jourdain a été sanctifié par celui qui était la source de toute bénédiction, en reprenant un peu ce que dit Jean à son cousin: c'est moi qui devrait être baptisé par toi.

Le frère Benoît qui célébrait, nous a montré une icône du baptême, en la commentant, en nous faisant réfléchir sur le symbolisme de cette image. A un moment il a employé l'adjectif  "initiatique" pour qualifier ce moment de la vie de Jésus et de le rapprocher de nos propres baptêmes, comme pour dire que le baptême était un rite d'initiation, et ce mot là a fait "butée" en moi.

Je dois reconnaître que la phrase "je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" est curieusement une phrase vide de sens. Je sais qu'il faut (oui il faut) dire: plongé dans la mort de Jésus pour redevenir vivant avec lui, mais bon cela reste des mots. Et même ce "au nom" que faut il mettre derrière?

Il m'arrive souvent de buter sur des mots employés fréquemment, et je n'en sors que lorsqu'une image arrive, une image qui me permet de m'approprier un sens. Je dis bien "un " sens, car il y a souvent de nombreuses possibilités et que le sens trouvé aujourd'hui risque de servie de support à d'autres réflexions et quelque part de passer dans un certain oubli.

Toujours est-il que j'ai pensé à ce qu'on appelle le baptême des bateaux, ce moment où on fracasse sur lui une bouteille de champagne en lui donnant un nom mais aussi en le faisant passer de la terre où il a été construit, assemblé, à la mer qui est et qui sera son élément. Le baptême a pris alors pour moi le sens de passage, et une fois ce passage fait, on ne revient plus en arrière, même si on peut avoir une certaine nostalgie de ce qu'on a laissé.

Le premier baptême par lequel nous passons tous, c'est la naissance. Nous passons d'un univers d'eau où nous ne respirons pas à un univers aérien, où nous devons nous servir de nos poumons. Que ce passage soit difficile, cela semble évident.

Pour en revenir au baptême de Jésus, il y a bien passage pour lui. Il quitte la sécurité de Nazareth, la famille, le métier, la filiation qui le lie à Joseph pour devenir "le Fils Bien Aimé du Père", qui met en lui tout son amour et être le recevable de l'Amour de Dieu, c'est presque inimaginable. Le baptême le fait devenir LE FILS, et même s'il conserve son humanité, il est devenu aussi le Tout Autre, celui qui enseigne, celui qui guérit, celui qui prie, celui qui obéit et celui qui commande. Le passage qui suit dans le désert, (après tout il aurait pu commencer par le désert et recevoir le baptême après), indique bien le changement.

Alors pour nous, que représente ce baptême. Si je le prends dans le sens de passage, je suis comme le bateau dont je parlais. Avant de connaître Jésus, je vis dans un certain milieu, quand je le connais, il y'a quelque chose en moi qui désire vivre autrement, et c'est bien quitter le "vieil homme" pour vivre "l'homme nouveau". Le passage par l'eau, signifie cette mort de l'anche et la naissance du nouveau. La seule chose, c'est que d'une certaine manière, cela se renouvelle tout au long de la vie.

Peut être que cette phrase que je comprends mal veut dire: pour passer dans le monde de la trinité, pour devenir enfant de Dieu (au sens fort) quelque chose doit mourir, Et l'important est de désir que ce quelque chose meurt. L'important c'est que le don de l'Esprit qui est la promesse de Jésus, permet une alliance avec Dieu qui me reconnait comme enfant et qui ne donne le moyen de vivre comme Il (je ) le désire.

mercredi, janvier 08, 2014

Regards, naissances. Jn 1, 35-42

En lisant le texte proposé par la liturgie Jn 2, 35-42  j'ai été comme captivée par l'importance du regard et j'ai eu envie de reprendre le texte dans ce sens là: qui regarde qui, qui est regardé par qui, quel est l'impact du regard. Et ma conclusion a été que ce regard donne naissance. Il y a le regard de Jean sur Jésus, le regard de Jésus sur les deux qui le suivent, et enfin le regard de Jésus sur Simon. Ces regards engendrent des relations, engendrent des naissances.

Voici le texte: Jean 1,35-42. 
Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. 
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. » 
Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. 
Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (c'est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? » 
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C'était vers quatre heures du soir. 
André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. 
Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ). 
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t'appelleras Képha » (ce qui veut dire : pierre). 

Si l'on revient un peu en arrière, on apprend que Jean quand il a baptisé Jésus ne savait pas qui était ce dernier, mais qu'en voyant l'Esprit descendre sur lui, il a su qui était cet homme. Dire de lui qu'il est l'Agneau de Dieu est radicalement différent de ce qui est dit dans l'évangile de Matthieu où Jésus est celui qui va faire le ménage, séparer le bon du mauvais.

Mais revenons au texte. Jean est avec deux de ses disciples, donc ceux qui ont choisi de l'écouter, de se convertir, de changer de vie en attendant l'arrivée de celui qui doit venir délivrer le peuple de l'oppresseur. D'une certaine manière, ces hommes sont à lui. Mais son regard ne s'attarde pas sur eux, car il sait peut être au fond de lui, que lui le précurseur, il va devoir fournir la nouvelle pâte à celui qui doit venir sauver  le monde. 

Il y a Jésus qui va et qui vient. On pourrait dire soit qu'il tourne en rond, soit qu'il fait les 100 pas. Cela me fait un peu penser à un père qui attend la naissance d'un enfant. Qu'est ce que Jésus attend à ce moment là? Il attend peut-être que Jean le prophète, que Jean le baptiser lui donne ses premiers "petits". 

