samedi, décembre 13, 2014

Très brèves...

J'écris fort peu, et pourtant "ça" pense parfois en moi, mais de là à écrire, il y a un gouffre. Peut être que le silence est aussi une bonne chose. parfois j'aimerai sortir des mots qui se répètent, qui disent la même chose pour écouter autrement, être dans un ailleurs.

Quand je suis dans mon jardin, à ramasser des feuilles ou à essayer d'enlever des arbustes morts ou des souches, ça pense beaucoup en moi. Un arbuste qui avait été très "émondé" parce que les branchages étaient morts, est venu tout seul quand j'ai voulu l'enlever. Alors cela a commencé à me faire réfléchir sur le péché: peut être que avant de s'attaquer à la souche et aux racines, il est nécessaire de tailler ce qui peut l'être..

Voici quelques très brèves pensées.

1-Jésus sur la croix a eu une mort d'esclave, puisque du temps de romains seuls les esclaves mourraient ainsi. Or quand on voit la manière dont il se comporte avec Pilate, on ne peut pas dire qu'il ait un comportement d'esclave. Et pourtant il est mort comme cela, lui la source de la liberté.  Or nous, nous sommes des esclaves du mal. Car nous sommes dans un monde dans lequel le mal est omniprésent et même si nous ne faisons pas le mal ou du mal, combattons nous assez contre ce mal qui nous tient sous sa coupe (esclavage).  C'est pour nous libérer nous de cet esclavage là qu'il a donné sa vie. En redevant vivant et transfiguré, il nous permet de devenir des hommes libres, libérés.

2- J'ai lu que l'épître aux hébreux aurait eu pour but, d'ajouter un titre à Jésus: celui de" Grand Prêtre".  C'est d'ailleurs le faire l'égal de Moïse ou le nouveau Moïse, le nouveau libérateur. Le Grand Prêtre c'est celui qui offre des sacrifices à la fois pour purifier les hommes salis ou souillés pas leur péché, de manière à ce qu'ils ne meurent pas (conception d'un dieu vindicatif), mais surtout en adressant à Dieu ce sacrifice de faire que ce dernier vienne visiter son peuple, qu'Il soit là avec nous (Emmanuel) qu'Il soit présent. Le sacrifice d'une certaine manière fait descendre Dieu de son ciel pour aller vers l'homme. Or comme Jésus c'est Dieu présent, je ne pense pas qu'il ait besoin de ce titre de grand-prêtre.

3- Le péché. Il y a en nous du mal, parce que dans tout être humain, il y a de l'agressivité qui lui a permis de survivre alors qu'il était relativement mal loti par rapport à certains animaux. Mais l'agressivité conduit à la convoitise, à la destruction, au désir d'asservir l'autre, à ces pulsions qui sont en nous et que nous sommes censés apprendre à maîtriser. Ce mal je le vois comme une souche avec des racines. Pour faire mourir la souche, il y a deux possibilités: attaquer les racines, mais cela est très difficile et dans la parabole de l'ivraie, la tige est coupée mais la racine reste en terre, ou couper les surgeons dès qu'on les voit. Et cela, je pense qu'on peut le faire et ceci permet à la souche d'une certaine manière de perdre de sa vigueur, de s'étioler. De ce fait ce qui est de l'ordre de l'humain en nous est moins étouffé par ce mal que nous ne pouvons nier et petit à petit il devient moins envahissant.

lundi, octobre 06, 2014

Compassion miséricorde et tutti quanti...

La célébration de ce jour: Notre Dame des douleurs, autrefois Notre Dame des 7 douleurs. Bon jusque là ça va, c'est une fête qui suit "L'exaltation de la croix" du 14 Septembre. Donc d'abord le Fils et après la Maman.

Le texte de l'évangile (en fonction des années il y en 2 au choix) Jean 19,25: "25Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie du village de Magdala. 26Jésus vit sa mère et, auprès d'elle, le disciple qu'il aimait. Il dit à sa mère : « Voici ton fils, mère. » 27Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et dès ce moment, le disciple la prit chez lui. 


Ce texte là, on le connait par coeur, mais il est intéressant de noter que Jésus s'adresse d'abord à Jean puis à sa mère, ce qui a surement son importance. Ces paroles font de Marie non plus la mère d'un seul, mais la mère de tous. Jusque là pas de problèmes. Marie se retrouve sans mari et sans fils, son fils est condamné à mort comme un brigand, donc pas évident que la famille veuille se charger d'elle, alors Jésus met le disciple dans la position de celui qui reçoit les dernières volontés et qui ne peut donc se défiler.


Seulement là où j'ai commencé à ruer dans les brancards c'est quand les oraisons et les commentaires sur ce texte parlent de la compassion de Marie pour son fils, puis pour nous. Qu'elle ait de la compassion pour nous, cela ne me dérange pas, du moins dans la mesure où ce mot a été un peu (beaucoup) vidé de son sens, et renvoie à de la tristesse, de la pitié, de la désolation. Mais de la compassion pour son fils, alors là non. Quelle mère peut voir son garçon à elle, son premier né, couvert de sang, bouffé par les mouches, tout nu (il faut voir les choses telles qu'elles étaient), sans avoir envie de hurler, de pleurer, de souffrir de sa souffrance à lui qui devient sa souffrance à elle. Qui d'entre nous quand il a un de ses enfants qui est affronté à certaines souffrances ne sent pas ses entrailles se tordre de douleur et j'imagine la tête de l'enfant en question si sa mère ou son père lui dit qu'il a de la compassion pour lui.

Peut être que la dignité de Marie qui se tient là, debout, qui accepte, qui ne pleure pas  (mais nous n'en savons rien et c'est peut être justement les larmes de Marie qui poussent Jésus, alors que c'est difficile de parler quand on subit la crucifixion, de prononcer ces deux phrases pour qu'elle ne soit pas abandonnée) alors qu'elle vit bien la prophétie de Syméon: le glaive qui lui transperce le coeur, permet de la comparer à une autre mère juive: la mère de 7 frères mis à mort à l'époque de la tyrannie des grecs, ou d'en faire une sorte de déesse, mais la dignité est une chose, la douleur qui vous déchire en est une autre et la compassion une manière bien édulcorée de décrire la mise à mort de Marie, parce que c'est bien de cela aussi qu'il s'agit.

Alors oui, ce mot de compassion, employé un peu à toutes les sauces, alors que le grec veut dire: pris aux entrailles, il m'exaspère. Je ne veux pas de la compassion, je veux être aimée, je veux que ma souffrance soit entendue, je ne veux pas être un objet de compassion, parce que je suis le sujet de ma douleur, de ma souffrance. Ce mot que pourtant j'aime employer quand je prie pour les personnes que je côtoie sur internet et qui ont été détruites par leurs parents et qui continuent chaque jour d'être la proie de difficultés innombrables oui j'ai de la compassion pour elle, oui je suis dans la mesure de mes moyens présentes pour elles, mais ce que je peux ressentir n'a rien à voir ce que je pourrais ressentir si le mal ou le malheur touche un de mes enfants.

Alors ce mot, que l'on emploie trop facilement, qui est aseptisé je ne l'aime pas et aujourd'hui il m'a exaspéré, comme le mot miséricorde m'exaspère aussi. Là encore le sens premier de ce mot renvoie aux tripes (enfin coeur ), mais pourquoi faut il sans cesse remercier Dieu le Père pour sa miséricorde? Est ce qu'il ne sait pas que l'humanité est tirée de l'humus et que l'humus ma foi ça ne sent pas très bon ce n'est pas très propre, mais c'est comme ça. Sommes nous encore dans la terreur que Dieu d'un coup va se lever sur ses ergots et exterminer tous les hommes, alors que nous faisons cela tellement bien sans Lui?

