mardi, juillet 19, 2022

Luc 10, 38-42, Marthe et Marie. Année C, 16 ème dimanche ordinaire. 17 juillet.

 

 

Premières réflexions

 

C'est un texte bien connu, ce texte qui semble opposer contemplation et activité. On lit ce texte le 29 Juillet pour la Ste Marthe, parce que le nom de de Marthe y figure, mais ce n'est pas un texte qui la valorise vraiment, puisque Jésus refuse d'écouter sa demande.  


J'avais laissé, il y a très longtemps, Marthe raconter cet épisode de sa vie - https://giboulee.blogspot.com/2005/08/marthe-et-marie-lc-1038-43.html - puis plus récemment c'est Marie qui a pris le relais: https://giboulee.blogspot.com/2021/07/luc-10-38-42-jesus-est-recu-dans-la.html

 

C'est un texte court, donc facile à mémoriser. En le laissant travailler en moi ce dimanche - mais je l'avais déjà lu la veille - est venu se mettre à résonner ce terme de "Seigneur" que Marthe emploie quand elle interpelle Jésus, au moment où elle commence à ne plus supporter la situation. 

 

Elle coupe Jésus dans ce qu'il est en train de raconter, pour lui dire:" Seigneur est ce que cela ne te fait rien que ma sœur me laisse faire toute seule le service? Dis-lui donc de m'aider." Et je me suis demandée ce qu'il y avait derrière ce "Seigneur", qui pour moi est une simple formule de politesse: Monsieur. Et, juste après" le narrateur écrit "Le Seigneur lui répondit", ce qui, là, renvoie à Jésus qui est Seigneur, Jésus passé de la mort à vie, Jésus qui est LE SEIGNEUR. 

 

Ce que je veux dire, c'est que ce mot s'est imposé à moi, et m'a renvoyée à la manière dont je m'adresse, moi, à celui qui est mon Seigneur. 

 

Cela m'a permis, dans un premier temps, de laisser simplement ce mot chanter un peu en moi, au rythme de ma respiration; et cela c'est toujours pour moi un cadeau qui m'est offert. Peut-être qu'ensuite est venu s'associer un chant - "Jésus, toi qui a donné l'Esprit à ceux qui te prient…" - parce que, comme je vais le dire, je pense que quand je parle au Fils du Très Haut, je l'appelle par ce nom de Jésus.

 

Dans la prière du cœur que je pratique, je répète "Seigneur Jésus"; mais, de fait,  qu'est-ce que je dis?  Est-ce que ces deux noms accolés n'en forment plus qu'un seul? Ce n'est pas impossible. 

 

Cependant, je crois que lorsque je prie, j'utilise essentiellement le prénom, Jésus. Je n'ai pas à réfléchir. C'est comme cela, et je pense que c'est lié au fait que ce Jésus, je l'ai rencontré quand j'avais une dizaine d'années, à un moment de rupture puisque je quittais ma mère pour entrer dans l'univers de mon père; je quittais aussi un lieu agréable à vivre pour me plonger dans un autre univers. Et ce Jésus-là a été mon frère, mon ami; alors c'était, et c'est, Jésus tout court. Dans le besoin, c'est: "Jésus s'il te plait". 

 

Il y a des années, j'ai été un peu perturbée quand je me suis rendue compte qu'en Allemand, le mot employé pour parler à Dieu, certes avec une majuscule c'est simplement Herr, Monsieur. Mon Sieur (Seigneur). Je m'étais alors demandé, puisque la langue structure la pensée, comment les allemands se représentaient ce monsieur Dieu! Mais il me semble qu'en allemand il y a une notion de respect infiniment plus considérable qu'en Français pour ce même mot.

