La résurrection de Lazare.
https://giboulee.blogspot.com/2020/01/la-resurrection-de-lazare-jn-11.html et c'est Marthe qui raconte.
La résurrection de Lazare n'a rien à voir avec celle de Jésus. Lazare a comme une sorte de sursis, qui lui permet de reprendre la vie habituelle des hommes, vie qu'il perdra à nouveau (peut-être chez nous en Provence). On pourrait parler de relèvement de Lazare, mais je préfère réanimation.
Ce qui est radicalement nouveau avec ce signe proposé par Jean, c'est qu'il s'agit d'un mort enterré, alors que dans les résurrections de l'ancien testament (résurrection du fils de la veuve de Sarepta 1R 17,17-23; ou du fils de la Sunamite 2R 4,32-37; ou même cette résurrection étrange provoquée par les ossements d'Élisée 2R 13, 20-21) la mort est récente, l'esprit (le souffle) vient que quitter le corps, et le prophète demande à Dieu de remettre le souffle dans ce corps inanimé, en insufflant d'ailleurs son propre souffle, en donnant sa propre chaleur.
Les synoptiques rapportent aussi ce genre de résurrection, et Jésus est dans la lignée des prophètes: il touche et il parle, que ce soit pour la fille de Jaïre (Lc 8, 49- 56 ) ou pour le fils de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-15). Il en sera de même dans la première communauté chrétienne: la mort vient de survenir depuis peu. Bien sûr, dans l'évangile de Matthieu il est question au moment de la mort de Jésus de tombeaux qui s'ouvrent, et de la résurrection de nombreux saints, mais il s'agit là de montrer que la mort du Juste d'entre les Justes permet à certains d'entre eux, non pas d'avoir la vie éternelle, mais de revenir à la vie, ce qui est très différent.
Là, c'est le quatrième jour que le mort est rappelé à la vie. J'ai entendu un commentaire sur ce chiffre 4, mais je ne sais pas sur quoi il repose. L'idée c'est que ce chiffre renvoie à l'humain ou à l'humanité, et que c'est à cette humanité en train de se décomposer que Jésus redonne souffle et vie, en la déliant des liens de la mort.
Je pensais me servir, pour présenter cet épisode, de la journée que j'ai passée au Prieuré St Benoît, mais avec le temps, il en ressort plus des points qui m'ont heurtée que les points qui m'ont aidée à mieux entrer dans ce texte; je m'en servirai probablement dans le travail sur les versets. Et je reviens à ce que j'aime: revenir en arrière c’est-à-dire au moins au chapitre précédent; car je pense que chez Jean, rien n'est laissé au hasard.
Le chapitre 10 se passe, comme le chapitre 9 (guérison de l'aveugle de naissance), à Jérusalem. Jésus se présente comme le bon berger, celui qui donne sa vie pour ses brebis (et d'une certaine manière, en donnant la vie à son ami Lazare, il va perdre la sienne - et cela il le sait ou le pressent). Mais il y a aussi une attaque assez virulente de ceux qui devraient être les bergers et qui de fait ne sont que des mercenaires. Jésus parle de la porte, qui permet d'entrer dans l'enclos des brebis, de celui qui a le droit de passer par la porte, le berger, et de ceux qui pour entrer escaladent par un autre endroit; qui sont des bandits. De quelles brebis parle-t-il? C'est si peu clair qu'il doit donner une explication supplémentaire, qui reste objectivement très difficile, car il dit qu'il est la porte, c’est-à-dire le lieu de passage, qui permet d'être sauvé. En d'autres termes; si on suit son enseignement, on est sauvé quand on croit en lui. Et il y a opposition entre lui et les bergers mercenaires, qui ne s'occupent que d'eux et de sauver leur propre vie, et non pas de sauver la vie des brebis.