Et là, Jean redit la phrase déjà prononcée: "voici l'agneau de Dieu", et cette phrase fait comme un déclencheur chez Jean et André.

Est ce que cette phrase pour eux évoque le serviteur du chapitre 53 d'Isaïe, celui qui se charge des fautes de la multitude? Est-ce l'agneau sacrifié le soir de Pâques dont le sang protège de la mort qui passe?  Est-ce déjà dans une thématique Johannique l'agneau vainqueur de livre de l'Apocalypse? 

Toujours est il que cette simple phrase détache les disciples de Jean et cela est superbe, car qui est capable de se séparer facilement de ceux qui ont tout quitté pour le suivre? On peut penser que le travail de Jean a été justement de préparer certains à reconnaître en l'homme de Nazareth le fils de Dieu, le Messie, d'avoir des yeux qui s'ouvrent, qui arrivent à voir au-delà. Margareth Mahler, une psychanalyste anglaise) parle de la petite tape que donne la maman à son enfant au moment où il est prêt à marcher seul mais n'a pas encore osé se lâcher, cette petite tape qui est comme un signal et qui fait comprendre à l'enfant qu'il est prêt à se séparer. Pour moi cette phrase de Jean a un peu cet effet là, elle permet une séparation. 

D'une certaine manière ce texte de regard raconte la naissance d'une communauté: Jésus est seul. Il ne demande pas explicitement de l'aide à Jean, mais avec les deux qui arrivent, la communauté est crée, l'église est née.  

Ils quittent alors la sécurité et suivent Jésus, qui se retourne, (ce qui fait un peu penser à ce qui va se passer avec Marie Madeleine le matin de la résurrection, mais c'est elle qui se retourne), qui les voit en train de le suivre (voir n'est pas regarder) et qui entre en relation avec eux par une parole un peu insolite: "que cherchez vous"? Car un disciple cherche bien quelque chose, même s'il ne sait pas exactement ce qu'il cherche puisque c'est le Maître qui petit à petit va lui permettre de trouver cette chose qu'il ne sait pas forcément nommer. 

Ils répondent (là aussi on peut penser à Marie Madeleine à laquelle Jesus pose finalement la même question: qui cherches tu ou que cherches tu), Rabbi (Rabouni), où demeures tu? On sait l'importance de ce verbe demeurer dans l'évangile de Jean? Jésus a t il une demeure matérielle, un lieu ou bien les deux hommes vont ils d'emblée percevoir que Jésus demeure dans le Père et que le Père demeure en lui? Le fait que l'heure soit notée montre bien que quelque chose d'important s'est passé. Ils ont vu où Jésus demeurait et ils restent avec lui (peut être ce soir là sont ils entrés dans son repos).

Je me suis demandé si ces deux disciples ne représent pas deux composantes qui sont en tout hommes. L'une plus contemplative personnifiée par Jean qui un peu comme Marie garde cela dans son coeur et l'autre plus active, André qui ne peut garder cela pour lui et qui va l'annoncer à son frère Simon dont le prénom signifie"qui est exaucé". 

André le présente à Jésus, jésus pose son regard sur lui et lui parle avec autorité: Tu es Simon fils de Jean, tu t'appelleras Kephas". Que se passe t il à ce moment là entre les deux hommes? Peut-on parler d'un regard fondateur, d'une parole fondatrice? Car donner un nom c'est ce qu'Adam fait dans la Genèse, ou ce que YHWH fait avec Abraham et Sarah, Jacob. Origine divine origine humaine de Jésus. 

Quant au nom donné, comme Simon l'a t il reçu? Pas facile d'être nommé "pierre". Son coeur de pierre va t il peu à peu se transformer en coeur de chair? Sa tête de pioche va t elle peu à peu se laisser façonner par le Maître? Bien sur la pierre c'est aussi du solide et c'est là dessus que joueront les autres évangélistes, mais la pierre c'est quand même le règne du minéral et même si Dieu est en chaque pierre en chaque coeur vivant au centre de la terre au fond des océans (comme on le chantait autrefois) pas facile de recevoir ce nom.

La réponse est peut être donné dans l'additif de l'évangile, car Jésus appelle à nouveau celui qui va prendre la première place par son prénom originel: Simon fils de Jean.. et Pierre a appris à aimer comme son Maître.

Pour terminer ma réflexion sur ce texte, il y a cette espèce d'agitation de Jésus au début du texte. Et je me suis alors rendue compte que Jésus est quelqu'un qui se déplace, qui va de ville en ville qui comme Dieu dans le désert se déplace avec son peuple, qui bouge, qui suit une trajectoire.Jésus est un marcheur. Certes les foules viennent à lui, mais lui, est en mouvement et cela m'a fait penser aux descriptions de la Sagesse qui s'ébat devant Dieu et qui fait ses délices des enfants des hommes. Ce dynamisme permanent de Jésus, dynamisme qu'il transmet à ceux qui demeurent en lui et avec lui, est bien naissance de l'homme nouveau, de l'homme en devenir, qu'il soit actif comme André ou contemplatif comme Jean. 

jeudi, décembre 12, 2013

Toujours la fraction du pain.

Entre ce texte et le texte précédent, il y a des redites, mais la réflexion en moi continue...

  Ils le reconnurent à la fraction du pain.

