mardi, juillet 21, 2009

Je te donnerai le clés du royaume: temps trois

TEMPS TROIS : Simon fils de Jean m'aimes tu?


Cela fait un certain temps que j’ai envie de prendre la défense de cet apôtre. Je trouve que son reniement (somme toute compréhensible) lui colle encore à la peau et que les rédacteurs des évangiles nous donnent une image bien peu glorieuse de celui qui a reçu une telle promesse et un tel pouvoir.Je pense que le nombre d'homélies qui comparent Judas et Pierre sont aussi nombreuses que les étoiles du ciel... Mais ces deux attitudes sont elles comparables?

On a parfois l’impression qu’il y a des comptes qui se règlent(par le biais de l'écriture) bien après la mort de Jésus. Pourquoi Jésus a t il choisi cet homme là s'il est si lâche que ça? Pourquoi Jésus a t il choisi comme successeur un homme qui ne comprend presque rien et qui même après l'effusion de l'Esprit aura du mal à accepter -bien qu'il se dise avoir été choisi pour "que les païens entendent de sa bouche la parole de la bonne nouvelle" Ac15,7- le travail de Paul auprès des incirconcis (je pense à l'accrochage entre ces deux hommes rapporté en Gal 2,11 et suivants).

Et pourtant les discours et les écrits attribués à Pierre, montrent que le pécheur mal dégrossi que Jésus est allé péché sur les bords du lac a complètement changé après l'effusion de l'Esprit.Il se positionne d'emblée en chef, fait des miracles au Nom de Jésus, rassemble, se déplace. Mais comme je le disais dans mon billet précédent, la fuite de Pierre lors de la persécution de Néron (oui je sais cela n'appartient qu'à la tradition)est bien peu glorieuse et surtout très différente de l'attitude de Paul, qui ne désire qu'une chose: mourir à la fois pour rendre témoignage mais aussi pour rejoindre "Celui qui de condition divine..."

Mais les rédacteurs du premier testament n'ont jamais donné une histoire édulcorée de ceux qui ont été les "Pères". Abraham et Isaac feront passer leur femme pour leur soeur pour ne pas avoir d’ennuis avec les rois des lieux sur lesquels ils campent, Moïse est un assassin en fuite, David, le grand roi David, se comporte comme un petit mafieu (moi et mes garçons dira t il à Naval 1Sm 25,4), et utilise le mensonge sans vergogne (en particulier quand il se fait remettre les pains consacrés ainsi que l’épée de Goliath).

Ce que je veux dire c’est que ce qui caractérise les « pères fondateurs », c’est qu’ils ont fait confiance à la parole qui leur était adressée et que le cours de leur vie a changé. Mais sont ils pour autant des génies, comme nous l’entendons au 21° siècle ? Si on reste dans la lignée Abraham, Isaac et Jacob, certainement pas. Moïse est différent, mais à lui il n’a pas été fait de promesse de descendance avec laquelle le Seigneur ferait alliance, sauf que désormais ce n'est plus avec un homme que l'alliance est faite (Abraham ou Jacob) mais avec le peuple dans son entier.

Les prophètes eux sont d’une autre envergure : la parole de Dieu les a saisis et leur vie est conforme à la parole, n’empêche que certains comme Elie prononcent parfois des malédictions qui viennent d’eux et non pas de YHWH (je fais ici référence à la sécheresse provoquée par Elie, mais non demandée par le Seigneur 1R 17).

Bref, Pierre n'échappe pas à la règle. Certains psychanalystes disent que dans un rêve les différents personnages mis en scène représentent différents aspects du rêveur; je me demande s'il n'en va pas de même avec les apôtres tels qu'ils sont décrits dans les différents évangile. Ils nous représentent avec nos différents aspects.

Pierre, il fonce, mais il perd confiance à la vitesse grand V. Il est capable du meilleur et du pire. Thomas, à la fois est prêt à mourir pour Jésus et refuse de croire à la résurrection, Philippe pose des questions qui parfois nous aimerions bien poser, montre nous le père et ça nous suffit, etc…

J’ai oublié Judas. Judas, est peut-être le plus réfléchi, plus calculateur. Lui quand Jésus parle de ce qui l’attend, il comprend que c’est vrai, alors que les autres fonctionnent dans le déni. Alors peut-être que la trahison a un but : faire que d’autres ne soient pas séduits comme lui l’a été, stopper cette histoire qui a été comme pour tous les autres une histoire d’amour. Et une histoire d’amour qui se termine mal elle peut bien conduire à la mort, ce qui s’est passé pour l’un et l’autre. (On peut lire un commentaire sur Judas dans un livre d'Elian Cuviller: étranges témoins de la passion).

J'en arrive donc à l'éternelle comparaison entre Judas et Pierre, or Pierre n'a pas vendu Jésus, il a eu peur pour lui. Judas reconnaît dans l'évangile de Matthieu avoir fait une énorme erreur, et la culpabilité est telle que dans cet évangile là il se pend (alors que dans les actes des apôtres il meurt en répandant ses entrailles, ce qui est la mort réservée à l'impie, mais il meurt si je puis dire de sa belle mort). Dans cette hypothèse (mort de sa pas belle mort) l'auteur (Luc) montre la différence entre Pierre le Juste qui a trébuché mais s'est repris et l'Impie qui va vers la mort.

