vendredi, avril 14, 2006

Lavement des pieds et buisson ardent.

Catherine Lestang

jeudi 13 avril 2006 Jeudi Saint.


Réflexions matinales sur le lavement des pieds.

Quand Jésus lave les pieds des disciples il fait un geste bien différent du lavage des mains des pharisiens avant de prendre le repas, tout repas. Il enseigne quelque chose et il révèle qui Il est. Ce geste m’a fait penser à ce qui se passe pour Moïse: « enlève tes sandales car le sol que tu foules est saint » quand il s’approche de ce buisson qui brûle sans se consumer. D’une certaine manière, c’est ce qui va se passer pour Jésus qui semble brûlé par la passion, mais qui redevient autrement vivant après la résurrection. Jésus temple de la présence de l’Esprit est le buisson ardent.

Et ce qu’Il va créer au cours de ce repas, même si ce n’est pas rapporté par Jean, c’est bien aussi de donner quelque chose qui ne se consume (consomme) pas, qui d’une certaine manière ne se dégrade pas, qui demeure.

Le buisson ardent, c’était le signe de la « présence de YHWH », et ne pas se consumer est totalement en opposition avec les lois de notre univers. Pour Jésus il en va de même. Si on admet qu’Il se rend présent sous ces espèces du pain azyme et du vin, il est bien présence de Dieu parmi les hommes et le fait de la purification est une nécessité pour les humains que nous sommes. Mais là c’est Jésus qui initie le geste, ce qui change peut-être la donne. C’est Lui qui introduit dans un lieu où la vie est présente.

Pour en revenir à ce geste, il me semble qu’il délimite un dedans et un dehors ou un avant et un après. Pour pénétrer dans le dedans qui va être comme révélation de la présence de dieu (du divin), un geste est nécessaire. A la limite ce lavement des pieds est presque une sorte de baptême (d’ailleurs c’est ce que demande Pierre); le contact de l’eau, mais surtout de Jésus rend pur (comme le lépreux est purifié par le contact avec Jésus).

Avant de rentrer dans le sanctuaire, le saint des saints, le grand prêtre doit procéder à toute une série de purifications pour lui. Or Jésus n’a pas besoin de cela. Mais ceux qui seront ses lieu- tenants en ont besoin, même s’ils ne comprennent pas.

Ce geste accompli par Jésus renvoie au symbolisme de toute purification. Laver les pieds, enlever la poussière ramassée sur la route, les cailloux, nettoyer peut-être les blessures occasionnées par la marche. Cela peut aussi s’entendre comme « entrer en laissant dehors les scories de la vie », lâcher les préoccupations qui nous prennent la tête, à défaut des pieds. Il s’agit d’évacuer toutes ces préoccupations qui nous encombrent, tout ce faire, tout cet agir, qui nous remplissent en permanence, qui font comme une carapace rigide qui nous empêche de bouger, d’être vivants.

Mais il y a aussi les mots de Jésus pour commenter ce geste : « vous m’appelez maître et Seigneur et vous avez raison… vous devez vous laver les pieds les uns les autres ». Jésus qui a été le roi d’un jour en entrant à Jérusalem, affirme qu’il est à la fois maître (rabbi, savant, enseignant, initiateur, éveilleur) et Seigneur, c'est-à-dire Chef, lui qui est d’origine populaire, qui n’est pas oint par les autorités.

Et pour entrer dans cet autre lieu il faut être purifié par Lui, mais aussi renoncer aux prérogatives du pouvoir, du « être servi ».

Si l’on repense à la demande des fils de Zébédée juste après la transfiguration, c’est bien cela le désir caché des apôtres et le nôtre si nous sommes un peu objectifs! C’est peut-être aussi parce que Judas a compris que cela ne sera pas, qu’il se décide à partir, à trahir.

Alors une fois ce geste fait, la reprise du repas peut se faire, mais même si Jean ne le dit pas, la tonalité est autre, comme si c’était une autre table, un autre repas. Un repas c’est un partage. Ce repas là est par définition un mémorial. On va passer d’un mémorial de libération de l’esclavage en Egypte à un autre mémorial, une autre libération.

Il y a le partage du pain, le pain azyme; (pain du pauvre, du fuyard, rappel de la manne) et le partage de la coupe (sang répandu sur les linteaux qui permet à Israël d’échapper à la perte de sa descendance). Ce soir là, c’est comme séparé. Mais bientôt cela va être réuni dans un corps qui se donne et qui se vide, qui perd son esprit.

Le faire mémoire remplace le mémorial de Moïse. Mais cela ne devient réellement plénitude que dans l’après coup de la résurrection, où ce qui est séparé, mortel et signe de mort redevient vie.

Là l’important c’est que comme dans une sorte de testament Jésus donne une tâche, un "faire" à ceux qui sont ses frères. Et cela est facteur d’union, alors que la désunion est sur le point de se produire. Peut-être faut-il aussi pour rester un peu dans la problématique du buisson ardent, présence de Dieu parmi les hommes, prendre ce mémorial comme la réalisation de l’amour qui unit, qui donne vie, comme le pain et le vin (sang) qui vont devenir la nourriture permettant d’accéder au divin.

=========

Aucun commentaire: