jeudi, août 13, 2009

Les Signes et les Oeuvres Jn 6, 28-32

Des signes et des œuvres.

Lors de la célébration eucharistique du dimanche 9 août, il était encore question de signe, puisqu’il s’agit de la suite du chapitre 6 de l’évangile de Jean. Cette fois ci ma réflexion est partie sur l’espèce d’opposition entre signes (miracles) et œuvres et au dialogue de sourds entre Jésus et son auditoire. Il m’est revenu en mémoire la traduction de Marc 8, 11-13 (Bible Bayard) de la réponse de Jésus aux pharisiens qui réclament des « signes » « Plutôt crever ! » et de me dire que cette réponse considérée comme scandaleuse est pourtant une réponse prophétique : c’est bien parce que Jésus est mort (crevé) que le miracle de la résurrection a pu advenir et la propagation du christianisme.

J’ai recherché quelques définitions de ce mot signe (qui dans l’évangile est souvent synonyme de miracle).

Le sens premier serait : Chose, phénomène perceptible ou observable qui indique la probabilité de l'existence ou de la vérité d'une chose, qui la manifeste, la démontre ou permet de la prévoir. Signe évident, perceptible, visible.
On peut donc dire que d’une certaine manière, derrière le signe visible, il y a autre chose. Ce que les psy appellent aussi contenu manifeste, contenu latent.

Dans le domaine de la linguistique le signe est une unité linguistique constituée d'une partie physique, matérielle, le signifiant, et d'une partie abstraite, conceptuelle, le signifié.

Dans le domaine de la sémiotique le signe est un objet matériel, perceptible, valant pour une chose autre que lui-même qu'il évoque ou représente à titre de substitut.

On peut se demander à lire ces définitions si Jésus ne se situe pas dans le domaine de la sémiotique, ce qui pour des auditeurs juifs, devait forcément provoquer une incompréhension massive.

Il est intéressant de noter que ce débat (technique chère l’auteur du 4° évangile) autour de ces deux mots : signe et œuvre, va permettre à Jésus d’annoncer son identité de Fils de Dieu et de nourriture pour la salut du monde (comme cela est rappelé à chaque eucharistie) et provoquer un clivage entre ceux qui peuvent entendre et ceux qui ne le peuvent pas.

Si on revient au contexte de ce chapitre, le signe que Jésus vient de faire (œuvre ?) c’est la multiplication des pains. Cette œuvre (ouvrage, fait matériel) fait est censé être un signe qui aurait un sens différent de celui que la foule lui donne.

Jésus veut nous pousser à aller au delà du matériel (avoir l’estomac bien rempli) pour désirer que cette plénitude advienne aussi à notre esprit. La nourriture matérielle permet de vivre, la permanence de la présence de Jésus en nous, permet aussi de vivre : « un jour en tes parvis, vaut mieux que mille ailleurs », mais elle fait grandir ce qu’il en est du divin en nous, elle nous conforme à l’image de Dieu.

Je reprends quelques versets de ce dialogue entre Jésus et son auditoire (Jn 6 26-31)
26 Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété.

Ici Jésus emploie un pluriel : (les pains), ce qu’il semble leur reprocher c’est leur quête de nourriture, qui renvoie à l’avidité orale (petite table couvre toi des contes de Grimm) qui d’une certaine manière ne tient pas compte de celui ou de celle qui recouvre la table de nourriture. En d’autres termes, que cherchez vous et non pas qui cherchez vous ? (Ce qui évoque la question que jésus posera aux gardes venu l’arrêter et que les anges poseront au matin de Pâques : qui cherchez vous ?.