D’un côté il y a le baiser de Judas (ce qui montre bien que jésus n’était pas si reconnaissable que cela et peut-être pas si connu que cela) et de l'autre le coup d’épée de Pierre (j’y reviendrais) .

Pourtant, Pour l’un comme pour l’autre, il y a eu à un moment une ouverture des yeux (intérieurs). Pour Judas, cela s’est fait semble t il quand il a compris que « son » Jésus allait mourir par sa faute qu’il avait fait une erreur et que cette erreur il ne pouvait la payer que par sa mort : mort contre mort.Il faut dire que l'évangile de Matthieu pose question au niveau du déroulement temporel, car on imagine mal (enfin j'imagine mal) que la nuit de la passion ils allaient s'occuper de la demande de Judas, prendre l'argent et acheter un champ avec le prix du sang.


Pour Pierre, il y a eu ce chant du coq au petit matin. Mais ce reniement (non je ne connais pas cet homme), que cache t il ? Que fait-il Pierre quand il affirme malgré son accent de Galilée ne pas connaître cet homme?

Ce qui est certain c’est que une fois de plus Jésus ne s’était pas trompé, Jésus avait prédit ce reniement et donc tout ce qu'il avait dit sur sa fin peu glorieuse allait aussi se réaliser. Pierre réalise ce qu'il perd avec la mort de Jésus et cela peut bien faire pleurer un homme. Finalement un homme qui pleure c’est rare, ça ne se fait pas. Que le chef de l’Eglise en soit capable est pour moi assez rassurant. Ce n’est pas un sur homme et tant mieux.

Mais il y a peut être autre chose dans ce reniement. Car malgré tout, malgré sa fatigue et sa peur, il était là, dans la cour.

Bien sûr dans la nuit tous les chats sont gris, alors qui pourrait reconnaître en lui l’homme qui s’est attaqué au serviteur du grand prêtre? Nous qui connaissons l’histoire de cette nuit là, nous savons que Pierre était le futur chef, mais cela était dit à un petit comité, donc je ne pense pas que ce soit cette peur là ( si on me reconnaît comme le successeur ils vont me tuer) qui a poussé Pierre à renier. Car cette nuit là Pierre avait fait un geste très préjudiciable.

Si on reprend l’évangile de Mathieu ou de Jean, il ne faut pas oublier que Pierre est muni d’une épée et qu’il a attaqué un serviteur du grand prêtre et lui a tranché l’oreille. Il s’agit là de quelque chose qui est sanctionné par le Lévitique. Donc même si Jésus a recollé l’oreille, Pierre est passible d’une sanction qui peut peut-être aller jusqu’à la mort, car l’homme qu’il a attaqué fait partie du service d’ordre.

Ce que je veux dire c’est que dans nos pays, quand un agent des forces de l’ordre est blessé par un manifestant, la peine qu’il encoure est très lourde, car il ne s’agit pas tant de la personne, mais de ce qu’elle représente. Si Pierre dit ne pas connaître cet homme là, c’est peut-être bien pour ne pas être lapidé sur le champ.

Pour Pierre il faut donc qu’il ne soit pas reconnu, car il risque gros et d’une certaine manière le reniement ce n’est peut-être pas à prendre au premier degré : je ne peux pas donner ma vie pour cet homme là, mais au second degré : si je dis que je ne le connais pas on ne fera pas le lien entre moi et celui qui a coupé l’oreille du serviteur du grand prêtre. Certes Pierre avait dit qu’il donnerait sa vie pour son maître, et là, il se rend compte que la seule vie qui compte pour lui c’est la sienne.


Que la coïncidence du chant du coq lui ait ouvert les yeux du cœur cela me semble certain. Pierre a compris qu’il est bien incapable de donner sa vie pour un autre, que seule sa vie est importante, et qu’il s’est aimé lui-même plus que tout autre personne. Oui, il a dit qu’il ne connaissait pas cet homme, mais n’était ce pas pour lui le seul moyen de faire croire qu’il n’était pas avec lui au moment de l’arrestation, et qu’il est juste un curieux parmi d’autre.

Maintenant il faut revenir au traitement de la culpabilité. Car il y a l'épisode qui se passe sur les bords du lac de tibériade avec la triple interrogation de Jésus. Et là aussi les homélies sont nombreuses.

Je dois dire que j'aime cette scène au petit matin. Il y a cette pêche miraculeuse qui fait pendant à cette première pêche qui montre la confiance de Pierre, envers cet homme qui n'est pas du métier. Il y a Jean, qui comprend que l'inconnu sur la rive c'est Jésus et qui en informe Pierre. Pourquoi celui ci passe un vêtement alors qu'il doit nager et donc le mouiller pour aller au plus vit rejoindre "le Seigneur", cela reste un mystère pour moi et ça a toujours tendance à me faire sourire quand j'imagine la scène.

