C’est un texte qui
m’a toujours interpellée, d’autant que dans l’évangile de Matthieu le verset 21
du chapitre 17, (même s’il s’agit d’un ajout) « cette sorte de démon ne se chasse que par le jeûne et
la prière »qui ne figure pas dans toutes les traductions montre la
difficulté d’expulser un tel démon (ou de guérir une telle maladie qui est
quand même une maladie lésionnelle du cerveau).
Qu’est ce que Jésus
reproche à ses disciples outre le manque de foi ? De ne pas avoir les
bonnes armes pour lutter contre le mal. Peut –être me faudra t il revenir la
dessus un jour prochain.
Dans l’évangile de
Marc, la guérison de l’enfant « possédé par un démon » ou de l’enfant
épileptique, suit immédiatement la transfiguration (chapitre 9).
On sait
simplement que les disciples n’ont pas réussi à guérir l’enfant, que tout cela
fait un certain raffut puisque il y a comme un attroupement autour des
disciples et que l’arrivée de Jésus surprend tout le monde, comme l’arrivée
jadis de Moïse au milieu du peuple qui fait la fête autour du veau d’or a crée
un certain froid si l’on peut dire! Ce miracle permet il de comprendre aux
disciples que Jésus a pris avec Lui, qu’Il est le nouveau Moïse, le nouvel
Elie ?
On sait aussi que
le père n’est pas content. Vient alors une description de la pathologie de
l’enfant. Puis suivant les traductions Jésus demande qu’ on lui
« apporte » l’enfant ou qu’on lui « amène » l’enfant,
termes qui me choquent un peu, parce que je trouve que cela chosifie l’enfant, mais
n’est ce pas souvent ce qui arrive aux enfants qui ne parlent pas. Et peut être
que le miracle sera de rendre à cet enfant sa place de « sujet »,
sujet parlant. N’est-il pas déjà mort cet enfant qui ne parle pas, qui marche
mal et qui n’entend pas ?
Beaucoup ont écrit
sur la relation du père et du fils, comme si l’acte de foi (parole) du père en
coupant une relation pathologique entre eux, permettait la guérison. Le fait
que le père puisse dire : « je crois mais viens en aide à mon manque
de foi », parole vraie, rendrait en quelque sorte la parole au fils, mais
je dois reconnaître que j’ai souvent du mal avec une trop grande
psychologisation de l’évangile, d’autant que d’après mon expérience quand on a
un fils handicapé c’est plutôt avec la mère que les choses se nouent parfois de
manière qui semble pathologique.
Ce qui est rapporté
de cet enfant c’est que depuis sa naissance il est muet, qu’il est peut
être sourd puisque à cette époque les deux pathologies étaient à tort
associées, qu’il tombe n’importe où, (dans le feu ou dans l’eau) c’est à dire
que la marche n’est pas bonne et donc qu’il a des troubles de l’équilibre. Le
raidissement, la salive qui coule, les tremblements ; au moment de la
guérison sont évocateurs d’une crise de grand mal, crise impressionnante s’il
s’en faut.
En termes aujourd’hui on dirait : mon
fils a des troubles neurologiques importants; il ne parle pas, on pense qu’il
est sourd, il est différent des autres, il fait des crises, et quand il fait
ses crises on ne sait pas où il
est: on perd le contact avec lui, il ne nous entend pas, il ne nous répond pas.
On a peur pour lui parce qu’il se fait du mal à lui même : il a failli se
noyer, failli se brûler, il a des troubles de l’équilibre, il marche mal. On
pourrait presque dire puisque cela date depuis la naissance qu’il est « polyhandicapé ».
Il n’est pas
étonnant que les disciples n’aient rien pu faire, car ces enfants là, ces
enfants avec lesquels il n’y a pas de contact font peur, et quand peur il y a,
la guérison n’est pas possible.
Si les évangélistes
insistent souvent sur la nécessité de la foi pour celui qui demande un miracle,
il est intéressant de noter (en tous les cas dans le parallèle de Matthieu) que
le foi est aussi nécessaire à celui qui provoque la guérison par le nom de
Jésus.
Quant à une crise
de « grand mal », pour en avoir vu, c’est effrayant. Cela fait peur
pour ceux qui y assistent. Effectivement on peut penser qu’il y a possession
car l’enfant n’est plus là, qu’il tombe, qu’il urine sous lui, tremble. Il est
pris par quelque chose qu’il est presque impossible de stopper, même si parfois
on le peut dès que l’on voit les prémices de la crise. Les mots de Jésus sont
des mots forts : sors de cet enfant… Sous entendu tu es entré en lui, tu
en as fait ta chose, maintenant, moi je lui rends la vie.
La réaction de
l’enfant est étonnante (il tombe au sol et était comme mort) me fait penser à une phrase de Freud concernant
l’homme aux Loups : « J'eus alors la satisfaction de voir s'évanouir ses doutes, lorsque
l'intestin, tel un organe hystériquement affecté, commença à se « mêler à la
conversation pendant notre travail, et eut recouvré en quelques semaines sa
fonction normale si longtemps entravée ». C'est à
dire qu’il y a comme un ultime combat, une ultime résistance dont l’analyste
sort vainqueur par la puissance de la parole.
On pourrait dire que la force du
son de la parole de Jésus qui ordonne (puisqu’on sait que les bruits peuvent
provoquer des crises de grand mal) provoque la dernière crise. L’enfant est
comme mort, on pourrait presque dire que l’enfant « ancien » l’enfant
« malade » reste là, couché sur le sol et que l’enfant
« nouveau », l’enfant « ressuscité » va se lever.
Que l’enfant puisse se lever et marcher est bien pour moi signe de guérison. Je sais à quel point
une crise de grand mal fatigue. La personne doit être aidée pour se lever,
souvent il faut la porter, marcher lui est très difficile.
Cette guérison me
sidère, car il y a lésion du cerveau et réparer cela, c’est pour moi finalement
aussi fort que la résurrection de la fille de Jaïre (Mc5, 21). D’ailleurs la
demande de Jésus « donnez lui à manger » m’a fait poser la question
d’une anorexie qui serait un refus chez cette fille de 12 ans, donc en âge
d’être mariée, de l’avenir qui l’attend.
C’est peut être
pour cela que Jésus reproche le manque de foi, manque de foi des disciples
paralysés par la peur, manque de foi du père qui sait bien qu’il demande
l’impossible
Il est certain que
vu de l’extérieur, cet enfant est pris par quelque chose (ou quelqu’un qui le
manipule et qui lui veut du mal (un peu comme l’homme geradséen qui se blesse
lui même).
Que Jésus dise
« démon sourd et muet sors de cet enfant » montre qu’il s’agit de
débloquer quelque chose. Cela fait un peu penser à ces sources qui ne coulent
plus parce qu’elles sont obstruées par quelque chose.
Jésus a la
puissance de faire cela, de débloquer ce qui est bloqué depuis la naissance
(certainement prématurée), de rétablir une intégrité somatique et pour moi,
cette guérison est naissance.
Alors il est
possible de voir en Celui qui vient d’être reconnu au début du chapitre 9 comme
le « Fils bien aimé » Celui qui donne la vie à cet enfant malade et
qui par sa mort (annoncée dans les versets suivants) donnera une autre vie à
tous ceux qui se reconnaissent enchaînés, pris, abaissés, sans paroles.
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