dimanche, octobre 08, 2006

En vrac 2: Petit dictionnaire

Catherine Lestang

A comme Attendrir.

J’ai entendu un prêtre qui lors d’une homélie disait que nos mérites (là il était question des mérites du centurion qui a bâti une synagogue ne peuvent attendrir Dieu. M’est venu l’image de la viande que l’on attendrit soit en lui tapant dessus soit en la déchirant avec des lames en métal. De là à penser à Jésus sur la croix, il n’y a qu’un pas à faire et ma foi, j’ai osé le faire. Car tout le rituel de la messe est bien de rappeler que la réconciliation a été donnée à l’homme par l’unique sacrifice de Jésus sur la croix (corps lacéré par les coups et cloué). Le mérite d’un seul sauvant l’humanité. Dieu se laissant enfin attendrir par la chair de sa chair. Je dois dire que je n’aime pas du tout cette manière de voir les choses. Quel adulte n’est pas attendri par la maladresse d’un petit enfant ? Pourquoi Dieu ne serait-il pas attendri par ce que nous essayons bien maladroitement de faire par amour ?

J’ai toujours pensé que le Dieu de l’ancien testament est devenu le Dieu Père du Nouveau testament en acceptant que son fils meurt comme un malpropre sur une croix, sans bouger. Il a laissé le fils aller jusqu’au bout de son désir et là, le changement s’est fait. Ce n’est pas qu’Il ne soit pas le Dieu tout puissant, mais il est devenu le Dieu qui n’a pas à montrer sa toute puissance et qui dans son impuissance voulue et désirée permet à l’homme d’accéder à la véritable filiation.


D comme déborder.
Quand le juste « déborde » d’allégresse, faut-il faire venir un plombier, car toute fuite peut être dangereuse… Une baignoire ou une rivière qui débordent et risquent de tout inonder! Mais parfois les inondations, en particulier celles du Nil, peuvent être bénéfiques.

Le rêve, ce serait de pouvoir mettre cette allégresse dans des petites fioles et s’en servir dans les moments de désespérance. Mais l’allégresse c’est comme la manne, on ne peut pas en faire de réserves. Et pourtant, avec le débordement on est dans le registre de la surabondance. Cela coule comme on le voit parfois dans certains miracles où des statues produisent de l’huile et une huile qui guérit. Cette allégresse le dépasse lui-même, car il n’en n’est pas la source mais le réceptacle. C’est comme s’il se transformait en fontaine qui donne en permanence de l’eau fraîche et renouvelée, qui permet à tous de se désaltérer.


M comme Messe.

Dans le livre de l’exode (premier testament) il est question de faire mémorial du passage de l’esclavage à la liberté. Il y a en fait deux actions. L’une autour du pain sans levain, et le pain est ce qui nourrit, l’autre autour de l’agneau dont le sang répandu sur les linteaux des portes a permis la vie sauve aux premiers-nés du peuple choisi. Faire ces gestes régulièrement, ensemble crée une identité, une fraternité. Ce qui se passe ensuite soit au temple soit à la synagogue est autre chose.Il y a une personne désignée qui sert d’intermédiaire entre YHWH et le peuple qu’il s’est choisi et qui a la fois, loue et intercède, pour que la postérité (et non la destruction) soit sur le peuple.

Quand Jésus crée ses propres mémoriaux : le pain et le vin, il crée ainsi des gestes qui vont permettre à ceux qui se réclament de lui de trouver leur identité. Ce sont des gestes connus qui prennent un sens nouveau : nouvelle alliance qui ont pour possible de créer entre ceux qui se réclament de Jésus un lien fort de partage : consommer du même et aussi faire advenir la présence sans pour autant aller au temple et avoir besoin d’un pontife.

La notion de partage est fondamentale, elle crée la famille, elle crée le corps, elle crée l’unité. Elle permet aussi par la remémoration de rendre présent et d’une certaine manière de créer du dieu.
Car ce partage-là, en rappelant le geste de la mort et de la résurrection, rend aussi symboliquement Jésus présent, mais Jésus ressuscité, Jésus le tout Autre. Le premier né de la nouvelle création.
Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous. Est il alors nécessaire qu’il y ait un pontife et un rituel ?

Le rituel est nécessaire, car d’une certaine manière, l’eucharistie concerne des initiés, des baptisés. Le rituel est aussi un lien. Il différencie ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors.

Seulement le rituel a pris une telle place, que l’arbre cache la forêt.

Dans nos messes du dimanche, qui ont pris un caractère obligatoire ; si pas de messe, alors péché, alors exclusion et damnation, où est l’amour ?

On est tellement centré sur la beauté du sacrifice du Christ qui sauve les choses misérables que nous sommes censés êtres que l’idée de partage avec l’autre n’existe plus. J’aimerai arriver à penser que celui qui me précède et qui me succède dans la file, reçoit le même que moi et que cela crée une fraternité, une unité, même si parfois, je ne les connais pas ou même ne les aime pas beaucoup.

En fait dans la messe, la seule chose qui crée la « communion » c’est l’indignité, c’est le péché.Ce qui est proposé c’est tout autre chose : c’est un partage qui crée un corps, un partage qui fait vivre, un partage qui permet à Dieu de vivre en nous.

P comme Paradis.

Quand un enfant vient au monde, il est totalement dépendant de sa mère. Il n’a aucune autonomie et pourtant c’est durant ce temps de ses commencements qu’il fait un avec elle, qu’il devient sa propre source et vit pour quelques semaines dans la « toute puissance ». C’est lui qui fait apparaître (crée) le sein dont il besoin quand la faim le dévore. Ceci ne dure qu’un temps, puis compte tenu de son développement physique et psychique, il va connaître la dépendance vis-à-vis de cet externe (interne) dont il dépend et qu’il aime à sa manière.

Quand Adam et Eve se trouvent dans le jardin, ils ont d’après ce que nous pouvons imaginer tout ce dont ils ont besoin pour vivre dans de bonnes conditions. Alors de là à oublier qu’ils ne sont pas la source de ce qu’ils reçoivent, c’est facile, comme le petit être humain se prend pour la mère, ils peuvent aussi de prendre pour Dieu. Alors peut-être que l’arbre qu’ils ne peuvent « consommer » est là pour leur rappeler que de fait, ils ne sont pas tout puissants, ils n’ont pas tout, ils ne sont pas Dieu.

De ce fait la tentation du serpent prend bien tout son sens… Mais consommer de cet arbre, d’une certaine manière c’est faire disparaître la distance entre l’homme et l’Autre (son créateur, sa source) et c’est non pas l’incorporer pour devenir « comme » mais c’est la faire mourir, la faire disparaître.

Tout le travail psychique de la première année de la vie de l’enfant c’est cela : renoncer à l’incorporation pour passer à l’identification.

Alors le Paradis, ce jardin où tout pousse, où la vie est donnée, ce serait de fait comme une figure d’un lieu où justement il faut apprendre que la source n’est pas en nous mais au dehors et que à vouloir se l’approprier on la tue et on se met à mort avec .

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