C'est ensuite la fête de la Dédicace, avec une demande: "Dis-nous si oui ou non tu es le Christ", et une réponse qui reprend les versets d'avant: Il est, comme David qui était l'homme choisi par le Très haut (le "messie") pour sauver son peuple d'un agresseur (les Philistins), le messie qui sauve non pas des Romains mais du malin. Et c'est la phrase "le Père et moi nous sommes Un" qui met le feu aux poudres, ce qui peut se comprendre. Puis, une fois de plus, Jésus prend la fuite; on nous dit qu'il s'arrête de l'autre côté du Jourdain, là où Jean baptisait au début. Le décor est planté pour la suite. Mais si la dédicace se passe en hiver, et si au chapitre 12, Jésus revient à Béthanie six jours avant la Pâque, on peut penser qu'il s'est écoulé du temps entre la fuite de Jérusalem et la maladie et la résurrection de Lazare et le repas à Béthanie. Peut-être un temps consacré par Jésus à l'enseignement de ses disciples.
Mais c'est bien parce que Jésus est le bon Berger, qu'il est celui qui permet d'entrer dans la vie donnée par le Père, et qu'il est le Fils qui fait Un avec le Père, que ce qui se passe ce jour là est possible. Jésus donne la vie à Lazare, mais il donne aussi la Vie aux deux sœurs, et cela provoquera sa mort.
Travail sur le texte
Il me semble que l'on peut découper assez facilement ce texte en plusieurs séquences.
La première séquence, versets 1-3, qui de fait suit directement le dernier verset du chapitre 10 où on nous dit que Jésus s'est installé au bord du Jourdain là où Jean baptisait, présente un homme, malade, ainsi que son endroit d'origine et sa famille - les deux sœurs - et l'envoi d'un messager qui demande à Jésus de venir sur place, ce qui est peut-être dangereux; mais que ne ferait-on pas pour quelqu'un que l'on aime, puisque c'est ce qualificatif qui est donné à Lazare.
La deuxième séquence, versets 4-15, rapporte la réaction de Jésus, celle de ses disciples, et la décision de répondre à la demande, mais en la différant.
La troisième séquence, versets 16-37, subdivisée elle-même en trois sous-séquences, rapporte l'épisode de Béthanie: dans un premier temps ce qui se passe là-bas; puis les rencontres, d'abord avec Marthe, puis avec Marie.
La quatrième séquence est centrée sur l'appel de Lazare, versets 38-41, qui revient à la vie.
Séquence 1: Description de ce qui se passe, et les demandes des sœurs.
1 Il y avait quelqu'un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
2 Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
Ce qui est étonnant c'est que ce qui est relaté là, au verset 2, ce qu'on appelle l'onction à Béthanie, n'arrivera que quelques semaines après. Je me suis demandée, si le rédacteur voulait apporter une précision, importante pour lui, surtout si on compare avec les récits parallèles des synoptiques et qui lui sont certainement connus, puisque très antérieurs à la rédaction de son texte. Il insiste sur le fait que c'est Marie de Béthanie, la sœur de cette Marthe qui a ouvert sa maison à Jésus dans l'évangile de Luc, qui est cette femme. Elle n'est pas une pécheresse, comme dans l'évangile de Luc (Lc 7,36-50), cette femme sans nom, qui s'invite dans la maison de Simon, un pharisien et qui répand du parfum sur les pieds de Jésus, et les essuie avec ses cheveux (ce qui est plus que difficile, car les cheveux ne sont pas poreux). Si Luc parle au chapitre suivant de Marie de Magdala, qui est une des femmes qui suit Jésus, et qui a été délivrée de sept démons, rien ne prouve qu'il s'agisse de la femme à l'onction. Le souci de l'évangéliste est très clair: celle qui a fait ce geste, qui s'explique très bien, c'est la sœur de l'homme relevé d'entre les morts, et qui pressent quel va être le destin de Jésus.
3Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
On peut bien imaginer un serviteur, envoyé par les deux sœurs, qui aborde Jésus en disant: Celui que tu aimes est malade. C'est un beau qualificatif. Et cela renvoie au berger qui aime ses brebis, qui les connait, et qui donne sa vie pour elles.
Comme ce qualificatif est aussi celui d'un des disciples de Jésus, celui que Jésus aimait, et que l'on dit parfois que cet homme est de fait chacun d'entre nous, alors ne peut-on entendre la suite de la manière suivante: nous sommes aimés, nous sommes malades, Jésus n'empêche pas le cours des choses, mais il nous relève et nous donne la vie, la vraie vie; il ne laisse pas la mort nous ravir.
