Genèse : les
blancs
Quand on lit les
évangiles, il arrive que parfois on se pose (ou que je me pose) des questions
du type suivant mais comment peut-on savoir ce qui s’est passé puisque
Jésus était seul ? N’est ce pas ce qui se passe lors de la tentation après
le baptême, ou de la nuit au jardin des oliviers ? Ne nous dit-on pas les
disciples sont loin et que les apôtres choisis par Jésus dorment ? On peut
juste imaginer qu’ils n’ont pas dû être très fiers d’entendre Jésus leur
reprocher de ne pas avoir su veiller avec lui, mais pour le reste ? Et
pourtant ce que vit Jésus est rapporté avec force détails. On peut penser que
l’Esprit Saint a permis au rédacteur de combler le vide pour faire comprendre
aux lecteurs ce que Jésus a ressenti et vécu (vrai homme) au moment de la
passion, insister sur l’humanité de Jésus, sur sa peur, sur ce qui fait qu’il
est semblable à nous. Il me semble qu’e l’on peut dire qu’il y a une révélation
dans l’écriture de l’évangile (ou des évangiles).
Je crois que pour
les juifs d’aujourd’hui, les blancs (de l’impression typographique) de la bible
ont du sens. Or je me suis rendue compte (d’où le titre de ce billet) qu’il y a
aussi un blanc considérable dans la bible, c’est tout ce qui concerne les
récits de la création dans le livre de la Genèse. Comment les écrivains de ces
textes sont ils pu savoir comment Dieu s’y est pris, puisque cela s’est fait
sans témoin ?
Nous sommes tellement habitués à ces textes que cela ne nous
choque pas.
Dire que Moïse est
l’auteur de tous les textes du Pentateuque résout le problème, parce qu’on peut
bien imaginer que YHWH qui parlait à Moïse comme un ami parle à un ami, a bien
pu au cours des longues soirées d’hiver, raconter plein de choses… Seulement
l’hypothèse d’un Moïse rédigeant sous la dictée est mise à mal par les travaux
des exégètes et puis dans ce cas là, pourquoi deux récits très différents
l’un de l’autre ?
Alors comment
comprendre ce qui nous est rapporté ? Comment remplir ce blanc, ces
blancs. ? A la limite que nous disent-ils et qu’étaient ils censés dire
aux lecteurs (ou aux auditeurs de ces écrits) au moment où ils ont été
rédigés ? Si on admet que la
rédaction date de l’exil, période sombre puisqu’il n’y avait plus de royauté,
plus de temple, on peut comprendre qu’il était impératif de fortifier le
sentiment d’identité du peuple choisi et donc de réfléchir sur les origines. Ces
textes répondent un peu à cela, puisque c’est le but de tout mythologie. Ces
textes n’ont ils pas pour fonction de montrer que le Dieu d’Israël est un Dieu
plus fort que tous les dieux assyriens (les mythologies sumériennes et
babyloniennes devaient bien entendu être connues), et surtout que quelle soit
la faute du peuple, Dieu ne coupe pas la relation.
Dans le premier
récit, l’homme (le couple) est crée en dernier (sixième jour), donc il n’a rien
pu voir. Dieu (Élohim) lui donne
la terre pour la dominer et y régner, puis Il disparaît. Alors comment peut-on
savoir comment ce Dieu s’y est pris ? D’une certaine manière, beaucoup de
réponses sont apportées par le livre de Job,(ou dans le livre des psaumes :
psaume 103) chaque fois que l’écrivain fait parler Dieu. Mais là se pose la
question de la révélation et du rôle de l’Esprit saint qui dévoile des choses
sur l’action de Dieu, pour que le monde soit compréhensible pour l’humain. Et
qui montre aussi que le Dieu des juifs, contrairement aux Dieux des babyloniens
est un Dieu Unique, maître de l’Univers, capable de permettre au peuple de
continuer à se multiplier et à dominer le monde dans lequel il est captif.
Il y a un El tout
puissant, qui met en place tout ce qu’il faut pour que l’homme puisse vivre
dans un milieu où tout le monde ne mange que de l’herbe, (pas d’agressivité,
pas de mise à mort) et dans lequel tout le monde il est beau, tout le monde il
est gentil. L’humain est dépositaire de ce monde et c’est peut être déjà cela
qui est important. Mais il n’y a pas de relation entre l’homme et le dieu
créateur. Dieu donne une terre « clé en mains ». L’homme y est tout
puissant. Et Dieu se retire de la création (se repose). Par la suite, il sera
demandé à l’humain de faire comme Dieu, de chômer tous les 6 jours. Apprendre à
se limiter, apprendre à prendre le temps. Il est fort possible que pendant
l’exil cette exigence ait dû poser question car un peuple réduit en esclavage
doit obéir.
