mercredi, janvier 30, 2008

Les noms de Jésus dans l'Evangile de Marc


Les noms de Jésus dans l’Evangile de Marc.


En écoutant lors des eucharisties de semaine le début de l’évangile de Marc, j’ai été frappée par la manière dont Jésus se nomme quand il  parle de lui avec les pharisiens. Au moment de la guérison du paralytique il dit :  (Mc 2, 10) «  Et bien ! pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, je te l’ordonne .. ». Cette appellation Fils de l’homme que veut- elle dire ? Qu’est ce que Jésus (ou l’écrivain) veut-il signifier par ce titre, car c’en est un.


Bien entendu Fils de l’homme est bien proche de fils d’homme que l’on trouve à profusion chez Ezéchiel et aussi dans le livre de Daniel. Mais il me semble que c’est très différent. 


En effet dans le livre de Daniel il y a un être divin, qui est comme un fils d’homme, (qui en a l’apparence). Il s’agit donc d’une description d’un être d’un autre monde. Que nous puissions y voir le Fils de Dieu dans sa gloire, bien sûr, mais ce n’est pas ainsi que Jésus se nomme. Cette vision serait alors très proche de la vision inaugurale d’Ezéchiel 1,26. Cependant dans les représentations (si nous pouvons en avoir) de ce que serait la venue de Jésus, c’est bien un homme, un fils d’homme mais aussi un Dieu qui serait présent. Fils de l’homme et Fils d’homme sont très proches l’un de l’autre et on peut se poser la question si de fait fils de l’homme n’est pas une figure de Fils de Dieu, de Dieu qui prend corps et chair.


Quant au livre d’Ezéchiel, c’est en fait ainsi que lui, le prophète est appelé par l’Ange qui lui apparaît tout au long de livre. Il ne porte pas de nom, mais dans l’univers des visions et des ordres qui lui sont donnés, il devient simplement fils d’homme. Un peu comme si une espèce supérieure s’adressait à une espèce inférieure, sans même se soucier de son nom. Un peu comme si c’était « Et toi là-bas, voilà ce que tu dois faire ». Jésus en prenant chair devient Fils d’homme, un parmi d’autres (comme dirait Denis Vasse).


Pour moi, Fils de l’homme renvoie aussi à une lignée, à un engendrement. Or les généalogies de Jésus renvoient bien à une origine : Fils d’ Adam fils de Dieu Lc 3,38....


Cette première réflexion m’a alors renvoyée à ce que nous entendons comme la malédiction contre le serpent dans le livre de la Genèse : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon ». Gn 3, 11. Peut-être est-il possible de considérer Jésus comme l’héritier de ce lignage, comme celui qui pourra écraser le mal mais qui, sera cependant mordu, empoisonné par ce serpent symbole de la perversion et de la convoitise.


Peut-être s’agit-il dans un autre registre de la nécessité dans cette première communauté qui écoute les enseignements de Pierre, de signifier encore et toujours que Jésus, le Messie est pleinement homme et pleinement Dieu. Si Paul insiste autant sur la divinité de Jésus, peut-être que ce « fils de l’homme » est indispensable pour éviter une (future) hérésie, d’insister sur la pleine humanité et la pleine divinité de Jésus, le messie, le sauveur.


Je me suis dit qu’il serait peut-être intéressant dans ce même évangile de rechercher quels sont les noms donnés à Jésus. J’ai fait une recherche sur « fils de » et les occurrences sont nombreuses. J’ai essayé de faire une sorte de classification. Je regarderai d’abord les noms qui sont donnés à Jésus par tel ou tel personnage, puis les noms que Jésus se donne à lui-même quand il doit se justifier par rapport aux pharisiens, quand il enseigne ou quand il parle à ses apôtres pour les préparer à ce qui doit arriver.



1- Les noms attribués à Jésus.