Séquence 2: Centration sur Jésus et ses réactions en fonction de ce que disent les disciples.
4 En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
5 Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
6 Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait.
7 Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
Jésus est donc prévenu, et il affirme que cette maladie ne conduit pas à la mort, mais à la gloire de Dieu, et à sa gloire à lui. Si je me réfère au commentaire du Père Guy Delachaux, la gloire, c'est ce qui donne tout son poids à quelqu'un.
Jésus, en mourant sur la croix, montre que c'est l'amour qui donne tout son poids à un être. C'est cela sa gloire; et il montre aussi la gloire du Père, qui donne son fils au monde. Ce qui fait la gloire du Père, c'est cet amour qui est le don, plus que la gloire qui se rattache aux exploits accomplis, encore que ces exploits donnent à l'homme qui les réalise une autorité, un poids.
Jésus va déjà donner la mesure de son amour en ramenant à la vie celui qui est mort, et montrer aussi l'amour de son Père pour lui.
8 Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
9 Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ;
10 mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Inquiétude légitime des disciples, réponse de Jésus: qui est la lumière, et qui est avec eux; mais quand il ne sera pas là, alors peut-être trébucheront-ils. Et peut-être que ce "trébucher" évoque ce qui se passera au chapitre 13, car quand Judas sort, il fait nuit, et la nuit on trébuche. La lumière vient de Jésus; elle n'est pas en nous, elle nous est donnée.
11 Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer . »
12 Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
13 Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
Le verset 13, est un commentaire du rédacteur pour nous. Attention aux mots. Quels mots employons-nous pour parler de la mort, ou d'un mort? Il y a le "Il repose en paix", mais il y aussi "le disparu", "le défunt", "celui qui est parti", "qui n'est plus là". Ce qui est certain, c'est que pour les disciples, dormir, c'est plus ou moins une possibilité de guérison, sûrement pas la mort.
14 Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort,
15et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
16 Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
Jésus sait ce qu'il va faire; il sait, lui, que Lazare est mort, que son corps s'est endormi, et qu'il va le relever. Et il y a la petite note sur Thomas, qui montre qu'il est courageux et prêt à donner sa vie, ce que démentira peut-être la suite. Peut-être que Thomas est prophète, car c'est cet évènement qui va décider les autorités de passer à l'acte, et il est plus que probable que l'onction à Béthanie soit pour Judas la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Séquence 3: Jésus va à Béthanie.
Séquence 3-a: Description de ce qui se passe à Béthanie.
17 À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
18 Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –,
19 beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
20 Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison.
Comme dans la première séquence, le rédacteur brosse le tableau. Arrivée à Béthanie, quatre jours après la mort de Lazare; donc il ne s'est pas trompé, Lazare est bien mort. Il y a beaucoup de juifs qui viennent de Jérusalem, pour réconforter les sœurs. Et là, tableau un peu analogue à ce qu'on a lu chez Luc, on a Marthe qui est active et Marie qui ne bouge pas, alors qu'elle a bien dû entendre; elle semble prostrée et reste dans son chagrin. Deux attitudes, qui reflètent le caractère des deux sœurs.
Séquence 3 b. Jésus et Marthe.
21 Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
22 Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
Est-ce un reproche? Pour moi, oui, mais Jésus ne pouvait pas être là, si l'on suit la chronologie, car Lazare a dû mourir au moment de l'arrivée du messager, car même si on ne sait pas exactement où Jésus se trouvait, il devait être relativement loin de Jérusalem. Marthe est certaine que si Jésus avait été là, il aurait empêché la mort de son frère, mais maintenant, c'est trop tard; elle ne peut imaginer que Jésus redonne vie. Pourtant elle affirme que Jésus est en lien avec Dieu, et que Dieu l'exauce, quelle que soit la demande. C'est une affirmation de sa foi en Jésus. Elle est une brebis qui écoute la voix, qui la reconnaît et qui suit.
23 Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. »
24 Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
25 Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ;
26 quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
27 Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Jésus emploie un futur et pour Marthe c'est évident, mais maintenant il est mort, et l'attente peut sembler interminable, même avec la foi. Sauf que Jésus continue.