Si j’en crois l’excellent travail de Philippe Louveau sur Port Saint Nicolas, http://www.portstnicolas.org/le-chantier-naval/un-peu-d-histoire/article/source-histoire-et-comprehension-de-l-eucharistie, nous pouvons nous estimer heureux d’avoir la liturgie pour la célébration eucharistique que nous avons aujourd’hui, même si pour ma part elle laisse beaucoup désirer. Il semble que dès le Moyen Age, on « assistait » à la messe sans la suivre vraiment, de loin :le célébrant étant dos aux fidèles, l’autel parmi les clercs, les livres étant réservés aux clers et en latin etc. Ce que nous appelons l’élevation serait dû à la demande des fidèles au 17° sicle qui voulaient VOIR cette hostie sur laquelle des mots avaient été prononcés et qui était devenue corps donc présence. La fraction du pain, elle avait disparu depuis longtemps. Or cette fraction du pain si importante dans l’église des commencements «Ac 2,40,: « ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières . »,  me semble quelque chose de très important. Cette fraction est reportée avant la communion et d’une certaine manière elle est minimisée.

C’est pour moi ce qui ressort par exemple de ce texte : http://radix.ecclesiae.pagesperso-orange.fr/lit.messe.deroulement.html

RS. 73. Dans la célébration de la sainte Messe, la fraction du pain eucharistique commence après l'échange de la paix, pendant que l'on dit l'Agnus Dei; elle est accomplie seulement par le prêtre célébrant, et, si le cas se présente, avec l'aide d'un diacre ou d'un concélébrant, mais jamais d'un laïc. En effet, le geste de la fraction du pain «accompli par le Christ à la dernière Cène et qui, depuis l'âge apostolique, a donné son nom à toute l'action eucharistique, signifie que les multiples fidèles, dans la Communion à l'unique pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul corps (1 Co 10, 17)». C'est pourquoi il faut accomplir ce rite avec le plus grand respect. Cependant, sa durée doit être brève. Il est très urgent de corriger l'abus, qui se répand dans certains lieux, de prolonger ce rite sans nécessité, y compris avec l'aide de laïcs, contrairement aux normes, et de lui attribuer une importance exagérée.

Or, que ce soit le soir de la multiplication des pains (où les pains sont partagés, fractionnés), le soir de la Cène, le soir de repas avec les disciples d’Emmaüs, le pain fractionné, partagé,  est pris par tous. Ce pain est là en abondance, et manger ou partager du même, lors d’un repas, fait de nous des frères. La symbolique de ce partage est reprise dans l’évangile de Jean 6 : le pain, le corps, la vie. Il me semble que l’important c’est cette notion « du même », qui crée la communauté  qui crée la fraternité. 

Partager le même pain, boire à la même coupe, cela crée du même, cela crée de la fraternité, et cela crée du corps. La dimension horizontale, voulue par Jésus, est très importante.

Ce sont les autres mots prononcés : ceci est mon corps, ceci est mon sang qui eux donnent la dimension verticale: celle de la  Présence. C’est bien parce que la mort viendra prendre cet homme  sans pour autant le détruire qui nous pouvons célébrer cela et faire cela en « mémoire » de Lui et être dans le Père.

Peut être que si l’on imagine que l’hostie qui est élevée à une heure donnée, dans un lieu donné, unique, puisqu’il y a d’autres hosties qui au même instant sont élevés dans le monde alors on peut considérer l’hostie qui est élevée là, comme un petit morceau du corps  (fraction) qui fait corps avec toutes les autres hosties données à tous les hommes.. C’est un peu une gymnastique intellectuelle, mais elle permet de voir dans l’hostie entière élevée non pas un tout, mais une partie et ce me plait bien

Il me semble aussi que ce que Jésus institue là, est très révolutionnaire par rapport ce qui se faisait dans la première alliance. 

En effet si les sacrifices ont pour fonction première de demander à Dieu de venir parmi son peuple, de le bénir, il n’en demeure pas moins que ce qui est offert lui est soit donné totalement, soit partiellement. Or le soir de cène, tout est donné, tout est distribué, il ne reste rien. Quand Dieu se donne, il se donne totalement, sans retour. Et c’est cela aussi qui fait de nous un corps.

Deux autres choses changent aussi aussi et favorisent le côté communautaire..

   D’une part le lieu car plus n’est besoin d’aller au temple pour offrir un sacrifice, toute maison où des hommes sont réunis par le nom de Jésus fait l’affaire.
  D'autre part, d'une certaine manière le rôle du sacrificateur est mis à mal (même s'il est de règle que ce soit le chef de la communauté qui officie). Et comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas une part pour le sacrificateur, mais normalement le pain et le vin sont consommés pas les participants, et c’est cela qui les rend à la fois frères, mais aussi et représentant du Fils sur cette terre. 

Toutes ces bouchées font corps entre elles, toutes ces bouchées font que ceux qui les ont en eux deviennent frères et sœurs, nourris d’un même pain, nourris d’un même amour.

Dans la nouvelle alliance, c’est Dieu qui se donne et qui fait monter l’homme vers lui en le pendant participant de sa vie et c’est une toute autre dynamique et c’est bien cela que l’on peut appeler le Salut. Mais pour cela ait pu advenir et advienne, il a fallu qu’il y ait la brisure du corps sur la croix, brisure de mort, devenue symbole de la Vie.