Dire que Dieu fait miséricorde peut faire penser que nous sommes tous tellement nuls, tellement mauvais que notre sort est d'être jeté à la poubelle, d'être détruit par une divinité qui n'a qu'une envie : écraser cette sale engeance pour nettoyer la terre si belle qui devait un magnifique jardin.
Dire que Dieu fait miséricorde, c'est faire de nous des éternels pécheurs, des éternels coupables.. Sommes nous coupables d'exister?

Je pense ou j'imagine que tout être qui vient au monde a en lui, (et c'est peut être cela le message de la Genèse: crée à l'image et à la ressemblance) quelque chose qui lui permet de se relier à Dieu, d'écouter cette manière d'être au monde (évangile) et d'être en lien avec cette source. Mais sa liberté lui permet de se boucher les yeux et les oreilles, et de dire ce "moi je", de dire, "pas toi" et de se centrer sur lui en faisant parfois (heureusement pas toujours) des autres des objets. Quand on se rend compte que l'on s'est détourné, que l'on s'est cherché soi, alors oui quand on se retourne vers quelqu'un et quand on se rend compte qu'il est là, et qu'il attend et qu'il est heureux de ce retournement, alors oui, on peut parler de miséricorde, mais cette miséricorde là, elle n'est pas celle du créancier, elle est celle de l'amoureux ce qui est bien différent. 

Alors oui, on peut gouter cette miséricorde là et faire confiance à ce Dieu qui a donné son Fils pour montrer ce qu'aimer veut dire et jusqu'où ça peut aller.

J'espère que dans l'Au delà, il n'y aura plus de mots pour dire, il y aura des regards, et un langage nouveau, car ce langage là qui passe son temps certes à glorifier un Dieu si bon, si gentil, quelque part il dénature Dieu qui est au delà de toute expression, il l'enferme dans un tout bon alors que notre monde n'est pas tout bon que le Mal est là, que la mort qu'elle soit physique ou psychique ou spirituelle est là et qu'elle n'est pas vaincue.

Si la Gloire de Dieu c'est l'homme vivant, l'homme debout, alors cessons de nous flageller avec des mots et apprenons la confiance.

Le bon samaritain: Luc 10, 25-37: Et si Jésus était mon prochain?

Cette parabole a été interprétée comme nous le rappelait le célébrant par les pères de l'église, en mettant Jésus en lieu et place du samaritain, mais je me suis demandée parce qu'il y a dans le texte ce docteur qui veut mettre Jésus à l'épreuve (et cela on le retrouvera pas la suite dans les querelles à Jérusalem avec beaucoup de groupes ayant pignon sur rue), si on ne peut pas aussi regarder ce qui se passe entre Jésus et cet interlocuteur.

En Luc 9, 51, on nous dit que Jésus prend avec "courage" la route qui va à Jérusalem. Ceci certes indique le projet de Jésus, mais aussi le fait que sur ce chemin les choses ne vont pas forcément être faciles.

Dans la suite du récit lucanien au chapitre 10,  Jésus choisit les soixante douze, les envoie devant lui et quand ils rapportent ce qu'ils ont fait en son nom, il exulte de joie et bénit son père d'avoir révélé ces choses aux petits et de les avoir cachées aux sages et aux savants (peut être les pharisiens et les docteurs de la loi).

Est ce que cette phrase a vexé le docteur de la loi qui se trouvait là? C'est juste après cet épisode où Jésus dit à ses disciples de se réjouir parce que leurs noms sont inscrits dans les cieux (qu'ils sont sauvés)  qu'intervient la prise de bec entre  Jésus et ce Docteur de la Loi qui veut mettre Jésus à l'épreuve.

Cette mise à l'épreuve de Jésus, m'a fait vagabonder dans une autre interprétation: Jésus est certes vrai homme et vrai Dieu, mais comme tout homme il a besoin d'être aimé, de recevoir de la compassion. Or c'est peut être aussi cela qui va se passer si le regard du docteur de la loi change, s'il ne le considère plus comme un ennemi mais comme un proche.

SI le pharisien le met à l'épreuve, c'est bien pour pouvoir s'il échoue dans sa réponse, le traîner plus bas que terre, le jeter, le blesser, le dépouiller. Ce que je veux dire c'est que d'une certaine manière Jésus qui est sur la route qui va à jérusalem (route qui peut soit monter, soit en descendre), se fait attaquer par le pharisien qui est d'une certaine manière le brigand.

Simplement Jésus, avec sa manière bien à lui de ne pas répondre aux questions posées mais de faire parler son interlocuteur, le neutralise et c'est match nul si l'on peut dire.

Si le pharisien veut ensuite se justifier ou ou montrer sa justice (ce qui peut faire penser que quelque chose s'est passé à l'intérieur de lui) en posant une question surement rabbinique concernant un éclaircissement de ce mot d prochain,  c'est qu'il ne considère  plus Jésus comme un ennemi, mais comme un quelqu'un qui a quelque chose à dire et dont il accepte l'autorité ce qui n'était pas le cas.

Ce que je veux dire c'est que au dela de la parabole, quand Jésus dit "va et fais de même" je l'entends comme: fais de même envers moi, regarde par toi même, ne tiens pas compte de ce que disent les uns et les autres, et considère toi comme celui qui est proche de moi. En d'autres termes, "aime moi".

Puis jésus va chez Marthe et Marie qui sont des femmes qui l'aiment sans qu'il ait besoin de se justifier.

samedi, août 30, 2014

La parabole dite des talents: Matthieu 25, 14-30

Encore une parabole qu'on connait un peu par coeur, et avec le jeu de mot possible en français sur "talents" qui est à la fois l'argent laissé par le maître mais aussi nos capacités ou nos dons que nous sommes censés faire fructifier.

En repensant à ce texte ce matin, je me disais que le maître part en voyage (donc personne ne sait quand il va rentrer) et si le maître est une représentation du Dieu créateur, alors il est absent, il laisse sa terre et ses possessions. Cela ne veut pas dire qu'il s'en désintéresse, mais il n'est pas là, il n'est plus là et quand quelqu'un est absent, il peut se passer beaucoup de choses.

Mais comme il a laissé à ses serviteurs, à chacun selon ses capacités et je pense que cela est important, normalement, l'humanité (car on peut penser que ces serviteurs la représentent), va travailler à mettre en valeur ce qui a été donné.

Le fait que des sommes différentes soient données, évoquent aussi pour moi la parabole de blé jeté et qui en fonction de l'endroit où il tombe, peut ou ne peut pas donner du fruit, mais quand il est dans la terre, il produit.

Que se passe t il pour celui qui a reçu un talent? Le fait qu'il enterre cet argent pour faire comme s'il n'existait pas, comme s'il ne voulait plus y penser, c'est comme s'il enterrait le donateur avec. Il ne veut plus rien avoir à faire avec lui, il veut l'oublier, il veut vivre sa vie à lui sans tenir compte de l'autre (Autre). Faire fructifier le don, c'est rester en relation avec le donateur et c'est cela l'important, peu importe finalement le gain.

Ce que fait le mauvais serviteur, c'est en quelque sorte murer la petite source qui est en lui (qui est tout humain) et qui dit qu'il n'est pas que lui, mais qu'il est plus que cela parce qu'il est en relation avec l'autre, même si cet autre semble absent. Il met des pierres dessus, il devient sourd, (ce que Jésus reproche si souvent à ses auditeurs), il est dans son monde à lui, monde où il manque une dimension.