Il affirme qu'il est la résurrection et la vie, et que celui qui vit et croit en lui, ne mourra jamais.
Là, c'est un présent. Et cela, elle le croit, elle est passée du simple "croire que si Jésus demande quelque chose, cela lui sera accordé", à la certitude que Jésus n'est pas un saint homme, mais qu'il est celui qui vient dans le monde, pour donner la vie au monde. Il me semble que pour elle, c'est une véritable ouverture des yeux qui se produit. Elle voit en Jésus, celui qui le Sauveur. Et elle ne demande plus rien.
Séquence 3-c Jésus et Marie.
28 Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. »
29 Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus.
30 Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
31 Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Marthe veut, à mon avis, que Marie, fasse cette découverte, et elle lui dit que le Maître l'appelle. Marie alors se lève "rapidement" (ce qui pour moi évoque Marie, la mère de Jésus qui se met en route rapidement pour aller chez sa cousine Elisabeth), et va rejoindre Jésus. Les juifs venus pour consoler sont surpris qu'elle se lève; ils ne doivent pas savoir que Jésus était arrivé; un peu comme si cela la rencontre s'était passée à l'entrée du village, comme si Marthe attendait cette venue. Ceci pouvant évoquant Tobie qui attend le retour de son fils .
32 Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Même phrase que celle prononcée par Marthe, mais la posture des deux sœurs est différente. Dès qu'elle voit Jésus, elle se jette à ses pieds, et cela évoque ce qui se passe avec les femmes au matin de la résurrection. (Mt 28, 9) et elle parle ensuite. On peut imaginer que la phrase a dû être un peu hachée, puisqu'elle pleure.
33 Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé,
34 et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. »
35 Alors Jésus se mit à pleurer.
Là, ça pleure beaucoup, et pour Jésus cela se passe en deux temps: en son esprit il est saisi d'émotions, bouleversé. Puis une question, et cette réponse: "viens et vois", qui évoque ce qu'il avait dit aux tout premiers disciples qui demandaient où il habitait: venez et vous verrez. Peut-être qu'il anticipe aussi sa propre sépulture.
36 Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »
37 Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Toujours la division à propos de Jésus. D'un côté, on voit son émotion et on trouve cela beau, et de l'autre, ça ronchonne: il aurait pu se presser un peu, et éviter cela.
Séquence 4: au tombeau de Lazare.
38 Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Contrairement à ce qui se passera pour le tombeau de Jésus, la grotte est bien fermée, la pierre est en place, et Lazare dedans.
39 Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
40 Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
Si le nombre "quatre" renvoie à l'humanité (évolution qui va du minéral, au divin), alors c'est bien l'humanité en décomposition qui est là, et Jésus parle de cette gloire de Dieu, ce qui doit sembler incompréhensible à Marthe; mais Marie, elle, sait qui est en face d'elle. On a presque l'impression que Marthe s'oppose à l'ouverture de la grotte.
41 On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé.
42 Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
43 Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
Et là, c'est un présent: Jésus lève les yeux vers son Père (comme il le fera en Jn 17), et il affirme que ce qui se passe là, c'est la preuve qu'il est bien l'envoyé du Père. Et il peut crier d'une voix forte, lui qui pleurait peu de temps avant. Et c'est un ordre. Le but de ce signe, comme les signes précédents c'est que ceux qui sont présents croient que Jésus est l'Envoyé.
44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »
45 Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
C'est le relèvement, et comme toujours l'attention de Jésus aux petits détails: déliez-le, et laissez-le-aller. Peut-être désire-t-il que Lazare ait du temps pour lui, qu'on ne le lui saute pas dessus, qu'il puisse revenir à son rythme. On retrouve les mêmes linges que Pierre et Jean verront dans le tombeau de Jésus, les bandelettes et le linge sur le visage. Mais là tout est normal: le corps est bien là, alors que pour Jésus le corps ne sera plus là.
Il semble que ce qui se passe là provoque la croyance de beaucoup de ceux qui sont là. Croire en la résurrection de Jésus sera plus difficile, mais on peut lire dans tout ce texte, presque en filigrane, ce qui se passera quelques semaines plus tard, à Jérusalem.