On peut supposer
que ce récit qui finalement renvoie à la manière dont la terre était vue
par les babylonien (galette plate sur des piliers, avec une voute percée de
petits trous) va bien au delà de la mythologie babylonienne. La naissance de
l’humain de fait dans la douceur, il n’est pas besoin du sang d’un Dieu pour
créer l’homme (pourtant il faudra bien le sang de Jésus pour
le »recréer ». Ce Dieu là, ce Dieu qui sépare, est un Dieu qui parce
qu’il a crée l’homme à son image et à sa ressemblance lui donne tout et le
laisse dans ce monde.
Ce Dieu qui
se repose, qui est capable de mettre un terme à son travail, est bien un Dieu
que l’on peut adorer, car il tout fait « bon ». Tout ce que dans la
création voit l’homme, est là pour lui rappeler la présence de Dieu, il est
donc dans un monde rempli de la présence. Et je pense que toutes les fêtes qui
vont structurer le temps de l’israélite, sont là pour ne pas oublier une minute
la présence du dieu de l’univers. Donc d’une certaine manière le blanc est
rempli Il faut enfin noter que le Dieu d’Israël est un Dieu
« universel », il n’y a pas d’autres Dieux que Lui, pas de Dieu de la
mer, pas de dieu du ciel, non Il est le Tout Puissant. En cela l’auteur répond
donc au questionnement des exilés.
Dans le second
récit qui est très différent, d’une certaine manière la création passe au
second plan et c’est la relation qui est première et c’est peut être cela
l’important. Car la suite de la Genèse
(meurtre de Caïn, Noé, puis Abraham) est dans le droit fil du second
récit, pas du premier.
Ce récit répond à
d’autres questions que peuvent se poser les exilés : à savoir pourquoi en
est –on là aujourd’hui ? La réponse étant : tu ne m’as pas obéi, tu
t’es laissé tenté, mais Moi ton Dieu, Je reste là, Je continue à être là, car
tu as une autre fonction : faire connaître mon nom à toute la terre (et
c’est ce qui est dit à la fin de la généalogie d’Adam et de sa
descendance : et le nom de YHWH commença à être connu sur la terre).
Si dans le premier
récit, il est dit que la terre était déserte et vide, l’Esprit de Dieu planant
sur les eaux, ici, il est question d’une terre aride qui ne produit rien (pas le
monde végétal) et cependant est cependant envahie par un flux qui irriguait la
terre. Je ne sais pas si Dieu a trouvé de la poussière, mais certainement de la
boue…
Là, il y a un monde aride, un homme modelé, la création du monde végétal,(donc du jardin) la création du monde animal (trouver une aide pour l'homme) et la fin de la création de l'humain (création de la femme). On est dans registre beaucoup plus utilitaire, qui renvoie un peu à la mythologie sumérienne où l'homme est crée pour éviter aux Dieux (qui jusque là avaient du travailler la terre pour la rendre habitable) de se fatiguer. Cet homme là n'a d'ailleurs que peu d'importance au regard des Dieux car le jour où il cassera les oreilles du collège divin, il sera éliminé (déluge).
L’homme modelé par
Dieu semble être la première œuvre de Dieu, mais il n’est pas dit que Dieu
trouva cela bon et manifestement
l’homme est mis en comme en attente. Il faut que Dieu mette la végétation en
route pour que le jardin soit créé et pour que l’homme ait un rôle :
servir et garder le jardin. Le fait qu’un interdit lui soit donné, est aussi
très différent de ce qui se passe dans le premier récit qui certes se termine
par le repos de Dieu, mais sans que le Shabbat soit institué.
Cet interdit
« fondateur » montre la fragilité de l’humain et l’importance de la
convoitise qui est en lui et qui doit être freinée pour que la vie soit
possible. D’une certaine manière la fragilité de l’homme est déjà là en filigrane.
Si les animaux sont
crées et si l’homme crie leur nom, c’est parce qu’il demande de l’aide.
Personne ne nous dit si Dieu crée les animaux comme il a crée l’homme : en
modelant la terre. Le Glébeux qui crie de noms, est comme dans le premier récit
« maître » du monde animal, car donner un nom c’est en quelque sorte
être le maître. C’est la constatation que l’homme ne peut trouver en l’animal
un alter ego qui permet la conception de la femme, qu’il ne peut voir puisqu’il
est plongé dans une torpeur (anesthésie). On peut au passage noter que la femme
ne recevra son nom qu’après le travail de sape du serpent, quand Dieu a mis
tout le monde dehors, et que ce nom est signifiant de la vie qui continue
envers et contre tout.
Mais surtout ce
récit, montre que Dieu même s’il met dehors, ne se ferme pas les yeux sur ce
qui se passe dans ce couple. Il reste présent, il prévient même, et ce Dieu
là qui parle à l’homme (ne
préviendra t il pas Abraham de la destruction de Sodome) continue et continuera
à parler au peuple exilé et les promesses faites autrefois il les tiendra.
Alors finalement
ces deux récits où l’on ne sait pas comment Dieu s’y est pris, sont là pour
monter autre chose : la puissance
et la relation et c’est peut être cela l’important.
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