Et finalement c'est bien cela qui lui sera reproché. Ce n'est pas tant de ne pas avoir fait fructifier à minima cet argent que de l'avoir enterré en enterrant la relation sous prétexte que le maître est un homme dur et cupide. Tous nous avons (enfin quand je dis tous, je pense à moi) des représentations de Dieu qui sont des représentations de cet ordre (le Dieu Ogre dirait Marie Balmary) et ces représentations il est nécessaire de les tuer parce qu'elles nous pourrissent la vie. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Une fois ce travail fait, alors la petite source qui est en nous recommence à chanter, et c'est à nous de la laisser baigner notre terre pour qu'elle porte son fruit, même si nous ne savons pas très bien quel est ce fruit.

Certes le maître est en voyage, mais son fils est là, présent tous les jours et le don de l'Esprit permet d'être irrigué et de produire de la relation, de la présence, de l'amour.


lundi, juillet 28, 2014

"Prenez et mangez ceci est mon corps".

Dimanche le prêtre qui "donnait" la communion, -comme on dit ou comme on disait- semblait préoccupé par une seule chose: bien poser dans la main pour que "ça " ne tombe pas, du moins c'est que j'ai pensé, car pas le moindre regard de ce prêtre, simplement que ça ne tombe pas (ou que ce soit bien centré dans les mains).

En repensant à cela, je me suis dit que quand Jésus a institué ce rituel, il n'a pas demandé à ses disciples d'ouvrir le bec et de se faire nourrir par Lui. Non une fois de plus Il leur a demandé d'être actifs, de prendre puis de manger et qui dit manger dit quand même mastiquer, et non pas avaler.

Il en a été de même pour le vin partagé et que l'on se passe l'un à l'autre.

Alors je me suis dit que normalement, si on essaye de faire ce que Jésus a demandé, , le prêtre devrait tenir le plat contenant le pain consacré et nous, nous devrions avec nos petites patounes pas toujours bien propres, le prendre et le mettre nous même dans  bouche, pour que ce pain soit réellement nourriture..

J'ai lu quelque part que les rites de purifications qui existaient et qui existent chez les juifs, ne servent pas à nettoyer, (ce qui peut laisser à supposer que Jésus n'avait peut être pas les mains si propres que cela) mais à faire une espèce de coupure entre ce que l'on peut appeler le profane (le travail) et le sacré. il s'agit en quelque sorte de faire tomber ce qui se colle à  nous pour être réceptif au Dieu.

C'est quand on se décentre de soi pour se centrer vers Dieu que les mots peuvent prendre corps et le le pain et le vin deviennent signes de la présence de celui qui n'ayant aucune richesse a donné la seule chose qu'il avait: sa vie.

mardi, juillet 22, 2014

Dialogue avec mon corps.

Un certain nombre de mes lecteurs savent que je me suis fait poser une prothèse totale de hanche au mois de mars. Cette intervention a été un échec car la prothèse a glissé et j'ai été réopérée en mai. Depuis, quand je suis debout mes deux jambes appuient bien sur le sol, mais quand je les regarde, je ne peux que constater qu'il y a une différence de longueur entre les membres. Ma kiné parle du port d'une talonnette pour rééquilibrer le bassin.

Hier, au cours d'une promenade en montagne, je me suis rendue compte que cette jambe qui tire à gauche, qui a tendance à faucher c'est à dire à faire un mouvement non voulu qui la ramène de l'extérieur vers l'intérieur et qui me fait mal au genou, je ne l'aime pas. En quelque sorte je m'en veux, mais je lui en veux de ne pas répondre à mes attentes concernant cette prothèse qui devait me libérer des douleurs arthrosiques et d'une certaine manière reculer l'entrée dans la vieillesse.

Et puis d'un coup m'est venue l'idée que ma jambe, ce membre qui est à moi, si elle a mal au genou, c'est qu'elle aussi est en souffrance et que d'une certaine manière, j'avais à lui demander pardon de lui avoir fait subir ce qu'elle a subi. Après tout ce n'est pas rien que d'avoir une partie de soi sciée (la tête fémorale), d'avoir une partie meulée (le cotyle), et une espèce d'effraction par la tige fémorale qui est rentrée à la force. Alors pas étonnant qu'elle ait mal cette jambe, surtout si elle n'a rien compris, puisque finalement je ne lui ai rien expliqué.

Je sais que cela peut paraitre un peu débile, mais un membre c'est aussi un peu comme un enfant, et il a besoin de comprendre ce qu'on lui fait et pourquoi on lui demande de vivre cette violence, car cette intervention, elle est violente.

Alors oui, j'ai demandé pardon à ma jambe de lui avoir vivre ça. Avec l'idée que bien sûr elle allait comprendre et me pardonner; c'est un peu la position de l'adulte qui a puni injustement son enfant. C'est à lui de faire les premiers pas.

Et je me suis aussi rendue compte que cette jambe que je ne maîtrise pas, qui vit sa propre vie si on peut dire, je lui en veux et que je la considère un peu comme "méchante". Or un enfant qui est "méchant", il vit dans la peur et il est tout le temps sur la défensive. Que va t il lui arriver, et de ce fait il est dans un contraction permanente. Alors j'imagine que le fait de parler à ma jambe, d'entendre se douleur sans lui en vouloir, de comprendre que les mouvements qu'elle fait ne sont pas là pour m'ennuyer mais pour l'aider elle, cela ne peut que produire de la détente. Elle a le droit d'être comme elle, et peut être que la détente pourra changer quelque chose.

Alors durant cette balade qui a quand même l'un dans l'autre duré près de 2 heures, j'ai parlé à ma jambe. Quand elle avait mal, j'essayé de changer de trajectoire. En fait c'était presque drôle parce que comme je marche à un rythme assez lent, il y avait la prière de Jésus qui rythmait en quelque sorte la marche, et puis des paroles à ma jambe, pour lui dire merci de me porter, d'être là, et de faire ce qu'elle peut.

Je suis rentrée fatiguée mais contente et curieusement la cicatrice s'est mise à parler, comme si quelque chose se passait enfin à ce niveau là. Comme si le creux allait pouvoir se combler un peu, bref comme s'il se passait quelque chose, comme si ça dialoguait entre la jambe et moi, un vrai dialogue.

Il m'a semblé que l'écart entre les deux jambes (qui se voit quand je suis couchée ou assise)s'était partiellement comblé et surtout que quelque chose s'était passé au niveau su dos, comme si une contraction permanente avait cédé et que l'écart était plus dû à une posture de contraction qu'à une réelle inégalité.

Si je pousse ma réflexion un peu plus loin, et là je parle uniquement pour moi, quand j'étais petite, quand j'avais mal quelque part, cela entraînait presque toujours un déni de la part de ma mère, et j'en ai déduit que je n'avais pas le droit d'avoir mal, et que avoir mal c'était être méchant.

Et cela influe sur mon comportement vis à vis de la douleur, vis à vis de mon corps quand une partie de lui est douloureuse.

Alors je crois que au lieu de s'en vouloir d'avoir quelque chose qui dysfonctionne dans son corps, il est impératif de ne pas s'en vouloir, de ne pas considérer cette partie de soir comme méchante, mauvaise, parce que cela ne fait que renforcer la contraction et la donc la douleur.

Apprendre à aimer cette partie là, lui expliquer ce qui se passe (quand on le sait ce qui n'est pas toujours le cas), la considérer comme un petit enfant qui besoin de réconfort et non d'injures (il est déjà assez injurié au sens anglais du mot, offensé par ce qui lui arrive), me semble être aujourd'hui la meilleure chose possible pour une guérison.

Car hier en rentrant, pour la première fois j'ai eu la sensation que ma jambe était guérie, que je sortais enfin de la  maladie pour entrer réellement dans la convalescence.