« Nous  partageons le même pain
Nous buvons à la même coupe
Pour devenir celui qui nous unit,
Le Corps du Christ »
http://www.soissons.catholique.fr/download/1-28831-0/chants-temps-ordinaire-apres-pentecote-2013.pdf

mardi, décembre 10, 2013

"La fraction du pain"

La fraction (ou le partage du pain).

C’est une question qui me tarabuste beaucoup en ce moment, car lors des célébrations le prêtre dit bien: "il prit du pain, le rompit, le donna à ses disciples en disant: Prenez et mangez en tous..." mais la fraction du pain est reportée beaucoup plus loin. Quant au vin il n'est "partagé " que très récemment. Et pourtant ce geste de partage est très utilisé par Jésus. 

On le trouve le soir du partage des 5 pains et du poisson, le soir du dernier repas, le soir et avec les disciples d’Emmaüs, et peut être lors du "petit déjeuner" préparé sur les bords du lac en Jn 21. Or ce geste très utilisé dans la communauté primitive  (voir les actes des apôtres et la lettre de Paul aux Corinthiens) , est comme passé à la trappe lors des célébrations eucharistiques. Et pourtant ce geste me paraît fondamental.

Lors d’une messe récente au Prieuré (où les participants se donnent l'un à l'autre le pain fractionné par le célébrant ) j’entendais derrière moi la phrase classique (mais ici prononcée par un laïc) « le corps du Christ » et je me suis rendue compte (était ce une grâce) que oui, il y a le corps du Sauveur, non pas le corps viande mais le corps de la personne Jésus, le corps vivant. Ce n’est pas la chair d’un agneau qui est renvoie à la mort, mais la présence de quelqu’un. Quand je dis à mon mari que j’aime son corps, cela renvoie bien à tout ce qu’il est, pas à peau, pas à la chair pas aux muscles, non c’est tout lui. Et c’est de cela dont j’ai vraiment pris conscience par la parole prononcée à pleine voix derrière moi. Ce morceau de pain est bien autre chose que du pain, il est quelqu'un, il est vivant.

Ce matin en y repensant encore, je me disais que dans la Génèse, comme dans tout le premier testament ce sont des animaux (la brebis avec da graisse d’Abel), ou des éléments venant de la culture (du chanvre raconte la légende pour Caïn), de la farine, les premiers fruits, etc…donc d’une certaine manière des matériaux bruts, qui sont offerts.

Or Jésus lui prend des produits transformés, et il ne part pas de rien si l’on peut dire. Cela m’a fait penser au début de la Genèse, où le créateur est confronté à quelque chose qui existe : le tohu bohu et de cette matière primitive, il va faire quelque chose. Ce n’est pas une création à partir de rien. Le second récit de la création parle d’une terre qui est déjà là.

Même si cela pose la question d’un préexistant, il n’en demeure pas moins que ce quelque chose semble nécessaire pour que justement quelque chose puisse advenir.

Jésus ne prend pas de la farine, non il prend le produit cuit, travaillé, et ce produit devient à la fois signe de son corps (de sa chair) parce que ce pain est « béni », mis sous le regard du Père, et partage car le fractionnement fait de ceux qui le consomment des frères : manger du même ou manger le même. Ce partage fait à la fois de nous des vivants, mais elle crée aussi du corps: l'assemblée (ekklesia). 

Il en va de même pour le vin, qui remplace le sang  (élément brut si je puis dire), par un produit façonné par le savoir faire humain. Par définition le sang versé c’est la vie (on donne son sang pour que la patrie puisse vivre en cas d’agression, on donne son sang pour d’autres qui en ont besoin, on se fait aussi du mauvais sang quand on est inquiet pour un autre ou pour le futur). Le sang représente l'être humain, il est aussi présence. 

Je pense qu’on ne devrait pas séparer le pain et le vin aussi nettement que cela est fait en général dans la liturgie eucharistique, mais nous sommes héritiers d’une tradition et quand on lit un peu l’histoire de la messe, on peut penser que c’est nettement mieux que ce qui se passait à certaines périodes où les « fidèles » ne comprenaient rien à ce qui se disait, à ce qui se passait.

Et ce qui est aussi important c’est que dans la première alliance, le sacrifice est offert d’abord à Dieu et que ce qui peut en rester est plus ou moins partagé entre l’offrant et les sacrificateurs, alors que là, le partage se fait entre les frères car ce qui est partagé, pardonnez moi l’expression, c’est « du Dieu » et du coup cela fait de nous des êtres en transformation, des êtres transformés. Et cela nous revient complètement. Il n'y a plus une part pour Dieu, une part pour le célébrant, une part pour les participants, non tout est donné, tout nous est donné. 

Il y a certes le fait d’être ensemble, mais il y aussi ce partage du même, qui par ailleurs n’est pas identique pour chacun. Et ce même qui crée du corps, crée aussi un corps qui n’est pas la somme des parties, qui est autre chose, mais cela nous n’avons pas les yeux pour le voir.

Alors je me suis dit que si Dieu a en quelque sorte besoin d’une matière pour faire quelque chose, l’incarnation prend tout son sens. Il a besoin d’un être de chair et de sang, pour que cet être entièrement façonné par lui, puisse devenir sa figure, sa présence ; et si nous voulons nous être signe de la Présence, nous avons à nous laisser façonner comme Dieu l’entend. 

D’une certaine manière Jésus dans le sein de Marie a été déjà façonné par l’Esprit saint pour être à l’image du Père et tout au long de sa vie terrestre cela a continué .


