Le prêtre qui commentait il y a quelques jours le passage de Luc (Lc12,31-34) où les pharisiens mettent Jésus en garde contre Hérode, a centré une partie de son homélie sur la mission que se donne Jésus : chasser les démons.
Il a insisté sur le fait qu’il n’était pas question de voir le diable partout, mais de ne pas oublier que le démon existe et travaille insidieusement en nous.
Il a rapporté l’exemple suivant. Une personne, lors d’un temps de réconciliation demande à le voir et lui explique qu’elle a éprouvé une haine très violente à son égard et ce pendant plusieurs mois. A ce moment là en effet, le prêtre avait répondu par un non à une demande. Elle même a été surprise par la violence de sa réaction. Il lui a fallu tout ce laps de temps pour pouvoir en parler et se réconcilier.
Il est alors expliqué à cette personne que cette haine est liée au fait qu’elle a laissé en elle entrer le mauvais, ce qui peut être signifié par « l’esprit de haine ». Et comme Jésus a pour vocation de chasser les mauvais démons, il est alors possible de lui demander de chasser ce démon, (je suppose par une prière dite de délivrance).
Il a cependant été dit que cette manifestation est liée à un événement du passé qui a provoqué en son temps une blessure, donc une souffrance très importante, mais de cette blessure il n’est pas question.
Or pour moi, en tant que psy, c’est cela qui m’interpelle. Le non a réactivé une blessure et la haine s’adresse autant à l’événement récent qu’à l’événement passé. Il s’agit donc pour moi de dissocier ces deux faits. Le prêtre n’étant que le vecteur ou l’objet du transfert négatif de la personne.
Que ce « non « ait permis à cette personne, par le bais de sa colère actuelle, de se rendre compte à quel point la haine en tant que telle était quelque chose de mauvais, dont il fallait autant que faire se peut, se débarrasser, car c’est quelque chose de très toxique, cela me semble très positif.
Mais je ne suis pas sûre que prier pour mettre ce mauvais esprit à la porte soit suffisant. Certes je comprends la démarche proposée dans un cadre spirituel, mais elle me dérange.
La haine est toujours pour moi liée à une très grande souffrance (il y a eu un objet aimé qui vous a fait défaut à un moment donné et l’amour s’est transformé en haine, avec un désir de destruction. Ou autrement dit: si je ne peux avoir l’objet d’amour, personne ne l’aura et je le détruirai.
Il me semble qu’il aurait fallu déjà parler du contenu de cette « haine », parce que après tout il peut aussi s’agir non pas de haine, mais de « colère ». et surtout de violence? Et s’il s’agit de cela, alors oui, je crois qu’une prière est indispensable car la violence est ce qu’il y a d’animal en nous et qui bloque dans notre chemin vers notre humanisation.
La violence est en nous, présente, et elle ne nous est pas tombée dessus comme de l’extérieur. Elle est interne et non externe.
Or c’est aussi cela qui me dérange dans la notion d’Esprit de haine que finalement je trouve très culpabilisante. On pourrait penser que si cette personne a laissé la porte s’ouvrir à ce mauvais esprit, quelque part c’est de sa faute. Or si elle a été profondément blessée dans son enfance par quelqu’un de proche, elle a été victime et non agresseur.
Il y a un lien pathogène qu’il faut dénouer.
Ainsi il ne s’agit pas d’expulser un démon, mais de guérir une souffrance intense. Cette guérison n’est pas magique. Certes si Jésus le souhaite il peut guérir, mais le chemin le plus normal est celui du lâcher-prise qui permet de se rendre compte à quel point ce lien est mauvais pour la personne qui l’entretient à son insu puis de la compassion et enfin du pardon.
Pour pouvoir pardonner, je pense qu’il est nécessaire d’avoir vécu en soi même l’expérience du torrent d’amour déversé par le Seigneur qui balaye et purifie. C’est ce même torrent d’amour qui est présent en soi, qui peut alors se déverser vers l’autre et permettre le pardon.
Et prier pour que cet amour vienne envahir la personne en souffrance me semble préférable à une prière pour chasser un démon.
4 commentaires:
Merci Giboulée pour cette approche équilibrée du problème !
Je ne sais pas si je crois au démon... Comme tu le dis si bien, les racines de souffrance, de colère, de haine, sont en nous, il n'est pas utile de parler d'esprit extérieur. Cela dit, nous n'en sommes souvent pas conscients, n'avons pas à nous en sentir coupables, mais y réfléchir, retrouver l'origine du mal reçu qui nous rend mauvais ensuite, oui, et avec l'aide de Dieu, se guérir et s'améliorer.
Je pense que "chasser le démon", ça revient à dire "chasser le Diable" et comme le mot Dia-ble veut dire 2 (dia) , ce qui sous entend que la personne "en proie du démon" est en fait la personne divisé en deux en dedans d'elle.
Le Démon surgit à partir de cette division.
Alors "chasser le démon", cela équivaut à mes yeux, panser les plaies, faire de sorte que la personne ne soit plus divisée en 2, qu'elle redevienne 1 (unie à la voe, au monde, à soi, à Dieu, à tout).
Peut être en fin compte, chasser le démon, c'est pas si différent que d'aider à se guérir de souffrances !
Mélie qui n'a jamais oublié ce que ça faisait d'être réduite à l'état de "demon" (plus exactement bestial).
EXPULSER LES démons: expression biblique mais qui ne nous parle plus...Jésus chasse nos démons parce qu'Il nous sauve de nos blessures... Il nous permet ce fameux lâcher prise avec lequel je suis d'accord mais il faut parcourir un long chemin... Cela ne se fait pas en un jour
Tournesol
http://www.toutregard.blogspot.com
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