27 Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non pas cette nourriture périssable, mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera, car c'est lui que le Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau. »

Qu’est ce que Jésus entend par se « mettre à l’œuvre « ? Manifestement un changement radical, ce que les synoptiques appellent peut-être une conversion. Se mettre à l’œuvre, c’est se mettre en mouvement. Certes les foules se sont mises en mouvement pour le retrouver au bord su lac, mais c’est pour être ensuite reprise par un immobilisme : se faire nourrir. Or ce n’est peut-être pas cela que Jésus attend de ses disciples. Il y a aussi le mot demeurer, mot cher à l’évangéliste. Ici il est signifié que cette nourriture ne disparaît pas (ce qui était le propre de la manne que l’on ne pouvait mettre en réserve). Il y a là une autre promesse, mais il y a un futur. La condition pour obtenir cette nourriture c’est bien de reconnaître en Jésus le fils (et cela est loin d’être gagné).

Le reconnaître comme celui qui est marqué du sceau c’est le reconnaître comme Messie (comme David jadis) et c’est là que les choses se compliquent. Voir en Jésus un guérisseur ou un thaumaturge oui, voir en Lui le Fils, non. Et pourtant dans la genèse au chapitre 4, Dieu, met bien un signe sur Caïn le meurtrier, pour qu’il ne soit pas mis à mort. Quel est le sceau posé par Dieu sur le Fils ? Est ce le sceau du cantique des cantiques : chap. 8, 6 : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l'amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol, Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé ». Est cela le sceau dont Jésus est porteur ?Au delà du signe du pain en abondance, peut-on voir le signe de l’amour ?

28 Ils lui dirent alors : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
29 Jésus leur répondit : « L'œuvre de Dieu c'est de croire en celui qu'Il a envoyé. »

On a l’impression que quelque chose a été entendu, seulement il y a un pluriel (les œuvres, ce qui renvoie certainement à la loi mosaïque et au faire) alors que jésus renvoie à un singulier, qui renvoie à un autre faire qui est celui de la foi. La foi serait alors un acte (et d’une certaine manière c’est un acte que nous avons à poser) mais cet acte, n’est pas le fruit de la volonté.
Et face à cette demande de Jésus : ne faites pas pour faire, mais laissez vous faire par ce que vous voyez (ce qui fait penser à l’aventure de thomas qui voit et croit enfin), à nouveau la polémique reprend.

30 Ils lui répliquèrent : « Mais toi, quel signe fais-tu donc, pour que nous voyions et que nous te croyions ? Quelle est ton œuvre ? 31 Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu'il est écrit : Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel. »
On revient bien au « voir pour croire » et l’opposition entre cet homme qui est là, dont on connaît la filiation et le Dieu tout puissant qui a donné la manne. En d’autres termes : "Tu te prends pour qui toi, qu’est ce que tu racontes" ? Et d’un coup ce qui s’est passé sur la montagne est comme minimisé. D’ailleurs d’autres avant lui comme Elisée (l’homme de dieu) ont déjà fait de tels signes, et n’en n’ont pas fait tout un fromage.

32 Mais Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel. 33Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »

Et là, on revient dans le ici et maintenant. Il y a eu un passé : c’est à la demande de Moïse que le peuple qui récriminait a eu la manne. Maintenant c’est à la demande du Fils qu’ un autre pain est donné, un pain qui est nourriture non plus du corps biologique, non plus d’un peuple choisi, mais nourriture spirituelle de tous ceux qui reconnaissant que Jésus est Dieu.

Or ce dialogue entre Jésus et ceux que Jean appelle les Juifs, il existe aussi en nous, que nous le voulions au non. Comment passer du contenu manifeste au contenu latent ? Peut-être est ce le travail (l’œuvre de l’Esprit Saint) de nous permettre de comprendre ce qui est parfois au delà du visible.

1 commentaire:

TOURNESOL a dit…

Pour que nous puissions passer du stade matériel au stade spirituel
dans le domaine des signes, il nous faut "une révélation"
Je lisais chez Jean Yves Leloup dans le livre "Manque et plénitude" une définition de révélation selon Claude Tresmontant
Il en vient à dire que le mot
revelo-revelare signifie: ôter le voile, dévoiler
Révélation est un mot un peu abstrait, ôter le voile est beaucoup plus parlant.
Pour comprendre les signes de piste
il faut que le voile tombe de nos yeux car nous voyons et nous ne voyons pas , entendons et n'entendons pas comme dit l'évangile.