Manger ce pain et boire à cette coupe, cela nous permet aujourd’hui de laisser Dieu en étant en nous de continuer ce travail du façonnage.

mercredi, novembre 13, 2013

Les dix lépreux Luc 17, 11-19

Encore un texte bien connu.

J'ai été frappé par la phrase: l'un deux voyant qu'il était guéri....

Comme si les autres, dans leur obéissance à l'ordre: "allez vous montrer aux prêtres" étaient centrés sur la route, sur le chemin, sur l'ordre et qu'ils avaient comme oublié de "regarder" et "voir" que leur peau était devenue nette. J'imagine cet homme calfeutré dans ses vêtements qui regarde sa main et qui la voit guérie... Et qui comprend ce qui s'est passé.

Bien sûr, point n'est besoin pour lui qui est un samaritain d'aller se montrer aux prêtres de Jérusalem, mais lui il a vu...

Alors je me dis que bien souvent quand nous demandons, il nous arrive ensuite de ne pas regarder, de ne pas voir que nous avons été exaucés parce que nous ne regardons pas où il faut, parce que nous sommes obnubilés par notre manière de voir.

Car Jésus ne leur a pas dit qu'ils sont guéris... Mais là aussi peut être faut il apprendre petit à petit à décoder sous les mots ce qui se passe. Ecouter et voir, voir et écouter et rendre grâces.

La parabole des serviteurs "quelconques" luc 17, 7-10

Nous avons réentendu hier ce qu'on appelle la parabole des serviteurs quelconques (on disait inutile). Le personne qui commentait a insisté sur la notion de quelconque (peut être dans le sens de ne pas se glorifier, ce qui pour moi renvoie à être un parmi d'autres, sans se croire être au dessus ou au dessous d'ailleurs).

Mais en l'écoutant je pensais à la notion de serviteur que nous écoutons avec nos oreilles d'aujourd'hui. Pour moi, un homme qui a  un serviteur, est un homme qui devrait aussi avoir une femme (qui prépare à manger) et le serviteur est là pour les travaux difficiles comme les travaux des champs. Or là il n'en n'est rien. On a un maître unique qui a un serviteur unique. Et de fait ce serviteur qui est une sorte d'homme à tout faire est pour moi beaucoup plus proche d'un disciple.

Je veux dire que le disciple pour moi est celui qui fait tout ce qui est en son possible pour que son maître puisse justement être son maître, être le maître. Et à son contact le disciple peu à peu évolue, change se transforme.

Si on remet cette "parabole" mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une parabole,dans son contexte (le chapitre 17) on peut lire que les apôtres ont demandé à Jésus d'augmenter leur foi, et peut être que s'ils demandent cela ce n'est pas tant pour pouvoir pardonner au frère qui a offensé que parce que cette montée vers Jérusalem leur demande une sacrée foi et que ces attaques des saducéens, des pharisiens, ces déplacements permanents ne sont pas si faciles que cela à vivre.

Etait ce cela qu'ils attendaient en suivant Jésus? Si on repense à ces questionnements pour savoir qui sera le plus grand d'entre eux, qui aura une place de choix dans le royaume, on peut bien comprendre qu'ils sont fatigués, qu'ils voudraient souffler eux qui portent quand même beaucoup de la chaleur de la journée.

C'est peut être cela que Jésus veut faire comprendre. Si nous le choisissons comme maître (ou s'il nous choisit) pour être à son service, de même que lui est sans arrêt sur la brèche pour être au service de son Père, il en est de même pour nous, nous devons faire ce qui est nécessaire pour qu'il puisse être "soigné" comme il le mérite. Cela c'est le travail du serviteur (ou du disciple) et ce dernier n'a pas à en tirer d'orgueil. Il fait ce qu'il a faire et c'est son travail et c'est normal.

mardi, novembre 05, 2013

Zachée, Jéricho. Luc 19, 1-10

La liturgie nous a fait relire le passage de Jésus dans la ville de Jéricho. Il va interpeller Zachée le chef des percepteurs d'impôts pour demeurer chez lui, et il va guérir l'aveugle Bartimée. D'une certaine manière on peut dire qu'il va faire tomber des murailles. Zachée ne devient pas pauvre, mais son regard change; quant à Bartimée lui il sort de son statut de handicapé pour devenir un homme témoin.

J'ai découvert en 1963 la ville de Jéricho. Nous y avons passé l'après midi avant de commencer notre montée à pied vers Jérusalem. Pour moi cette ville, la ville des roses, me renvoie à une sieste dans un jardin, ce qui après la mer morte était un vrai paradis.. Elle me renvoie à la découverte que l'eau qui coule d'un robinet n'est pas une eau fraîche car au mois d'Aout la température est bien élevée, mais l'eau même si elle est chaude est précieuse. J'ai passé dans cette ville un moment de paix et curieusement j'ai découvert le prix d'une vraie sieste.

Ensuite j'ai découvert ce merveilleux désert qui existait à l'époque entre Jéricho et le lieu que l'on appelait l'auberge du bon samaritain. J'ai ensuite découvert que des petits scorpions pouvaient se glisser dans les duvets et qu'il fallait être sur ses gardes. Mais revenons à Jéricho.

Le livre de Josué, qui raconte la conquête du pays de Canaan après la mort de Moïse, a en lui quelque chose d'épique. Josué réédite d'une certaine manière le passage de la mer des joncs puisque le Jourdain se fend et cesse de couler vers la mer morte, c'est à dire qu'il s'ouvre devant le peuple et permet le passage. Puis c'est l'arrivée devant Jéricho. Si l'on se réfère aux passages antérieurs de ce livre, on peut se souvenir que Josué a envoyé des espions qui ont été sauvés par Rahab qui avait une maison dans la muraille qui entoure Jéricho.

