Genèse 2: Les deux arbres dans le jardin.
Dans l'évangile de Jean que la liturgie propose en ce temps pascal, je suis frappée par le fait que Jésus parle en permanence de Vie. Il n'est pas venu pour juger, mais pour donner la vie. S'il donne sa vie, dans cet évangile, ce n'est pas une rançon, mais parce qu'il s'agit d'amour, c'est la seule manière de nous permettre, par le don de l'Esprit, de devenir des vivants. Or quand on lit la Bible, au début du récit mythique de la Genèse, il est bien question d'un arbre de Vie (ou de la Vie) qui devient inaccessible à Adam (figure de l'humain), après le choix malencontreux de l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
Le texte qui suit est donc une réflexion sur ces deux arbres et peut-être sur le fait que la tentation c'est de choisir ce qui nous donne puissance sur l'autre. D'ailleurs n'est ce pas ce qui est en filigrane dans les tentations de Jésus?
Ce que je veux dire c'est que nous sommes appelés à être des vivants, et qu'il ne faut pas nous tromper d'arbre.
Donc, dans le jardin que l'homme est appelé à cultiver, il y avait, nous dit le texte, deux arbres. Leur localisation l'un par rapport à l'autre reste un peu difficile, mais l'arbre de vie est au milieu du jardin, quant à l'arbre de la connaissance du bien et du mal on ne sait pas trop. Mais cet indice, le milieu, dit bien son importance. Il est central cet arbre. C'est l'arbre qui donne la vie, l'arbre qui peut donner l'immortalité, apanage des Dieux, mais aussi le désir de vie que nous avons tous. Surtout, c'est un arbre dont le fruit permet et donne la croissance de la Vie chez l'humain, c'est à dire du meilleur de lui; autrement dit, de sa capacité à aimer. Il me semble qu'il est différent des arbres dont parlent les livres d'Ezéchiel et de l'Apocalypse qui sont des arbres guérisseurs.
Et puis, bien sûr, il y a l'autre arbre. Or curieusement, dès le début, l'auteur dit bien, ou fait dire par la bouche de Dieu, que si on mange du fruit de cet arbre, on trouvera la mort. Cela montre bien que cet arbre est comme l'opposé de l'arbre de Vie. Seulement il est présenté comme l'arbre qui donne non pas la connaissance tout court (par là je veux dire ce qui nourrit l'intelligence, qui permet son développement, mais aussi la connaissance de l'univers, que ce soit l'infiniment grand ou l'infiniment petit), mais la connaissance du bien et du mal - ou comme cela est parfois écrit la connaissance du bon et du mauvais. Or là on est dans quelque chose qui est radicalement différent de la connaissance au sens large.
Savoir, ou croire connaître, ce qui est bon ou mauvais, ne fait pas de nous des Dieux, mais donne l'illusion d'être comme Dieu, puisque cela nous permet de décider à la place d'un autre (ou d'un enfant, d'une femme, d'un clan, ou d'un peuple) ce qui est bon ou mauvais pour elle, et donc d'édicter des lois en conséquence. En d'autres termes, ce savoir là conduit au pouvoir sur l'autre, avec certes du positif, parce qu'il régente la vie sociale, mais tellement de négatif, parce qu'on est dans le pouvoir et souvent dans la domination. Et le pouvoir, quand il n'est pas cadré, quand il est en proie aux forces brutes qui sont en tout être humain, peut conduire à la violence, à la mort.
Oui, cet arbre là ouvre les portes de la violence. Ce qui se passera dans la suite du récit entre Caïn et Abel en est presque la démonstration (Gn 4).
Et le serpent là-dedans? Je ne vais pas revenir sur la pauvre Ève, qui ayant bravement goûté le fruit de l'arbre, et qui - parce que rien ne se passe pour elle (elle ne tombe pas raide morte) - en a donné à son mari et sur laquelle on fait retomber toute la faute, mais sur la perversité du mauvais. Car en se centrant uniquement sur l'arbre porteur de l'interdit, il détourne l'humanité de l'arbre de la vie, alors que c'est bien l'arbre le plus important. Et c'est bien pour nous donner la Vie que Jésus viendra un jour du temps sur notre terre. Car c'est bien le fruit de cet arbre là qui fait de nous, non pas des Dieux, mais qui nous modèle à son image et à sa ressemblance.
Alors, pour le serpent la perversion, c'est bien de détourner du bon pour rendre le mauvais désirable. On connaît, parce que les exégètes les ont bien mises en valeur, ces phrases inversées ("tous les arbres") ou tronquées, du discours du malin. C'est instiller le désir que l'homme a d'être le juge de ce qui est bon ou mauvais, alors qu'il est loin d'avoir les capacités pour le faire. Et, devenu juge, il s'érige en tout puissant et prend bien la place de celui qui a mis en place ce qu'il a fallu pour que l'homme prenne racine et naissance sur la terre. Et ce faisant, il devient sans s'en rendre compte un sujet du serpent, puisque comme lui il "sait" ce qui est bon ou mauvais; et il s'oppose à un dessein qui devient pour lui obscur voire incompréhensible.
Le serpent, le plus rusé des animaux des champs, a parfaitement réussi son coup. Et quand les yeux s'ouvrent, ce n'est pas tant la nudité qui est en cause, que de savoir ce que la nudité éveille chez l'autre, en terme de pouvoir, et là, il vaut donc mieux la masquer la nudité et la masquer derrière des feuilles qui sont celles de l'arbre de la sagesse, et oublier...
Sauf que Dieu n'oublie pas et va petit à petit permettre à l'homme d'accéder à nouveau à ce fruit qui donne la vie en la personne de son Fils.
Sauf que Dieu n'oublie pas et va petit à petit permettre à l'homme d'accéder à nouveau à ce fruit qui donne la vie en la personne de son Fils.
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