mardi, octobre 16, 2007

Compassion, pitié.



Je viens de lire "le livre tibétain de la vie et de la mort" écrit par Sogyal Rinpoché et qui s'adresse à un public occidental. J'y ai découvert- du moins ceci est ma lecture- que l'important c'est de réussir sa mort (qui comprend le avant, le moment de la mort, mais aussi un après au niveau du corps et au niveau de l'essence de l'être qui vient de mourir) qui conditionne tout ce qui va se passer ensuite dans l'au-delà. Une grande partie des enseignements consiste à anticiper les différentes étapes (très proches de ce disent les NDE) pour les réussir. Ceci se trouve aussi dans l'enseignement de Jésus, car il s'agit bien de changer de conduite dans ce monde ci, pour être dans l'unité trinitaire dans l'autre. Mais c'est la première fois que je comprends les choses ainsi.

J'ai découvert un chapitre sur la "compassion" qui m'a beaucoup apporté sur le plan de ma propre spiritualité. L'idée étant que lorsque quelqu 'un est dans la souffrance (en phase terminale par exemple, mais aussi en grande souffrance psychique) je désire moi en tant qu'être humain lui donner ce qu'il y a de meilleur pour lui pour qu'il puisse trouver une certaine paix. L'auteur parle de la pratique du "donner et recevoir" .

Je retranscris ce qui a été important pour moi, car cette pratique permet d'ouvrir son coeur autrement et toujours plus.

"Etre en face de la personne que l'on sait être en souffrance (et je pense que cela peut aussi se faire sans que la personne soit là). Se laisser prendre par l'amour qui notre propre capacité à ressentir de l'amour mais aussi s'appuyer sur ce que nous connaissons déjà dans notre propre expérience du divin) et se laisser émouvoir par la souffrance qui est la sienne (ou par ce que nous lui reprochons)".I l s'agit là de créer un temps de laisser faire, de laisser être. Dans mon expérience ce temps peut être assez long car les distractions sont souvent très présentes.

La douleur, la souffrance, le mal qui est dans l'autre peut être visualisé comme une fumée noire.

"Puis à l'inspiration, visualisez que ce nuage de fumée noire se dissout avec votre inspiration au centre de vous même, de la fixation égocentrique, située au niveau de votre coeur . Il détruit en vous toute trace d'amour de soi immodéré et purifie ainsi votre être."

En d'autres termes ce que je ressens comme mauvais chez l'autre peut devenir source pour moi de guérison en détruisant ce qui est à détruire. Il peut donc me donner quelque chose. Ce négatif devient du positif et mon regard sur l'autre change.

Ceci c'est mon interprétation, mais elle permet de comprendre que la destruction est parfois indispensable et que le mauvais de l'autre peut être un bien pour moi.

"Imaginez que une fois la fixation égocentrique détruite, que le coeur de votre esprit d'éveil (amour, agape) se révèle alors et que lors de l'expiration vous envoyez à l'autre qui souffre (et qui parfois ne s'en rend pas compte) la lumière radieuse et rafraîchissante de paix, de joie, de bonheur et d'ultime bien-être de votre esprit d'éveil, et que ses rayons purifient entièrement le mal en lui".

Cette manière de pratiquer la compassion, d'autant qu'il est toujours possible non seulement d'être ainsi en relation avec une personne, mais avec toutes les personnes qui ont le même type de souffrance ou de maladie m'a ouvert des horizons. En d'autres termes il est, il m'est par exemple possible de prier pour toutes personnes que je ne connais pas et qui ont la même pathologie (cancer) que moi. Cette ouverture au delà de soi, alors que la maladie renferme, permet de se reconnaître plus dans la vie.

Ce mot de compassion, je l'ai toujours aimé. je crois pouvoir dire que professionnellement il a été un des moteurs de mon travail de psychologue auprès de personnes en souffrance.

J'ai d'ailleurs toujours dit et pensé que ces personnes éveillaient ma compassion mais non ma pitié parce que la mot de pitié à pour moi une connotation très négative. "Il vaut mieux faire envie que pitié" disait ma mère.

Or les traductions française du nouveau testament utilisent le mot pitié pour traduire ce que Jésus semble ressentir à certains moments comme de la compassion: Mc6,34: "il fut pris de pitié pour cette foule qui errait comme un troupeau sans pasteur". Le mot compassion est rarement utilisé, ainsi que le mot de miséricorde. S'il y a bien un mot qui revient dans le rituel de la messe, c'est bien ce mot "pitié" que ce soit dans le Kyrie, l'Agnus, et dans de nombreuses prières eucharistiques.

Jusqu'à hier, pour moi le mot de compassion avait un sens positif celui de pitié un sens négatif (images de mendiants peut-être).

Mais je viens de lire le dernier livre de Philippe Claudel: "le rapport Broddeck". Ce livre outre l'écriture est une merveille. Il est pour moi à rapprocher de celui d'Ernest Wiechert: "Missa sine nomine". Et j'ai brusquement compris que la pitié est ce que l'on demande à l'autre qui est en train de vous tuer. Ne me tue pas, aie pitié de moi, je ferais ce que tu voudras. On est dans un autre registre, celui de la vie et de la mort. Pour tous ces juifs condamnés à mourir à cause de leur appartenance à une race, il n'y a pas eu de pitié. Ils n'ont pas été sauvés ou si peu.

Alors pourquoi demander "pitié" à Dieu? Cela reste très lié à la notion que l'on a du péché et de la représentation que l'on peut se faire du divin. Si on suppose que Dieu est d'une certaine manière celui qui n'a rien à voir avec le péché (Is 6,5-9: cf.le tison qui brûle les lèvres impures du futur prophète), alors on peut supposer que l'homme (avec la partie animale qui est en lui) est en danger si ce n'est dans ce monde du moins dans un au-delà car de l'impur en l'homme ce n'est pas cela qui fait défaut.

C'est donc se savoir en danger de mort. C'est alors reconnaître (quand c'est possible) que Dieu dans sa miséricorde a -pour faciliter le processus de changement, la conversion qui mène à la divinisation- envoyé Celui qui par son sang a sauvé l'être humain, lui a donné la vie. pour moi, être sauvé, c'est être vivant



Un dieu n'est jamais aussi grand que quand il se met au niveau de l'homme.

Pitié et compassion ne sont donc pas synonymes. La compassion j'espère pouvoir la laisser grandir, la pitié j'espère qu'elle continuera à appartenir à Dieu.

Il reste pour moi un petit point à débattre c'est celle du sourire. Les représentations picturales que j'ai des bouddhas sont très souvent des représentations que je trouve apaisantes car sous les yeux mi clos et derrière le sourire esquissé, il y a pour moi une grande compassion, un grand amour. Les représentations de Jésus (et je pense aux icônes) me renvoient à un regard de jugement qui est loin du sourire de la compassion amoureuse que j'aimerais y trouver.

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