 Certes les murailles originaires ont été détruites plusieurs siècles auparavant, certes la population n'est pas très nombreuse, mais il s'agit bien d'une ville qui est là comme un verrou, comme un obstacle et qu'il faut faire sauter. Si Rahab peut être sauvée, on a du mal à imaginer que les murailles se sont toutes effondrées, mais il s'agit de montrer qu'une parole tenue doit être respectée et que quelque chose s'est passé: la puissance de Dieu permet de briser les obstacles.

Jésus, lui, ne va pas s'y prendre de la même manière. Peut être que les deux qui sont là sont un peu des prototypes de ceux que Jésus veut sauver. Pour l'aveugle, c'est peut être plus facile à comprendre car la cécité, qui d'entre nous peut affirmer qu'il n'en souffre pas, mais pour Zachée l'identification est peut être un peu plus difficile. Au fond de nous nous ne nous voulons pas riches de la richesse des autres, nous ne voulons pas être pris pour des profiteurs, et pourtant...

Il y a chez Zachée (comme chez Bartimée) le désir de voir, et cela c'est déjà un moteur, quelque chose qui pousse, qui met en route. L'un comme l'autre n'y arrivent pas à cause de la foule ou à cause de ceux qui veulent les réduire au silence, la foule c'est un peu comme une muraille et là d'une certaine manière l'un comme l'autre trouvent moyen de la détruire, ils ne se laissent pas faire. Peut-on dire que l'Esprit est déjà en oeuvre en eux?

Je ne sais pas si Zachée (lui dont le nom signifie peut être Dieu fait grâce, si on admet que Zachée et Zacharie ont la même origine) en haut de son sycomore s'attendait à être vu, mais c'est pourtant ce qui se passe (même si je me cache dans les hauteurs, tu le sais)...

Ce qui est peut-être amusant c'est de penser que s'il a dû mettre un certain temps pour grimper dans l'arbre, il en descendu vite, peut être même en sautant, car Jésus lui dit: "descend vite car je veux demeurer chez toi" et l'évangéliste note "et vite il descendit", peut être que Marc aurait écrit "et aussitôt".

Bref si Zachée a su vaincre une première muraille, d'autres vont continuer à tomber. Zachée ouvre ses yeux (comme l'aveugle): il regarde les autres autrement. Les pauvres ne sont plus ceux qui ne peuvent pas payer l'impôt, non ils deviennent ceux qui doivent être aidés. Quant aux autres, ils ne sont plus des machines à donner de l'argent (cet argent qui est prélevé par les précepteurs qui sont sous ses ordres), non ils sont des hommes qui ont peut être été injustement pressurisés et il est nécessaire de les entendre et de leur faire justice.

Le regard de Zachée est changé, le regard de Bartimée est ouvert, alors Jésus peut entamer sa montée vers Jérusalem, lui qui va changer le regard des uns sur les autres, qui va permettre de passer de l'indifférence à l'amour. Abattre la muraille de l'indifférence ce n'est pas rien.


lundi, octobre 21, 2013

Jonas "Pas content, mais alors pas content du tout"





Nous avons lu il y a quelque temps pendant les messes de semaine le livre du prophète Jonas. J'ai toujours beaucoup aimé ce petit livre où l'on ordonne un jeûne à tous les humains et à tous  les animaux, mais aussi de faire porter à ces derniers le sac qui exprime la pénitence. Cela devait du bruit dans Ninive. Mais pour en revenir à Jonas, le moins que l'on puisse dire c'est que c'est que c'est un prophète râleur, pas content.

Peut être s'agit du prophète Jonas  cité dans le deuxième livre des Rois(2R14,25) qui alors aurait été un contemporain d'Osée, mais peut être faut il voir dans ce petit livre une conception étonnante d'un Dieu qui pardonne aux oppresseurs et qui ne prend pas plaisir à la mort du pécheur.

Il est  intéressant que ce texte ait été dans le canon des livres hébraïques parce que le Dieu dont il est question là est le Dieu qui veut sauver tous les hommes, même les méchants, ce qui n'est pas l'image classique du Dieu qui ne sauverait que le peuple choisi. Car ce Dieu se définit comme celui qui refuse de détruire ceux qui ne savent pas distinguer leur main droite de leur main gauche, c'est à dire savoir ce qui est bon ou mauvais, qui n'ont pas acquis le discernement. Ce livre est lu dans les synagogues lors de la fête de Yom Kippour.

Je rappelle rapidement l'histoire pour parler ensuite de ce qui m'a interrogée, à savoir Jon 4: "tu as pitié de ce ricin qui ne t'a rien coûté"qui a donc poussé tout seul, qui n'a été l'objet d'aucun soin de la part de Jonas, mais qui quand il est détruit provoque chez Jonas de la peine à mon avis plus pour lui que pour le ricin. Mais il s'agit certainement d'une parabole qu'il va falloir comprendre. N'empêche que Jonas n'est pas content mais pas content du tout. Si on ne peut même plus attendre tranquillement que le péché revienne dans la ville et provoque la mort, alors là non rien ne va plus. Mais je reviens à l'histoire.