Qui peut raconter?
Qui peut raconter? J'ai déjà fait raconter le texte par Marthe. Et utiliser les sœurs, cela ne permet pas de raconter ce qui se passe de l'autre côté du Jourdain. Faire parler Jésus, cela me paraissait impossible. Alors il reste, comme souvent, un disciple; ce qui peut montrer aussi les questions que cela soulève en lui, questions qui peuvent être les nôtres. J'ai choisi de le situer dans le présent de ce qu'il a vécu à ce moment-là. Il ne sait pas ce qui va advenir de Jésus, même s'il pense que sa mort est imminente. Il ne peut pas savoir non plus que c'est un des Douze qui le trahira.
Un disciple raconte
Une fois de plus, nous avons dû quitter le Temple et Jérusalem, car les Juifs voulaient l'arrêter, et peut-être même le lapider, car il avait affirmé que "le Père et lui font Un", et cela, c'est se faire l'égal de Dieu, un blasphème. Je me dis que parfois il les cherche, mais il veut leur faire comprendre, à ces brebis qui ne sont pas de sa bergerie, qu'ils devraient ouvrir les yeux, regarder ce qu'il fait et ne pas avoir la nuque raide.
Nous sommes partis de l'autre côté du Jourdain, là où Jean baptisait; là où il avait vu l'Esprit descendre comme une colombe sur Jésus et y demeurer, et où il avait dit à certains d'entre nous que Jésus était l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.
Je ne sais pas comment les sœurs de Lazare ont su que nous étions là-bas, mais elles nous ont envoyé un serviteur pour dire à Jésus que leur frère Lazare - ce Lazare que Jésus aime beaucoup ainsi que toute cette famille qui l'accueille toujours avec joie - était malade. Elles n'ont pas dit qu'elles désiraient que Jésus suive le serviteur, mais je pensais que c'est ce qu'il ferait. Au lieu de cela il a eu une phrase curieuse, il a dit que cette maladie ne conduisait pas à la mort, mais qu'elle était pour la Gloire de Dieu, afin que par elle le fils de Dieu soit glorifié. Je dois dire que je n'ai pas compris du tout ce qu'il voulait dire; sauf que toutes les œuvres qu'il fait, tous ces signes, sont la preuve de l'amour de Dieu pour nous.
Et nous sommes restés encore deux jours pleins sur place. Puis il a dit que nous allions retourner en Judée, ce qui, à vrai dire, ne nous a pas trop plu.
Nous savions que c'était dangereux pour lui, et nous le lui avons dit. Là il nous a répondu que quand on marche dans la journée, on ne trébuche pas, parce qu'il fait clair, mais que la nuit ce n'est pas pareil. Bon je veux bien, mais qu'est -ce que ça veut dire?
Peut-être que cela se relie à ce qu'il a dit au moment de la fête de la Dédicace: qu'il est la lumière du monde. Et c'est sûr que lui, il voit clair et il sait ce qu'il fait.
Il a ajouté que Lazare s'était endormi, et qu'il allait le tirer de son sommeil. Toujours ces drôles de mots. Pourtant si Lazare dort, c'est bon signe. Mais une fois de plus, nous n'avions pas compris; il nous a regardés comme si nous étions un peu bêtes, et a dit que Lazare était mort.
Là je me suis bien demandé ce qu'il allait pouvoir faire, puisque c'était trop tard. Il a même dit qu'il était content que cela se soit passé ainsi, pour que nous croyions. Croire en quoi? Et là, Thomas, qui a pris un peu le rôle de chef, a dit qu'il y allait avec lui, même si c'était pour perdre la vie en même temps que lui; et nous sommes tous partis.
A l'entrée de Béthanie, on nous a dit que Lazare était mort depuis plusieurs jours; ce que Jésus nous avait dit. Je pense que Marthe a été avertie de notre arrivée, et elle est venue à la rencontre de Jésus tout de suite. Ensuite nous avons su qu'il y avait dans leur maison beaucoup de Juifs de Jérusalem, qui étaient venus pour les consoler. Marie, elle, n'avait pas bougé de la maison à ce moment- là.