Bien sûr je ne suis pas plus royaliste que le roi et je vais continuer à prendre des anti inflammatoires, parce que malgré tout la marche en montagne est autrement plus difficile que la marche dans le petit bois derrière chez moi, mais je sais que je vais tenir compte des réactions de ma jambe et la regarder comme partie à part entière de moi. Ce n'est pas parce qu'on a mal quelque part, que l'on est incapable, nul, méchant et bon à mettre à la poubelle. Cela ce sont des fausses croyances dont il est nécessaire de se débarrasser pour que le corps même malade puisse accepter ce qui se passe sans se contracter sans se mettre quelque part en boule au fond de lui.

Il est alors possible de le bénir ce corps, c'est à dire de le considérer comme bon et d'appeler du bon sur lui et de cesser au fond se soi de le maudire, parce que spontanément c'est bien ce que je (nous) faisons, compte tenu bien souvent de notre enfance.

samedi, juin 14, 2014

Pauvre Elie

Les lectures de cette semaine (1Roi 17-19) racontent l'histoire du prophète Elie, ce prophète qui provoque une famine en Israël sans que Dieu lui en ait donné l'ordre, et qui sera nourri par son Dieu tout au long de sa vie, que ce soit après avoir déclenché la famine ("va au torrent de Kerrit, tu pourras t'y désaltérer et un corbeau t'apportera à manger tous les jours"), puis "va à Sidon et là une veuve prendra soin de toi", et enfin sur la route qui mène à l'Horeb (il reçoit une galette alors qu'il veut mourir).

Qu'Elie ait la trouille après avoir trucidé les 450 prêtres de Baal qui sont les représentants de la reine, il y a de quoi. Qu'il ait envie de mourir, cela se comprend.

Seulement voilà, quand son Dieu qui a fait revenir la pluie et qui lui dit de se tenir devant lui, lui annonce qu'il doit oindre un roi pour la Syrie et un roi pour Israël, et enfin un prophète, je pense qu'il n'a pas dû être ravi. Car demander la mort est une chose, mais savoir que l'on va oindre son successeur est tout à fait autre chose, et cela peut expliquer la manière dont il va traiter Elisée tout le temps où ce dernier sera "à son service".

Ce que je veux dire, c'est que demander la mort, voire même avoir envie de se suicider c'est une chose. Apprendre à ce moment là par exemple que vous avez une maladie létale, change complètement les choses car là vous ne décidez plus rien; et c'est bien ce qui est arrivé à Elie. Certes Dieu semble l'avoir entendu, mais ce qu'Elie souhaite c'est la ruine de la maison d'Israël et de la reine Jézabel, pas forcément sa disparition à lui.

Maintenant peut être que l'enlèvement miraculeux d'Elie sur ce char de feu est là pour nous faire comprendre que les chemins pour aller vers Dieu sont différents d'une personne à l'autre et qu'Elie, ce prophète du feu, a eu une fin à son image et digne de lui.

dimanche, juin 08, 2014

Pentecôte 2014: réflexions brèves

La lecture des actes entendue ce matin, c'est la traduction "liturgique" donc ma réaction est liée à cette traduction:"Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent  coup de vent: toute la maison où ils se tenaient en fut remplie".

Car bien sur ce que j'ai entendu n'est pas intégralement ce qui a été lu... Pour moi, le vent si violent soit il ne remplit pas une maison. Il peut la faire trembler sur ses fondations, il peut ouvrir portes et fenêtres, il peut siffler, mais il ne remplit pas la maison. Pour moi ce qui peut remplir une maison ce sont en premier les odeurs, les bruits, mais surtout les odeurs. Et du coup ce vent est devenu pour moi "odeur" du Christ, parfum, et c'était du doux, du la présence et non plus du violent, du brutal.

Et c'est peut être comme cela que je ressens le Souffle de l'Esprit, même si  par moments comme un vent violent il peut agiter pour faire sauter ce qui doit partir, pour faire de la place, pour remodeler, mais avant tout ce serait une odeur qui est signe de la présence de l'Autre.

Quant à la lecture de l'Evangile, j'ai entendu "le premier jour de la semaine". Or dans la Genèse, le premier jour, c'est le jour de la "création" c'est le jour où l'Esprit de Dieu tournait sur les eaux, et c'est le jour où par la séparation tout se met en place, c'est le jour de la Lumière. Alors ce premier jour de la semaine, c'est le jour où Jésus remplace la peur qui tenaillait ses disciples par la paix, c'est le jour où il remplace la tristesse par la Joie, c'est le jour où par son Esprit répandu il donne La vie et le pouvoir de délier du péché et du mal. Ce jour où il se montre vivant, c'est bien le jour de la création du nouveau monde: car l'ancien monde s'en est allé (Apoc 21, 4), même si ce n'est pas toujours facile d'ouvrir les yeux autrement. Mais c'est peut être aussi le travail de l'Esprit donné.

dimanche, mai 04, 2014

Disparition

J'ai lu il y a quelque temps un roman policier qui se passe en Islande, pays au climat "violent" et dans lequel on retrouve le héros de la série, qui a autrefois "perdu" son petit frère dans une tempête; Quand je dis perdu, c'est au sens fort, car cet enfant n'a jamais été retrouvé, malgré toutes les battues possibles et imaginables. 

Dans ce même roman, il y a aussi un autre personnage qui a disparu sans laisser de trace. Est elle morte, s'est elle sauvée pour faire une nouvelle vie? On ne le saura qu'à la fin du livre. 

Mais ce qui m'a donné du grain à moudre, c'est que lorsque que quelqu'un meurt, il est très important de voir le corps, de faire ce qu'il faut pour cette dépouille, et ne pas pouvoir le faire complique énormément les choses. On dit que le deuil est impossible. Mettre quelqu'un en terre, c'est savoir où il est.. Une disparition en mer reste d'après ce que je sais quelque chose d'insupportable pour une famille. Comment lui rendre les derniers hommages comme on dit. 

Alors cela m'a ramené à ce matin de Pâques où les femmes viennent justement pour s'occuper du corps, pour pouvoir peut-être lui redonner une apparence humaine à cet homme mis en pièce par le fouet, par la couronne d'épines, par les clous, par la lance. Et de corps il n'y en a pas, et je pense que cela a dû être affreux pour elle. Si Marie -Madeleine, dit au jardinier "dis moi où tu l'as mis et j'irai le chercher", c'est bien que cette absence de corps est de l'ordre de l'insupportable. 

Il y a bien la phrase d'Isaïe: là où est le corps, là se rassemblent les vautours..D'accord il y a des anges là où était le corps, mais de corps il n'y en a plus.

Et pourtant il y a bien un corps, mais lui aussi est appelé à disparaitre pour devenir autre. Je veux dire que quand le soir du repas avec les Apôtres, Jésus dit: ceci est mon corps, le pain devient signe de la présence, de sa présence, or ce pain une fois en nous, il est appelé à disparaître, à se transformer (ou à nous transformer). Il en va de même du vin, il est signe du sang versé, il fait mémoire de l'Amour, mais il est absorbé par nous, il disparait. 

Alors il me semble que ce qui se passe depuis la Résurrection c'est que comme pour les disciples d'Emmaüs, dès que le Corps est là, et dès qu'il est reconnu  (et je pense que le coeur brulant était le signe de la présence du Souffle de l'Esprit, de l'Amour qui dilate et qui ouvre), Jésus est à la fois là et pas là. Il ne se laisse pas "attraper" (le vent souffle, tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va), et que ce symbolisme entre Présent/ Absent , montre bien que ne pas mettre la main sur Lui, permet justement de garder vivant le désir de le suivre, tout en sachant que mettre la main sur Lui n'est possible et que c'est cette alternance de présence et d'absence qui permet parce qu'il y a du vide que l'Esprit Saint là pour révéler ce qu'il en est de la Gloire du Fils dans le Père, Gloire que nous sommes appelés à partager. 