Jonas est mandaté par Dieu pour aller à Ninive la grande ville et y lancer un message d'avertissement: "Encore 40 jours et Ninive sera détruite". Ninive  c'est la capitale de l'Assyrie et l'Assyrie c'est l'envahisseur. Imaginez quelqu'un qui se serait pointé à Berlin pensant la seconde guerre mondiale en hurlant "Encore 40 jours et Berlin sera détruite". Imaginez en plus que ce soit un Juif qui fasse ce genre d'annonce, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il  ne ferait pas long feu. Aller à Ninive c'est se jeter dans la gueule du lion. Et que Berlin puisse être sauvée ce serait quand même un comble. et que ce soit Dieu qui veuille cela, voila qui dépasse l'entendement.

Alors Jonas ne fait ni une ni deux, il se sauve, le plus loin possible, il veut aller à Tarsis, dans ces iles lointaines où il espère que Dieu ne le remarquera pas. C'est oublier peut être un peu facilement les paroles du psaume 139,9: "si je prends les ailes de l'aurore pour aller au delà des mers, là aussi ta main me conduit, ta droite me saisit". Il embarque et va dormir dans la cale. Là tout au fond, il se croit à l'abri de son Dieu. La dessus la tempête se lève et quelle tempête, et les marins se rendent compte que quelqu'un doit avoir offensé le dieu de la mer pour que celui ci agisse de la sorte. Pour rétablir le calme (calmer ce Dieu) Jonas est "sacrifié" c'est à dire jeté à l'eau par les marins qui sont très ennuyés (tout païens qu'ils soient) de devoir faire ce geste.

Jonas atterrit (si je suis puis dire) dans le ventre d'un monstre marin (un de ces monstres que Dieu crée pour s'en rire) et là il se passe (en tous les cas pour moi) quelque chose de superbe: Jonas chante une prière de louange à ce Dieu qui lui a certes sauvé la vie (car il aurait pu être mis à mort par les marins), il le remercie de l'avoir sauvé de la fosse (alors que c'est lui qui s'est sauvé), et il s'engage à offrir des sacrifices. Quand on lit ce texte, on sent bien qu'il dépasse complètement Jonas et que c'est la prière qui sera prononcée par le peuple revenu de l'exil, du peuple qui a continué à croire dans le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Alors Dieu "entend"les paroles de Jonas,  parle au poisson qui rejette Jonas sur le rivage. Cet exil dans les ténèbres semblent donner naissance à un autre homme, mais coléreux il est coléreux il reste.

Jonas (qui ne doit pas sentir très bon) cette fois obéit et se met en route vers la grande ville. Et là, il délivre son message, et curieusement alors qu'il doit être sûr de se faire écharper, le message est compris par les premiers habitants qui l'entendent et qui le prennent tellement au sérieux(ils mirent leur  foi en Dieu) que cela revient aux oreilles du roi (on pourrait dire à l'Empereur) qui lui aussi écoute, se revêt d'un sac et  ordonne à tous, les hommes et les animaux de se revêtir d'un sac et de crier vers ce Dieu qu'ils ne connaissent pas, mais qui manifestement leur donne la frousse.On peut noter au passage comment le comportement d'un petit nombre peut avoir de l'influence et n'est ce pas justement le travail du peuple élu, le plus petit d'entre les peuples de faire connaître le Dieu unique? Ces Ninivites ont ils conscience de les actes d'invasion et de déportation sont des actes mauvais? Cela n'est pas sûr, mais la peur peut être un motivation. Et si on regarde l'histoire, l'Assyrie sera bien détruite un jour par les perses et les mèdes.

Et Dieu renonce, et là, notre ami Jonas, n'est pas content du tout du tout. Il aurait bien voulu voir la vengeance de son Dieu tomber sur cette ville, et il est privé de son spectacle.

Jonas est presque persécuté par ce qui se passe, il dit comme d'autres prophètes qu'il s'est fatigué pour rien que ce Dieu là il est trop bon et que si c'est comme ça, il préfère mourir car il a l'impression de servir à rien. Il se sent inutile. Déçu et pas content, il se retire en dehors de la ville, à l'Est. La précision à l'est de la ville est surement importante. L'est c'est le soleil levant, c'est là où paraîtra Dieu si jamais il consent à se lever et à détruire.

D'une certaine manière maintenant Jonas est comme en exil. Il se construit une cabane, (cela c'est un peu magique) et va prendre le frais à l'ombre d'un ricin qui pousse là par miracle juste au dessus du toit da la cabane qui ne doit pas être très bien construit. Et là la colère tombe, il est enfin bien. Il pourrait peut être chanter avec Brassens: "Auprès de mon arbre je vivais heureux..."



Seulement Dieu veut lui faire comprendre quelque chose à son prophète et à nous, car Jonas lui a reproché d'être un Dieu trop gentil, un Dieu qui pardonne aux massacreurs, à ceux qui veulent détruire son peuple, le peuple que après tout Dieu s'est choisi.

Quel est ce drôle de Dieu qui veut la vie de ceux qui donnent la mort? Alors Dieu qui veut donner une nouvelle leçon à Jonas (mais aussi à nous) il fait deux choses: il élimine le ricin pendant la nuit, puis il fait se lever un vent chaud du désert. Quand le soleil se lève, le ricin étant complètement flétri ne peut plus protéger la cabane provoque une insolation chez le malheureux Jonas, qui malade  a de bonnes raisons de demander à mort. Et c'est là que la compréhension devient pour moi un peu difficile.