1-1  Quand Dieu se manifeste, il l’appelle « son fils bien aimé ». Il s’agit là du baptême Mc1,11 : « Tu es mon fils bien-aimé tu as toute ma faveur » et de la transfiguration. La divinité est proclamée.  Marc 9, 7 Et une nuée survint qui les prit sous son ombre, et une voix partit de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le». Ce terme-là fait écho pour moi à ce qui est dit à Abraham quand il croit qu’il va devoir immoler son « fils unique, celui qu’il chérit » Gn22,2. Si on admet que la montagne où Isaac devait trouver la mort est un lieu élevé en dehors de la ville, comme le Golgotha, mais qui est au dire des rabbins un lieu de connaissance, presque d’initiation, cette phrase est très prophétique. 

 

1-2 Les Esprits »impurs » aussi l’appellent « Fils de Dieu ». 

Mc 1,24 « Et aussitôt il y avait dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur, qui cria en disant : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es le Saint de Dieu. »

etMc 3 11 Et les esprits impurs, lorsqu'ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient en disant : « Tu es le Fils de Dieu ! »


Cette reconnaissance par des « puissances dites infernales» opposées à la présence de celui qui est appelé à les dominer, montre la puissance de ce Jésus, et le « pont » qu’il établit entre les différents mondes : le bas, la terre et le ciel. Or si on reprend la genèse, il existe de fait une coupure radicale entre le monde terrestre et le monde où réside la Sainteté de Dieu. Qui rouvrira la porte ? 



1-3 Les contemporains de Jésus.


1-3-1 L’écrivain de l’évangile et le centurion


Mc1,1 «  Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». Ceci est une manière très concise de résumer la teneur de ce livre. On dit que ce titre donné d’emblée n’apparaît qu’à la fin de l’évangile, comme pour le fermer, avec la reconnaissance de centurion : Mc 13,39. « Voyant qu'il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s'écria : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ! »

 

Mais ce qui m’étonne, mais peut-être est-ce un problème de traduction c’est que Fils de Dieu n’est pas Le Fils de Dieu. Il me semble que l’empereur était par excellence « Fils de Dieu » donc que le centurion à sa manière reconnaît le titre de roi de Jésus, sans pour autant le reconnaître comme le fils du Dieu de ce peuple juif. Mais il reconnaît sa divinité ce qui renvoie aussi au travail d’évangélisation de Paul auprès de toutes les nations .


On peut aussi penser que le but de l’écrivain est bien de faire découvrir à ses lecteurs et à ses auditeurs, que tout ce qui est écrit, va montrer que cet homme, mort et ressuscité est bien le Messie attendu, et surtout le Fils.


 1-3-2L’aveugle de Jéricho. 


Mc 10,47-48.  Quand il apprit que c'était Jésus le Nazarénien, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! »Et beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence, mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » On est dans un temps qui se situe entre la transfiguration et l ‘arrestation, en un lieu qui est encore aujourd’hui pour les pelerins le début de la monté à Jérusalem. La royauté davidique est ici affirmée. Et si on reprend la phrase du psaume 2 : « tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui », on est dans l’affirmation de la filiation divine . Peut-être est-ce important qu’un « non-voyant » puisse voir qui est derrière ce guérisseur qui va être mis à mort et qui va revenir à la vie ; mais d’une manière radicalement différente.

 

1-3-4Le grand prêtre

Mc 14, 61-62.  «  Mais lui se taisait et ne répondit rien. De nouveau le Grand Prêtre l'interrogeait, et il lui dit : « Tu es le Christ, le Fils du Béni ? » Jésus lui répondit : Je le suis et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel». Ici on peut penser au Fils d’homme de Daniel. L’affirmation de la divinité est tellement forte que le grand prêtre déchire ses vêtements et le condamne pour blasphème. 