Les rituels liturgiques permettent alors de vivre cette Absence qui pourtant est Présence pendant certains temps. 


lundi, mars 31, 2014

Parfois je hais Facebook. A propos d'une folle soirée....

Je connais par le biais de Facebook un certain nombre de personnes qui ont des vécus qui quand on les connait un peu (ou quand on les devine au travers de ce que ces personnes racontent) donnent froid dans le dos.

Les événements qu'elles ont vécu restent actifs dans leur vie, ce n'est pas derrière (et je me demande d'ailleurs si c'est possible) et se traduisent aussi par des symptômes regroupés sous les initiales TCA (Troubles Alimentaires du Comportement) que ce soit l'Anorexie (impossibilité d'avaler quoique ce soit, d'une part parce que cela fait grossir, mais aussi parce que les odeurs sont insupportables) ou la Boulimie (qu'elle soit accompagnée ou non de vomissements).

Beaucoup de mes  "amies" Facebook vivent cela en ce moment et l'anorexie cela conduit à l'hospitalisation, à l'alimentation par gavage, à des prises de médicaments, etc etc. Pour chacune d'entre elle, ces troubles ont des origines différentes, mais elles renvoient toujours me semble t il à un désir de ne pas exister, parce qu'il n'y a pas eu des bras ou des regards pour vous dire "tu as du prix à mes yeux, je t'aime, tu as du poids pour moi".

Hier soir, je me suis trouvée "happée" par plusieurs personnes qui attendaient je ne sais pas quoi de moi, parce qu'elles étaient inquiète et que j'aurais dû trouver les bons mots pour les sortir de cette horreur, car c'en est une.

Le problème c'est que je n'ai pas 6 ou 8 mains, qu'il me faut du temps pour réfléchir et ne pas écrire n'importe quoi, que souvent quand j'ai plusieurs conversations à la fois j'oublie de cliquer pour envoyer et que finalement je ne suis pas la déesse hindoue aux multiples bras et que je refuse de laisser happer par ces demandes qui demandent du temps et de la réflexion.

De plus, une de mes amies avec laquelle j'ai l'habitude de passer du temps tous les soirs s'est rendue compte que j'étais bouffée par d'autres, qu'elle s'est sentie ne plus avoir de valeur pour moi puisque les autres prenaient sa place (même si c'est faux car je pense que mon coeur est assez grand pour pouvoir contenir beaucoup de personnes) et à manifester sa souffrance en me montrant une identité de petite fille en colère contre cette maman qui lui "ment" en lui ayant fait croire qu'elle comptait.

Je pense que ces amies que je connais par le biais du virtuel, ont un infini besoin de reconnaissance, que dès qu'elles ont la sensation de ne plus être reconnues, elles retrouvent ce qu'elles ont toujours vécu, à savoir être un objet que l'on jette.

Alors j'ai décidé que je mettrai des limites. Je suis ce qui je suis, je fais ce que je peux, mais je ne peux pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. Je ne me ferai plus manger et tant pis si on pense de moi que je suis égoïste.

Après le repas, je resterai en véritable contact avec celle qui s'est mise en colère hier soir parce qu'elle a vécu un abandon et je ne mènerai pas plus de deux vraies conversations.Je ne dis pas que je ne répondrai pas aux autres, mais juste pour dire que j'ai lu.  Ce sera comme cela et pas autrement.

Dans la journée c'est différent et comme je l'ai dit aussi haut et fort, ce système de messagerie privée, c'est de la folie. Les mails permettent de faire un vrai travail, on peut avoir le temps de réfléchir, de penser, de panser, de reprendre. Les messages privés, c'est tout, tout de suite et ça je ne veux plus. Je suis tout à fait capable de savoir si parfois c'est nécessaire, mais si j'écris ce billet c'est pour mes "amies" comprennent que je peux les porter dans mon coeur, mais je ne me laisserai pas bouffer, car si je rentre dans ce jeu (et c'est facile de culpabiliser en disant que je me désintéresse ) tout le monde y perdra et cela je ne le veux pas.

Mes yeux découvrent chaque jour les ravages faits par les abus, par ces maltraitances. Cela me crève le coeur au sens fort, mais seule la relation au Tout Autre peut permettre non pas de guérir mais de vivre en reprenant le poids que l'on aurait du avoir.

Etre porteuse d'eau, c'est donner à boire à ces assoiffées d'amour et comme tout être humain, moi aussi j'ai soif d'être aimée et reconnue. Mais les limites sont indispensables et j'y veillerai.

samedi, mars 29, 2014

Les disciples d'Emmaüs/ Adam et Eve

Nous avons relu en tout petit groupe l'évangile des disciples d'Emmaüs. Ce qui m'a frappée à cette relecture, c'est ce que Luc dit des yeux de des disciples que j'ai envie, comme cela se dit parfois de considérer comme un couple qui m'a interpellée. Car en plein jour les yeux sont "fermés" en l'absence de lumière, les "yeux s'ouvrent'.

Dire que "leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître" c'est comme dire qu'ils étaient aveugles ou aveuglés par quelque chose. Bien sûr l'homme qu'ils rencontrent ne porte pas sur son corps les marques de la crucifixion, c'eut été trop simple.

Quand la rencontre se fait, on est en plein jour, le soleil est là, il fait clair. Mais eux, qui sont dans leur rumination, dans leur tristesse, malgré la clarté qui est là, sont tellement dans leurs pensées, que certes ils accueillent ce drôle de type qui n'est au courant de rien, certes ils cheminent avec lui, certes ils écoutent ce qu'il raconte et qui donne un sens à tout ce qui vient de se passer, mais ils ne se posent pas de question sur cet homme..C'est un homme, il n'a pas de nom. Peut être justement parce que c'est l'Homme, mais cela ils ne le savent pas. d'une certaine manière ils restent dans leur nuit alors que la clarté est avec eux.

Et le soir tombe et avec la tombée de la nuit qui est rapide en Palestine, on passé du clair obscur à la nuit. Le couple est arrivé chez lui, à Emmaüs.  L'homme fait mine de continuer son chemin et de toutes les manières, il n'a jamais dit où il allait et s'il était attendu quelque part. Pourtant cet homme, pour le couple, il n'est pas question de le laisser partir sans lui offrir l'hospitalité. L'hospitalité en Orient, c'est fondamental. Et L'homme se laisse faire.

Seulement ce jour là, ce n'est pas n'importe quel jour, car si l'agneau pascal a été immolé le vendredi, on est dans le temps de la Pâques des Juifs, et dans le temps de cette semaine où l'on consomme du pain sans levain. C'est une semaine particulière. Et la nuit est tombée, les bougies sont peut être allumées et voilà que l'homme dont ils ne connaissent toujours pas le nom, prend le pain, le bénit, le rompt. Et là, dans la nuit, dans la quasi obscurité, les yeux s'ouvrent, et d'un coup ils "savent", ils comprennent que celui là, c'est le "Seigneur", et que tout ce qu'il a expliqué prend un sens.

C'est dans la nuit que les yeux s'ouvrent. Et quand les yeux s'ouvrent, quand le coeur s'ouvre, quand la brûlure de la présence se fait ressentir, alors celui dont ils savent enfin le nom, disparait, mais reste présent en eux, tellement présent qu'ils partent immédiatement prévenir les autres que ce qu'avait annoncé Jésus est bien arrivé.