Ce qui déprime Jonas, tel que le texte le rapporte c'est que la mort du ricin- dont il était si content, on pourrait presque dire si fier-, qui provoque sa colère et sa dépression. Il n'est vraiment pas content le Jonas. Mais contre qui est il en colère? Spontanément je dirai contre celui qui a provoqué la mort du ricin. Mais d'après le texte non, car Jonas a"pitié" de l'arbuste, comme s'il trouvait injuste qu'il ait vécu aussi peu de temps. Et cela permet de faire comprendre à Jonas que réclamer la mort du pécheur ne réjouit pas dieu, que celui ci s'attriste de la mort du pécheur qui n'a pas eu le temps de se convertir.

Alors est ce que Dieu veut faire comprendre à Jonas que toutes les créatures, sont capables de faire de bonnes choses comme ce ricin qui donne de l'ombre à Jonas. Mais qu'elles peuvent se dessécher dépérir si elles se fient à leur propre jugement et que le désir de Dieu est qu'elles apprennent à se tourner vers celui qui peut leur apprendre le discernement et que cela c'est aussi le travail de Jonas (et peut-être le notre).

Le texte se finit de manière abrupte, peut-être pour montrer que Jonas est loin d'être convaincu mais que comme Job, il sait qu'il vaut mieux ne pas trop discuter et argumenter avec celui qui a crée le ciel et la terre....

lundi, octobre 14, 2013

A comme Alliance

Dans le livre de la Genèse, l'alliance qui est scellée entre Abraham et Dieu se fait pendant la nuit. Il y a un couloir d'animaux sacrifiés coupés en deux et Dieu passeGn 15 (un peu comme une Pâque: le passage). On peut penser qu'un repas a manifesté ensuite cette première alliance, qui promet une descendance et une terre si Abraham reconnaît Dieu comme le Seul.

Dans le livre de l'Exode au chapitre 24, Moïse immole des animaux, le sang est versé moitié sur l'autel (lieu de la présence) et moitié sur le peuple, et des paroles sont dites, puis un repas scelle cette alliance: Voici le sang de l'Alliance que le Seigneur a conclu avec vous, sur la base de toutes ces parole" Ex 24, 7(nous ferons et nous obéirons Ex 24, 7), puis cela se conclue par un repas pris par Moïse et les 70 anciens, qui contemplent la gloire de Dieu, et qui "mangent et boivent" en sa présence. Et on peut penser que ce repas pris en présence du Très haut a dû être un repas festif.

Si je rappelle cela c'est que nous sommes habitués à regarder le repas de jésus comme quelque chose de triste. Or le repas pascal n'est pas me semble t il un repas triste. Il scelle aussi à sa manière la nouvelle alliance et peut être faudrait il faire de ce temps quelque chose qui soit de la Joie. 

Je viens de lire un commentaire sur l'évangile des (ou du) serviteur inutile, qui m'a beaucoup intéressée. l'auteur, G. Wilkinson, fait remarquer que quand le serviteur a servi son maître, il peut alors lui aussi manger. J'ai toujours imaginé qu'il mangeait alors tout seul sur un coin de table, mais ce n'est pas l'avis  de l'auteur, qui imagine un repas où le maître reste présent.


"Je cite la fin de son texte: " Nous pensons que ce que nous faisons pour le Seigneur suffit à lui faire plaisir, mais il y a tellement plus. Il répond à notre foi, Il se réjouit quand nous nous repentons, Il parle de nous au Père, Il prend plaisir à notre confiance d'enfant. 

Mais je suis convaincu que Son plus grand besoin est d'avoir des moments d'échanges face-à-face avec chacun de ceux qu'Il a laissé ici sur Terre. Aucun ange dans le ciel ne peut satisfaire ce besoin. Jésus veut s'entretenir avec ceux qui sont sur le champ de bataille. 



Où ai-je bien pu trouver cette idée d'un Christ se sentant seul et ayant désespérément besoin de parler ? 


Et bien, regardons le jour de sa résurrection. Deux disciples allaient de Jérusalem à Emmaüs, très attristés au sujet du départ de leur Seigneur. Mais quand Il s'est approché, ils ne l'ont pas reconnu. Il voulait leur parler, Il avait tant à leur dire. “Pendant qu'ils parlaient et discutaient, Jésus s'approcha, et fit route avec eux...Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait” (Luc 24:15,17) 


Il ne pouvait pas y avoir d'expérience plus merveilleuse pour ces disciples (voir verset 32) : “Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait ?” Nous imaginons la joie des disciples, mais qu'en est-il de la joie de Jésus ?


Je vois un Seigneur ressuscité, des larmes coulant sur Ses joues glorifiées, avec un cœur rempli de joie. Il était satisfait, ses besoins ayant été comblés. Je vois Jésus rempli de joie. Il avait accompli Son ministère. Sous sa forme glorifiée, Il avait expérimenté sa première communion à double sens. Il avait déversé Son cœur solitaire et il avait été touché. Son besoin à lui aussi avait été comblé.

Alors n'est il pas possible de penser que ce repas ne peut que combler le coeur de jésus et le mettre dans la Joie? "

Alors au lieu de faire si souvent triste mine en nous centrant sur la mort, peut -être que nous pourrions être dans la joie, faire vraiment "eucharistie" à ce moment de la célébration, car la nouvelle Alliance est en train de prendre corps. Et elle ne prend pas corps dans des commandements ou des préceptes, mais dans l'Amour. 

La nouvelle Alliance ne peut que se  célébrer dans la Joie.