Mais le reste, ce triple questionnement je le trouve douloureux. Et pourtant... Et pourtant ce questionnement ne peut-on pas le prendre comme une sorte d'épreuve qui va permettre à Simon fils de Jean d'être restauré dans sa fonction de pasteur et de guide.

Voici le texte: Jn 21, 15-17

15 Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime », et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux. »

16 Une seconde fois, Jésus lui dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. » Jésus dit : « Sois le berger de mes brebis. »

17 Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t'aime. » Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis.




Ce qui me semble étonnant c'est que Jésus ne le nomme pas Pierre, mais le remet dans sa généalogie: Simon fils de Jean et ce, dans les trois interrogations. Qu'est ce que Jésus veut lui faire comprendre? Qu'il n'est plus la "pierre" parce qu'il n'a pas su être à la hauteur, parce qu'il a essayé de sauver sa vie au petit matin autour d'un feu en faisant comme s'il ne le connaissait pas, ou parce qu'il a laissé "la mission" et reprenant sa vie de pêcheur? Les trois années passées auprès de Jésus auraient elles été seulement une interruption? A-t-il encore le droit de prétendre à ce nom de Képhas?

Je ne sais pas, mais je pense que ce questionnement qui parait court quand on le lit, car on peut imaginer le temps qui sépare les questions, les réponses, les silences aussi et la présence silencieuse des autres disciples qui devaient penser qu'ils avaient bien de la chance que ce soit Pierre qui prenne, a du avoir une certaine durée. Et il du se passer bien dans choses dans la tête et dans le coeur de Pierre.

Traditionnellement dans la bible quand il y a appel il y a doublement du nom:" Abraham, Abraham "," Samuel Samuel " "Saul Saul" et la réponse normale est: "me voici". Ici la question est là, directe, Simon fils de Jean, m'aimes-tu? Je reste ici avec le mot aimer tel que nous le disons en français, c'est à dire en en faisant pas la distinction entre philein et agapè.

En fait ce qui me semble intéressant c'est la manière dont Pierre répond:

Première réponse: "Seigneur tu sais que je t'aime". Mais répond il à la question du "plus que ceux ci"?Qu'est ce que cela veut dire? Est il possible de se comparer aux autres? Quant à savoir si Pierre aime Jésus plus qu'il n'aime ses compagnons, n'est ce pas une question que nous sommes amenés à nous poser en permanence? Comment aimer Jésus plus que ceux qui nous sont chers et pour lesquels spontanément nous aimerions pouvoir donner notre vie? Seulement Pierre sait (comme nous le savons) que pour Jésus aimer c'est donner sa vie (aimez vous comme je vous ai aimés) et cela il n'a pas su le faire,parce que au moment de l'arrestation de Jésus, ce n'était pas ce combat là qui était le sien, du moins c'est ce que j'imagine aujourd'hui.


Deuxième réponse: "Oui, Seigneur tu sais que je t'aime".Il y a le oui, qui est peut-être le Amen. Et qui est comme une confirmation, tu le sais alors pourquoi me poses tu la question. Je fais ce que je peux avec ce que je suis, ce n'est pas brillant, mais je suis un glaiseux.

Troisième réponse: "Seigneur toi qui connais toutes choses tu sais bien que je t'aime". Celui qui connaît tout chose c'est bien celui que Pierre avait jadis reconnu et nommé: tu es le christ le fils du dieu vivant. Pierre peut à nouveau se positionner et affirmer que en cet homme qui a préparé un repas, qui leur a donné du poisson en abondance est le Seigneur.

Peut-être avait il oublié qu'il aimait autant Jésus? Peut-être croyait-il que la peur viscérale qui s'était emparée de lui quand il avait failli être reconnu ce matin là auprès du feu, à cause de ce geste de bravoure tenté pour permettre à son maître de prendre la fuite, l'avait en quelque sorte disqualifié. Peut-être pensait-il au fond de lui que plus jamais Jésus ne pourrait l'aimer? Peut-être pensait il qu'il n'était plus bon à rien sauf à reprendre la vie là où il l'avait laissée un jour où Jésus lui avait dit de jeter encore un coup son filet alors qu'il n'avait rien pris de la nuit.

Peut-être y avait il tout cela en lui. Pas tant le reniement ou les reniements que ce sentiment que nous connaissons bien de ne pas valoir grand chose.

Alors ce que nous dit (ce que me dit) cet épisode que la seule chose qui compte, même si on s'en veut, même si on se sent très nul, c'est d'aimer. Aimer sans me comparer aux autres, aimer comme je peux avec tout ce que je suis et aussi ce que je ne suis pas.

Je crois que ce questionnement a été pour Pierre une restauration, presque une renaissance avant que le feu de l'Esprit ne tombe sur lui et sur ses amis et lui donne la force d'annoncer que

Ac 2,22« Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez,

23 cet homme, selon le plan bien arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies ;

24 mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir.

Et ainsi de devenir le pasteur et d'ouvrir les portes du royaume de l'Amour.

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