Or ce couple là, qui passe d'une certaine manière de l'obscurité à la lumière, il est d'une certaine manière à l'opposé du couple primitif tel que le raconte la Genèse. Eux avaient la lumière, et ils l'ont perdue. Et c'est cet autre couple qui n'a pas la lumière et qui la trouve ou la retrouve.

C'est dans la clarté, dans la journée que les yeux du couple Adam et Eve s'ouvrent d'une certaine manière ou se ferment (si l'on voit les choses autrement). Ils comprennent qu'ils ne sont pas pas Dieux, mais des petits humains, nus, fragiles, dépendants, et qu'ils ont été aveuglés par un faux discours et que cet aveuglement il va perdurer. Ils se voient "nus" et qu'ils se rendent comptent qu'ils ont "perdu" quelque chose.

 C'est à la nuit, quand Dieu qui se promène à la brise du soir que finalement ils se rendent compte qu'ils sont comme des aveugles, parce qu'ils ont perdu "la lumière", celle de Dieu qui donne un halo différent à toutes choses.

Cette cécité, (même si par ailleurs je continue à penser que cette curiosité a permis l'essort de l'humanité) qui fait de l'homme da propre recherche, ne sera vaincue que lorsque Jésus aura d'une certaine manière par la mort et sa résurrection vaincu l'ange porteur d'une épée de lumière qui empêche le passage vers l'arbre de vie.

La porte est ouverte, les yeux sont ouverts à nouveau et une alliance nouvelle peut enfin être créer, pas une alliance dans la peur, mais une alliance dans l'amour.

vendredi, février 28, 2014

Job 29: qui est il celui là?

Souvent le mardi soir, qui est une soirée sans ordinateur et sans télé, une soirée pour moi (ou pour Dieu) je lis les textes que nous lirons lors de notre réunion « autour de la bible » (les Actes des Apôtres en ce moment), mais pas plus de deux ou trois chapitres, en prenant le temps de lire, ce qui permet de goûter, voire de déguster, et parfois de tomber sur des phrases qui peuvent chanter en moi par la suite; et ensuite j'ouvre un peu ma bible au hasard (enfin tout est relatif parce que je sais à peu près où se trouvent les différents livres qui la composent).

Là je suis tombée sur le chapitre 29 du livre de Job. Ce livre, je l’ai travaillé en groupe; il pose la question du mal, de la souffrance, du mal subi. Donc préjugé favorable à rouvrir ce livre.

J’ai donc lu ce chapitre 29, tout seul, sans tenir compte de ce qu’il y a avant et après, et j’ai été sidérée par la manière dont Job se décrit. Ce chapitre se termine par des versets assez stupéfiants quant à l'image que Job a de lui: Jb 29,23 à 25 : « Quand j’avais parlé, nul ne répliquait, sur eux gouttes à gouttes tombaient mes paroles. Ils m’attendaient comme on attend la pluie. Leur bouche s’ouvrait comme à l’ondée tardive. Je leur souriais, ils n’osaient y croire, et recueillaient avidement tout signe de ma faveur. Leur fixant la route, je siégeais en chef, campé tel un roi parmi ses troupes, comme il console des affligés ».

Que le style soit superbe, je ne le conteste pas, mais j’ai été comme sidérée par le manière dont Job se décrit. Certes il est un « juste », mais je ne suis pas sûre que Salomon se soit décrit avec une pareille emphase. Ma réaction a été : mais pour qui se prend il ce type ? 

Qu’il soit exaspéré par les propos de ses amis qui veulent lui démontrer que s’il a perdu la faveur de Dieu, c’est qu’il a dû par derrière faire quelque chose de mal, cela je le comprends. Mais des phrases comme "A ma vue les vieillards se levaient et restaient debouts", en d’autres termes les vieillards, qui représentent la sagesse, s’inclinaient devant la mienne et restaient debout comme si j’étais un roi, ou encore "les notables arrêtaient leur discours et mettaient leur main sur leur bouche", comme si leur parole ne valait rien devant celle de Job, m’interpellent. Des phrases de ce type, on en lit dans les psaumes : quand Dieu parle, l’homme met sa main devant da bouche et ne prend pas la parole.

Il me semble que quand Marie Balmary commente le livre de Job, elle fait remarquer que ce dernier offre des sacrifices pour ses fils et ses filles qui font la fête, donc qu’il fait à leur place, et que de ce fait il ne les laisse pas libre. Or là, ce que je ressens c’est cette certitude d’être parfait, d’être celui devant lequel tout le monde s’incline, celui qui sait tout, qui fait tout et aussi est partout, bref Dieu parmi les hommes. Si Job se considère comme cela, il n’est pas étonnant que tout ce qui lui tombe dessus soit vraiment de l’ordre de l’insupportable car il a fait régner l’ordre divin à la place de ce dernier, il lui a presque pris sa place.

Comme je l’ai dit, et là, ça a été plus fort que moi, la phrase qui est venue a été : pour qui il se prend ce bonhomme? Je veux dire que mon abord de l’homme Job a profondément changé. Au fond de moi, je me suis dit qu’il avait peut être quelque chose à apprendre et que c’est peut être cela aussi que ce livre qui est un écrit qui appartient à la Sagesse, peut m’apprendre.

Les quatre chapitres qui terminent le premier cycle des discours entre Job et ses trois amis montrent que ce qu’on appelle la théologie de la rétribution ou de la prospérité ne tient pas la route. Job tient à sa justice et ne la lâche pas, sa conscience ne lui reproche aucun de ses jours (Jb28, 6) et il va se lancer dans son panégyrique qui montre quel homme parfait il est et a été. Bien entendu il est nécessaire de ne pas sortir le chapitre de son contexte, car Job se plaint amèrement de cette existence qui lui est tombée dessus, et il veut convaincre ses amis que contrairement à ce qu’ils peuvent imaginer, il n’a jamais commis le mal et ce qui lui arrive « n’est pas juste » comme disent les enfants ou « pas mérité » comme disent les adultes.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce texte, il faut savoir qu'il existe dans la Bible ce qu'on appelle la théorie de la rétribution, qui vient du Deutéronome : si tu choisis de suivre ma loi et mes préceptes, je serai avec toi et tout te réussira (Dt 31).  Celui qui fait le bien est béni de Dieu et il prospère. Celui qui fait le mal est maudit de Dieu, et il dépérit. En d'autres termes, la richesse et la réussite sont les signes que Dieu est avec vous, qu'Il vous aime et que vous être Juste à ses yeux. La pauvreté et la maladie sont les signes que vous avez fait quelque chose de mal et que vous êtes un pécheur. 


Le début de l'histoire de Job nous montre aussi qu'il est question d'un « deal » entre Dieu et le Satan. Le deal étant: est-ce que Job, s'il est confronté à la pauvreté et à la maladie, continuera à bénir Dieu? D'une certaine manière on peut dire que Job continue à bénir Dieu, car s'il maudit quelqu'un ce sera la mère qui l'a engendré, les seins qui l'ont nourri, les genoux qui l'ont accueilli. Mais d'une part il se plaint et ô combien, et d'autant plus qu'il se sait juste devant le Seigneur, ce qui fait qu'il se débat comme un lion devant les accusations de ses amis qui veulent le convaincre de péché (qui de vous me convaincra de péché dira un jour Jésus), et d'autre part, il se met en colère contre ce Dieu qui lui impose des choses qu'il n'a pas mérité. On a quand même l'impression que Job se prend pour le tout puissant, et que s'il fait le bien autour de lui, c'est presque faire le bien pour faire le bien. Quand il sort de chez lui, l'important est de faire du bien, faire, faire faire. Et le bien, il le fait.  Certes son cœur s’est serré à la vue des pauvres, il a pleuré sur ceux qui ont la vie dure, mais s'il a fait cela uniquement pour espérer le bonheur, peut être y a t il un problème.