Marthe a dit à Jésus que s'il avait été là, son frère ne serait pas mort. Cela, c'était évident, Jésus aurait empêché cela; sauf qu'il n'a rien fait, et qu'il n'est pas revenu avec le serviteur; je pense que Marthe lui en voulait peut-être un peu, mais ce qui est fait est fait. Elle a ajouté qu'elle était sûre que tout ce que Jésus demanderait à Dieu, Dieu le lui accorderait.
Cela c'est un peu curieux. Qu'est-ce que Jésus devrait demander à Dieu? Lazare est mort. Bon je sais que par le passé, le prophète Élisée a redonné vie à un petit garçon, mais c'était un enfant, ce n'est pas pareil.
Jésus lui a alors dit que son frère ressusciterait; mais de cela elle était convaincue: mais dans un futur que personne ne connaît, sauf le Tout Puissant. Puis Jésus a affirmé qu'il était, lui, la résurrection et la vie, et que celui qui croyait en lui, vivrait, même s'il meurt. Et que quiconque vit et croit en lui, ne mourra jamais.
Quelle phrase étonnante. Marthe a regardé Jésus comme si elle le voyait autrement, elle l'a regardé longuement avec des larmes dans les yeux. Elle, elle a compris, mais peut-être pas avec des mots, ce qu'il venait de dire, et elle a affirmé qu'elle croyait cela, et que lui Jésus était le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. Cela c'est ce que Jésus aimerait tellement entendre des pharisiens; qu'ils reconnaissent cela, mais eux, ils ne veulent pas.
Ils se sont regardés longuement. Nous, autour, nous étions muets. Puis Marthe est partie, et peu de temps après Marie est arrivée. Quand elle a vu Jésus, elle s'est jetée à ses pieds et lui a dit en pleurant que s'il avait été là son frère ne serait pas mort; la même phrase que sa sœur, mais elle, elle pleurait. Et Jésus s'est comme figé, et on voyait bien à quel point la peine de Marie le bouleversait. Avec Marthe ça n'avait pas été pareil; là il était ému, et ça se voyait.
Des amis de la famille étaient là aussi. Il a demandé où le corps avait été mis. On lui a a dit de venir et de voir; et là, il s'est mis à pleurer. Cela fait quelque chose de voir un homme pleurer; et lui il pleurait, il montrait combien il était triste, et qu'il ne pouvait pas se retenir.
Nous sommes tous arrivés au tombeau. Jésus a demandé qu'on enlève la pierre. Naturellement Marthe n'a pas pu s'empêcher de dire qu'il ne fallait pas, que le corps sentait mauvais. Elle n'avait pas compris pourquoi Jésus demandait cela, et nous non plus. On ne va pas voir un cadavre.
Ce qui s'est passé ensuite c'est inimaginable. Jésus s'est adressé au mort, il a ordonné à Lazare de sortir! Vous vous rendez compte; de se lever, debout, de sortir. Et Lazare est sorti, avec les pieds les mains entravés par les bandelettes et le suaire sur le visage. Nous étions pétrifiés, car ce qui se passait là, ce n'était pas une apparition, c'était bien le mort qui était revenu à la vie.
Jésus a alors parlé, il a dit de le délier et de le laisser aller. Oui, il fallait bien faire quelque chose. Sauf que personne n'avait trop envie de le toucher; mais il fallait bien le faire, et naturellement c'est Marthe qui l'a fait. Elle semblait tellement heureuse.
Nous nous étions vraiment sous le choc. Voir quelqu'un qui sort de son tombeau, cela fait peur.
Lazare est revenu dans sa maison, aidé par ses sœurs. Jésus a choisi de ne pas rester, car nous nous doutions que dès que les prêtres seraient au courant de ce qui venait d'arriver ils feraient tout pour tuer Jésus. Redonner la vie à un homme mort depuis quatre jours, jamais cela n'avait été vu en Israël et cela ne pouvait être que l'œuvre de Dieu.
Nous sommes partis dans la ville d'Ephraïm.
Que Dieu nous protège, car peut-être que les jours du Rabbi sont comptés.
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