2 Ce que Jésus dit de lui.


2-1Au début de l’évangile

Dès le chapitre 2, Jésus essaye de faire comprendre qu’il n’est pas un simple guérisseur, un nouveau prophète, mais quelqu’un d’autre, quelqu’un qui a en lui une puissance que personne n’a jamais possédé, ni Abraham ni Moïse. Une puissance qui est oeuvre de Dieu en Lui. Marc 2,10 « Eh bien  pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre,je te l’ordonne dit il, ... ». Passage que je rapprocherai de la tempête apaisée : quel est-il celui-là que la mer et le vent lui obéissent...Mc4,41


En pardonnant les péchés il affirme sa divinité ce que les scribes veulent pas entendre. Il pourrait se dire Fils de Dieu (mais parfois ce qui n’est pas dit à plus de poids que ce qui est dit ou écrit). Il se proclame « fils de l’homme ». veut il ainsi montrer ce qu’il advient de l’humain quand il est en lien permanent avec le Divin .


Puis c’est la controverse des épis arrachés : Mc2,14 « En sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat. Le Fils de l’homme quand il est lien intime avec Dieu peut se permettre non pas de transgresser mais de redonner sa dimension de vie aux prescriptions et commandements mosaïques. 

 

2-2 A partir du chapitre 8


la centration à partir de ce chapitre qui est le pivot de l’évangile de Marc, montre qu’il y a à la fois une actualisation du 4° chant du serviteur (Is 53) et des annonces du futur que sera celui de ce fils d’homme une fois qu’il sera ressuscité.


2-2-1 : la réalisation des prophéties


Marc 8, 31 « Et il commença de leur enseigner : « Le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter ;


Mc 9,12 Il leur dit : « Oui, Élie doit venir d'abord et tout remettre en ordre. Et comment est-il écrit du

 Fils de l’homme qu'il doit beaucoup souffrir et être méprisé ?


Mc 9, 31 « Car il instruisait ses disciples et il leur disait : « Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront, et quand il aura été tué, après trois jours il ressuscitera. »


Marc 10, 33 « Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens »


Mc 10 , 45 Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »


Mc 14 ,41.  Une troisième fois il vient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C'en est fait. L'heure est venue : voici que le Fils de l'homme va être livré aux mains des pécheurs.


Marc 14 ,21 « Oui, le Fils de l'homme s'en va selon qu'il est écrit de lui ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître ! »


2-2-2 Une vision eschatologique


l’appellation Fils de l’homme, dans ces versets montre bien que dans le futur le jugement appartiendra comme à YHWH à Jésus qui sera l’égal de Père.


Mc 8 , 38 « Car celui qui aura rougi de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi rougira de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »

 Mc 9, 9 « Comme ils descendaient de la montagne, il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, si ce n'est quand le Fils de l'homme serait ressuscité d'entre les morts. »

Marc 13,26 « Et alors on verra le Fils de l'homme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire. »

Marc 12,35 « Prenant la parole, Jésus disait en enseignant dans le Temple : « Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David ? » Jésus est dans le temple, bien près de sa passion . Ce passage me semble être dans la pure tradition rabbinique ce qui explique la finale : et le peuple l’écoutait avec plaisir (peut-être parce qu’il rive son clou aux scribes avant d’être rivé par eux sur la croix).

Mc 13,32 « Quant à la date de ce jour, ou à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le Père ».Il y a ici dans ce monde des choses que le Fils ne connaît pas, mais qu’Il connaîtra dans la suite des temps .


En guise de conclusion.

D’abord une question. Pourquoi Jésus parle-t-il de lui à la troisième personne? Pourquoi ne dit-il pas Je ? Peut-être est-ce pour affirmer solennellement qu’il n’est pas ce qu’il semble être, Jésus le fils de Marie, le frère de Jacques ?Mc 6,3. Il se démarque aussi vigoureusement de la lignée des prophètes, il n’est pas un porte-parole, il est la parole.


En creusant un peu ces titres que Jésus reçoit ou se donne, il me semble bien que ce qui est affirmé sous ce « fils de l’homme » c’est bien la divinité pleine et entière qui est la sienne, qui ne demande qu’à se manifester. Cette origine « de Dieu » sera bien exprimée par Paul et les premiers chrétiens dans l’hymne des Philippiens( Ph2, 6-11)  qui sera ma conclusion: 


Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. 

S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! 

Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, 

pour que tout, au nom de Jésus, s'agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu'il est SEIGNEUR, à la gloire de Dieu le Père. 



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