Après avoir lu ce chapitre 29 j’ai lu les deux suivants, qui terminent ce premier grand cyle de discours, mais là aussi j’ai eu des surprises. Que Job applique à la lettre la phrase du psaume 8,5 « A peine le fis tu moindre qu’un Dieu, le couronnant de gloire et de beauté » puisqu’il est juste et que le juste (Psaume 1) est "comme un arbre planté près des ruisseaux, qui donne son fruit en sa saison et jamais son feuillage ne sèche", c’est certain.  Mais la manière dont il parle de ceux qui le méprisent alors qu'il est devenu un "impur" qui a dû quitter la ville du fait de sa maladie de peau est plus que méprisante: "Et maintenant je suis la risée de plus jeunes que moi, dont je méprisais trop les pères pour les mettre parmi les chiens de mon troupeau" Jb30, 1. Certes ces hommes sont méchants et viennent cracher sur lui, mais a-t-il, lui qui se qualifie de juste, essayé de faire quelque chose pour ces miséreux? On est bien loin de la parabole des ouvriers de la onzième heure (Mt 20).


On a toujours dit que l'un des intérêts du livre de Job est de comprendre que quand la vie vous tourne le dos, on a le droit de crier, de hurler, de râler après le créateur, car c'est être quand même en relation avec lui. Et Job ne s'en prive pas. Je cite quelques versets qui sont quand même très violents: Jb30, 20 et suivants: « Je hurle vers toi et tu ne réponds pas, je me tiens devant toi et ton regard me transperce, tu t'es changé en bourreau pour moi et de ta poigne tu me brime.. »

Certes Job se justifie: "N'ai je point pleuré avec ceux qui ont la vie dure"? Mais cela est un peu en contradiction avec le début du chapitre ("ces hommes qu'il n'a pas embauché pour sa vigne"): Job choisit d'une certaine manière ceux qu'il doit aider, ceux qui sont dignes de son estime. Que ces fils de P. osent l'attaquer, c'est faire comme si l'envie n'existait pas. Peut être faut il qu'il ouvre les yeux autrement notre Job, et ce sera justement ce qui va se passer quand Dieu va entrer dans la joute oratoire. 


Quant au chapitre 31, on peut l'entendre comme une auto justification. Job n'a pas posé son regard sur la jeune fille vierge, il n'a pas truqué ses balances, il est intègre. Et si quelqu'un arrive à prouver le contraire, alors il veut bien que sa récolte appartienne à un autre, que sa femme soit donnée comme servante et que d'autres hommes la prennent pour femme (merci pour elle), que son épaule de détache de son dos si l'on peut prouver qu'il n'a pas tendu le bras à l'orphelin; non il n'a pas mis sa confiance dans l'or ou dans l'argent, il n'a pas adoré la lune ou le soleil. Job n'est pas comme Adam qui au soir de sa faute s'est caché, car lui il n'a pas commis de faute, il n'a pas désobéi. Et pourtant tout se passe comme s'il avait désobéi. Alors Job en appelle au Seigneur EL Shaddai, celui qui l'accable et qui refuse de l'écouter. 


Curieusement cet éloge de lui-même m'a fait penser à ce que Paul écrit dans l'épitre aux Romains (Rm 9, 31): "'Israël, qui poursuivait une loi de justice, est passé à côté de cette loi. 32Pourquoi ? Parce qu'il l'a poursuivie, non pas en vertu de la foi, mais comme si elle relevait des œuvres". 

Or ce que je ressens en lisant ces chapitres, c'est que certes Job respecte la loi, certes elle est en lui comme un carcan, mais ce sont les oeuvres qui dominent, le faire pour faire, le faire pour être respecté, le faire pour être admiré, le faire pour être finalement adulé; l'amour n'y est pas, même s'il dit que son coeur se serre quand il voit la veuve et l'orphelin. 

Nous savons tous de Dieu ne répondra pas aux accusations compréhensibles de Job: je n'ai rien fait de mal, donc tu n'as pas le droit de me faire connaître la souffrance et le malheur, mais qu'il le renverra à sa place de créature. Même s'il fait le bien, il n'est pas le tout puissant.  C'est quand Job aura compris cela après que Dieu ait répondu dans la tempête, qu’il pourra dire (Jb 40,5): "Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi je renonce: je me repens sur la cendre et sur la poussière."

 Et c’est quand il aura offert un sacrifice pour ses amis, ce qui est une manière de prendre soin d'eux, de les aimer malgré tout ce qu'ils ont pu lui dire et lui faire, que Job qui n'est plus le maître de tout, mais qui reçoit de la main de Dieu, pourra à sa juste place faire le bien autour de lui.


mercredi, février 05, 2014

Baptême.




Ce dimanche c'était faire mémoire du baptême de Jésus. Classiquement on dit que le Jourdain a été sanctifié par celui qui était la source de toute bénédiction, en reprenant un peu ce que dit Jean à son cousin: c'est moi qui devrait être baptisé par toi.

Le frère Benoît qui célébrait, nous a montré une icône du baptême, en la commentant, en nous faisant réfléchir sur le symbolisme de cette image. A un moment il a employé l'adjectif  "initiatique" pour qualifier ce moment de la vie de Jésus et de le rapprocher de nos propres baptêmes, comme pour dire que le baptême était un rite d'initiation, et ce mot là a fait "butée" en moi.

Je dois reconnaître que la phrase "je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" est curieusement une phrase vide de sens. Je sais qu'il faut (oui il faut) dire: plongé dans la mort de Jésus pour redevenir vivant avec lui, mais bon cela reste des mots. Et même ce "au nom" que faut il mettre derrière?

Il m'arrive souvent de buter sur des mots employés fréquemment, et je n'en sors que lorsqu'une image arrive, une image qui me permet de m'approprier un sens. Je dis bien "un " sens, car il y a souvent de nombreuses possibilités et que le sens trouvé aujourd'hui risque de servie de support à d'autres réflexions et quelque part de passer dans un certain oubli.

Toujours est-il que j'ai pensé à ce qu'on appelle le baptême des bateaux, ce moment où on fracasse sur lui une bouteille de champagne en lui donnant un nom mais aussi en le faisant passer de la terre où il a été construit, assemblé, à la mer qui est et qui sera son élément. Le baptême a pris alors pour moi le sens de passage, et une fois ce passage fait, on ne revient plus en arrière, même si on peut avoir une certaine nostalgie de ce qu'on a laissé.

Le premier baptême par lequel nous passons tous, c'est la naissance. Nous passons d'un univers d'eau où nous ne respirons pas à un univers aérien, où nous devons nous servir de nos poumons. Que ce passage soit difficile, cela semble évident.

Pour en revenir au baptême de Jésus, il y a bien passage pour lui. Il quitte la sécurité de Nazareth, la famille, le métier, la filiation qui le lie à Joseph pour devenir "le Fils Bien Aimé du Père", qui met en lui tout son amour et être le recevable de l'Amour de Dieu, c'est presque inimaginable. Le baptême le fait devenir LE FILS, et même s'il conserve son humanité, il est devenu aussi le Tout Autre, celui qui enseigne, celui qui guérit, celui qui prie, celui qui obéit et celui qui commande. Le passage qui suit dans le désert, (après tout il aurait pu commencer par le désert et recevoir le baptême après), indique bien le changement.

Alors pour nous, que représente ce baptême. Si je le prends dans le sens de passage, je suis comme le bateau dont je parlais. Avant de connaître Jésus, je vis dans un certain milieu, quand je le connais, il y'a quelque chose en moi qui désire vivre autrement, et c'est bien quitter le "vieil homme" pour vivre "l'homme nouveau". Le passage par l'eau, signifie cette mort de l'anche et la naissance du nouveau. La seule chose, c'est que d'une certaine manière, cela se renouvelle tout au long de la vie.