 

Je crois surtout que, pour moi, "Monsieur" introduit de la distance. Comme on disait autrefois, on n'a pas gardé les cochons ensemble; et cela reste pour moi un fondement dans la relation avec Dieu, Dieu Père, mais surtout avec Jésus, le Fils. Car même si j'ose l'appeler par son prénom, c'est le nouveau nom, celui de la résurrection, celui que je connais sans le connaître, ce qui me permet de ne pas le posséder. On dit que connaître le nom de quelqu'un c'est avoir un pouvoir sur lui. Moi, j'ai la chance de connaître ce nom, qui comme le dit Paul, est au-dessus de tout nom, de fléchir le genou, mais de ne pas le chosifier. 

 

Ce qui m'a aussi touchée dans ce texte, c'est Marie qui s'assoit aux pieds de Jésus; et cela c'est actif, c'est sa décision. Et c'est ce choix qui lui permet ensuite d'écouter, de garder dans son cœur, de contempler. Mais l'action précède la contemplation. Il y a de la volonté la-dedans.

 

Revenons à ce qui nous est raconté par Luc.

 

Réflexions sur le texte.

 

Quand Marthe reçoit Jésus, il se présente comme quelqu'un qui a des disciples et qui demande l'accueil. Mais qui est-il pour elle? Je pense qu'il est un homme intéressant, dont elle peut-être un peu entendu parler, un Monsieur si je puis dire. 

 

Elle ne l'appelle pas par son nom, par son prénom, mais cela ne semble pas se faire dans les évangiles. Personne n'appelle Jésus "Jésus", ou même "Seigneur Jésus". Là, elle lui parle comme Marie de Magdala parlera au jardinier, du moins à celui qu'elle pense être un jardinier, au matin de la résurrection. 

 

Ensuite elle veut juste qu'il use de son autorité, et sa phrase est assez subtile, puisqu'elle en appelle à la sensibilité de Jésus. Est-ce que cela ne te fait rien qu'elle me laisse toute seule à tout faire pour te recevoir?

 

Marie, on ne sait pas comment elle l'appelle, cet homme aux pieds duquel, elle est allée s'installer, un peu comme un chien qui se met aux pieds de son maître. Si Marie de Béthanie est Marie de Magdala, mais cela rien ne le prouve, cet homme est pour elle son "Rabbouni"; j'aime les mots qui ont cette consonance en "ou". C'est un mot que moi, j'emploierais facilement. Mais dans ce qui est rapporté là, cette jeune femme, cette disciple, ne dit rien; elle attend.

 

Jésus répond directement à Marthe; en lui faisant remarquer qu'elle se prend la tête, qu'elle se soucie, qu'elle s'agite pour bien des choses. Il me semble que s'agiter, ce serait un peu le propre du sot, de l'insensé, ce qui ne doit pas trop plaire à Marthe qui se prend peut-être pour la femme parfaite de ce même livre des Proverbes. Là, elle se disperse, elle a perdu son assise, celle que Marie a justement trouvée en se mettant aux pieds de Jésus. 

 

Alors ce qui lui est demandé, au lieu de faire porter la responsabilité à sa sœur de cette sorte de colère qui gronde en elle à ce moment-là, c'est de prendre le temps de se poser, de réfléchir, de trouver ce qu'il y a de plus important, ce jour-là, à ce moment-là, parce qu'elle n'a peut-être pas compris que Jésus n'est pas qu'un guérisseur qui va de village en village, mais son Seigneur qui vient visiter son peuple. 

 

Et le texte s'arrête là, avec: "Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée" ( ni par toi, ni par lui). Jésus prend en quelque sorte la défense de Marie; il est son prochain.

 

Je peux imaginer que ce qui s'est passé là a quand même pu faire réagir ceux qui ont accompagné Jésus dans la maison de Marthe (maison qui n'est pas la maison de Marie, il y a bien une différence de statut entre les deux sœurs). Peut-être pensaient-ils comme Marthe qu'une femme n'avait rien à faire aux pieds de Jésus, que la place d'une femme ce n'était pas là, et qu'elle faisait honte à sa sœur. 

 

Un disciple raconte

 

Le Maître avait un peu cloué le bec d'un pharisien qui avait demandé qui était son prochain, en racontant une sorte de parabole où il était question d'un homme attaqué par des brigands sur la route de Jérusalem à Jéricho, qui avait été volé, blessé, et presque tué. Il avait ensuite été question de trois personnes qui passaient là; et seule l'une d'entre elles, un Samaritain, prenait le temps de s'arrêter, de le soigner, de le conduire dans une auberge, de dépenser de l'argent pour lui. Les deux autres, un prêtre et un lévite, n'ont pas bougé le petit doigt, ils ont même changé de côté, pour ne pas être souillés par le blessé. Alors quand Jésus avait demandé au pharisien lequel avait été le prochain, il avait répondu que c'était celui qui avait fait quelque chose. Jésus lui a dit qu'il avait bien répondu - mais il est évident qu'il n'y avait pas d'autre réponse - et qu'il devait faire de même. 

 

Du coup je me suis demandé si en racontant cela, Jésus n'avait pas été le prochain du pharisien. Il me semble que quand Jésus guérit, il se fait bien le proche de tous. 

 

Nous sommes arrivés dans un village pour y passer la nuit et refaire nos forces. Parfois nous sommes accueillis, parfois pas. Là on a eu de la chance. Une femme s'est présentée, elle s'appelle Marthe et elle nous a invité chez elle. Je pense qu'elle avait dû entendre parler de nous et de Jésus. 

 

Nous sommes entrés chez elle; elle nous a donné de quoi nous rafraîchir, et elle est partie donner des ordres pour préparer le repas. C'est là que j'ai découvert qu'elle avait une sœur, plus jeune, Marie. Un très très joli brin de fille. Être disciple n'empêche pas de regarder. 

 

Et voilà qu'elle entre dans la pièce où nous étions, elle s'installe aux pieds de Jésus, comme le font les disciples; et elle buvait littéralement ce qu'il disait. Moi je me demandais si c'était vraiment sa place. Mais le Maître semblait heureux. Et il parlait de tout et de rien. Il y avait de la Paix entre nous. 

 

Mais ça s'est gâté d'un coup. En fait on entendait bien la voix de Dame Marthe qui donnait des ordres, les annulait, en donnait d'autres, et on avait l'impression qu'elle avait du mal à savoir où donner de la tête. Elle est arrivée dans la pièce, elle a regardé Jésus et elle lui a demandé sur un ton très autoritaire si ça ne lui faisait rien qu'elle soit toute seule à faire le service. Et qu'il devait dire à Marie de l'aider; vraiment elle n'avait pas l'air contente. Moi je sais que quand on donne des ordres comme cela à notre Maître, il n'aime pas du tout.

 

Il a pris un peu de temps, il l'a regardée et lui a dit une phrase étonnante pour moi. Je veux dire qu'il ne lui a pas donné raison, mais en quelque sorte il l'a renvoyée à elle-même. Il ne lui a pas dit si c'était bien ou mal, il lui a fait remarquer qu'elle s'agitait pour beaucoup de choses, alors qu'une seule était nécessaire; mais il n'a pas dit laquelle. Je crois qu'il voulait qu'elle la trouve toute seule cette chose. 

 

Il a conclu en disant que Marie avait choisi la meilleure part, et que le choix qu'elle avait ce jour-là lui appartenait; que c'était son choix à elle. Et que lui, Jésus, n'allait pas la faire sortir de cette pièce où il y avait une telle concorde.

 

Marthe est repartie, mais j'ai bien vu qu'elle s'était calmée. Marie est restée là. Le repas a pu commencer un peu plus tard, et surtout Marthe est venue s'asseoir avec nous, avec sa sœur, avec Jésus, et je crois que c'était cela le principal. Là encore, il avait mis de la Paix, il avait sûrement guéri, il avait été le prochain de ces deux femmes. 

 

Que j'en ai de la chance d'avoir été choisi par un tel Maître.

 

Puis Jésus partira de là, il ira ailleurs, et il parlera à ses disciples de la prière et de la bonté de son Père.

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