Peut être que cette phrase que je comprends mal veut dire: pour passer dans le monde de la trinité, pour devenir enfant de Dieu (au sens fort) quelque chose doit mourir, Et l'important est de désir que ce quelque chose meurt. L'important c'est que le don de l'Esprit qui est la promesse de Jésus, permet une alliance avec Dieu qui me reconnait comme enfant et qui ne donne le moyen de vivre comme Il (je ) le désire.

mercredi, janvier 08, 2014

Regards, naissances. Jn 1, 35-42

En lisant le texte proposé par la liturgie Jn 2, 35-42  j'ai été comme captivée par l'importance du regard et j'ai eu envie de reprendre le texte dans ce sens là: qui regarde qui, qui est regardé par qui, quel est l'impact du regard. Et ma conclusion a été que ce regard donne naissance. Il y a le regard de Jean sur Jésus, le regard de Jésus sur les deux qui le suivent, et enfin le regard de Jésus sur Simon. Ces regards engendrent des relations, engendrent des naissances.

Voici le texte: Jean 1,35-42. 
Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. 
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. » 
Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. 
Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (c'est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? » 
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C'était vers quatre heures du soir. 
André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. 
Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ). 
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t'appelleras Képha » (ce qui veut dire : pierre). 

Si l'on revient un peu en arrière, on apprend que Jean quand il a baptisé Jésus ne savait pas qui était ce dernier, mais qu'en voyant l'Esprit descendre sur lui, il a su qui était cet homme. Dire de lui qu'il est l'Agneau de Dieu est radicalement différent de ce qui est dit dans l'évangile de Matthieu où Jésus est celui qui va faire le ménage, séparer le bon du mauvais.

Mais revenons au texte. Jean est avec deux de ses disciples, donc ceux qui ont choisi de l'écouter, de se convertir, de changer de vie en attendant l'arrivée de celui qui doit venir délivrer le peuple de l'oppresseur. D'une certaine manière, ces hommes sont à lui. Mais son regard ne s'attarde pas sur eux, car il sait peut être au fond de lui, que lui le précurseur, il va devoir fournir la nouvelle pâte à celui qui doit venir sauver  le monde. 

Il y a Jésus qui va et qui vient. On pourrait dire soit qu'il tourne en rond, soit qu'il fait les 100 pas. Cela me fait un peu penser à un père qui attend la naissance d'un enfant. Qu'est ce que Jésus attend à ce moment là? Il attend peut-être que Jean le prophète, que Jean le baptiser lui donne ses premiers "petits". 

Et là, Jean redit la phrase déjà prononcée: "voici l'agneau de Dieu", et cette phrase fait comme un déclencheur chez Jean et André.

Est ce que cette phrase pour eux évoque le serviteur du chapitre 53 d'Isaïe, celui qui se charge des fautes de la multitude? Est-ce l'agneau sacrifié le soir de Pâques dont le sang protège de la mort qui passe?  Est-ce déjà dans une thématique Johannique l'agneau vainqueur de livre de l'Apocalypse? 

Toujours est il que cette simple phrase détache les disciples de Jean et cela est superbe, car qui est capable de se séparer facilement de ceux qui ont tout quitté pour le suivre? On peut penser que le travail de Jean a été justement de préparer certains à reconnaître en l'homme de Nazareth le fils de Dieu, le Messie, d'avoir des yeux qui s'ouvrent, qui arrivent à voir au-delà. Margareth Mahler, une psychanalyste anglaise) parle de la petite tape que donne la maman à son enfant au moment où il est prêt à marcher seul mais n'a pas encore osé se lâcher, cette petite tape qui est comme un signal et qui fait comprendre à l'enfant qu'il est prêt à se séparer. Pour moi cette phrase de Jean a un peu cet effet là, elle permet une séparation. 

D'une certaine manière ce texte de regard raconte la naissance d'une communauté: Jésus est seul. Il ne demande pas explicitement de l'aide à Jean, mais avec les deux qui arrivent, la communauté est crée, l'église est née.  

Ils quittent alors la sécurité et suivent Jésus, qui se retourne, (ce qui fait un peu penser à ce qui va se passer avec Marie Madeleine le matin de la résurrection, mais c'est elle qui se retourne), qui les voit en train de le suivre (voir n'est pas regarder) et qui entre en relation avec eux par une parole un peu insolite: "que cherchez vous"? Car un disciple cherche bien quelque chose, même s'il ne sait pas exactement ce qu'il cherche puisque c'est le Maître qui petit à petit va lui permettre de trouver cette chose qu'il ne sait pas forcément nommer. 

Ils répondent (là aussi on peut penser à Marie Madeleine à laquelle Jesus pose finalement la même question: qui cherches tu ou que cherches tu), Rabbi (Rabouni), où demeures tu? On sait l'importance de ce verbe demeurer dans l'évangile de Jean? Jésus a t il une demeure matérielle, un lieu ou bien les deux hommes vont ils d'emblée percevoir que Jésus demeure dans le Père et que le Père demeure en lui? Le fait que l'heure soit notée montre bien que quelque chose d'important s'est passé. Ils ont vu où Jésus demeurait et ils restent avec lui (peut être ce soir là sont ils entrés dans son repos).

Je me suis demandé si ces deux disciples ne représent pas deux composantes qui sont en tout hommes. L'une plus contemplative personnifiée par Jean qui un peu comme Marie garde cela dans son coeur et l'autre plus active, André qui ne peut garder cela pour lui et qui va l'annoncer à son frère Simon dont le prénom signifie"qui est exaucé". 

André le présente à Jésus, jésus pose son regard sur lui et lui parle avec autorité: Tu es Simon fils de Jean, tu t'appelleras Kephas". Que se passe t il à ce moment là entre les deux hommes? Peut-on parler d'un regard fondateur, d'une parole fondatrice? Car donner un nom c'est ce qu'Adam fait dans la Genèse, ou ce que YHWH fait avec Abraham et Sarah, Jacob. Origine divine origine humaine de Jésus. 

Quant au nom donné, comme Simon l'a t il reçu? Pas facile d'être nommé "pierre". Son coeur de pierre va t il peu à peu se transformer en coeur de chair? Sa tête de pioche va t elle peu à peu se laisser façonner par le Maître? Bien sur la pierre c'est aussi du solide et c'est là dessus que joueront les autres évangélistes, mais la pierre c'est quand même le règne du minéral et même si Dieu est en chaque pierre en chaque coeur vivant au centre de la terre au fond des océans (comme on le chantait autrefois) pas facile de recevoir ce nom.

La réponse est peut être donné dans l'additif de l'évangile, car Jésus appelle à nouveau celui qui va prendre la première place par son prénom originel: Simon fils de Jean.. et Pierre a appris à aimer comme son Maître.

Pour terminer ma réflexion sur ce texte, il y a cette espèce d'agitation de Jésus au début du texte. Et je me suis alors rendue compte que Jésus est quelqu'un qui se déplace, qui va de ville en ville qui comme Dieu dans le désert se déplace avec son peuple, qui bouge, qui suit une trajectoire.Jésus est un marcheur. Certes les foules viennent à lui, mais lui, est en mouvement et cela m'a fait penser aux descriptions de la Sagesse qui s'ébat devant Dieu et qui fait ses délices des enfants des hommes. Ce dynamisme permanent de Jésus, dynamisme qu'il transmet à ceux qui demeurent en lui et avec lui, est bien naissance de l'homme nouveau, de l'homme en devenir, qu'il soit actif comme André ou contemplatif comme Jean.