mardi, mars 05, 2024

Lc 4, 24-27. Jésus dans la synagogue de Nazareth.

 Lundi 3° semaine de Carême. Jésus à Nazareth, Lc 4, 24-27

 

 

Quand j'ai vu ce texte, enfin nous n'avons qu'un tout petit morceau de cette péricope  (Lc 4, 16-30)  qui suit les tentations, j'ai pensé que cette troisième semaine de carême serait sous le signe du conflit, de la non compréhension, du rejet. Mais l'évangile de mardi, le débiteur impitoyable, est loin d'aller dans ce sens.

 

En ce qui concerne ce texte, mais bien entendu de la péricope complète, Raphaël Cornu Thénard - qui en parlait dans le MOOC du Campus des Bernardins consacré à l'évangélisation - faisait remarquer que chez Luc, la première évangélisation est un échec total, puisque Jésus n'est pas entendu et échappe de peu à la mort, ce qui aurait été la fin avant même que quoi que ce soit puisse commencer. Ce qui est sûr c'est que, devant ce mauvais accueil, il n'a même pas le temps de leur laisser la poussière collée à ses sandales. 

 

Il m'a toujours semblé que ce qui se passe là est comme une vision prophétique de ce qui se passera à Jérusalem, ou Jésus sera aussi conduit hors des murs de la ville, pour être mis à mort. 

 

Comme souvent j'ai du mal à ne lire que les versets proposés. Insister sur le fait que des prophètes aussi célèbres qu'Elie et Elisée ont réalisé des miracles ou des guérisons dans peuples considérés comme des peuples païens, ne me paraît pas suffisant pour "démontrer" que nul n'est prophète dans son pays. 

 

Elie, qui a provoqué la famine en Israël, a de bonnes raisons de fuir, et si c'est une femme veuve du pays de Sidon (le pays d'où est originaire la reine Jézabel), c'est parce que Dieu l'a prévu.  Ne dit-il pas à Elie: 1R17, 9: Lève-toi, va à Sarepta, dans le pays de Sidon ; tu y habiteras ; il y a là une veuve que j’ai chargée de te nourrir. »

 

Quant à Elisée, c'est parce qu'il apprend que le roi a déchiré ses vêtements lorsque Naaman lui a donné la lettre du Roi d'Aram, qu'il prend les choses en mains: 2R5,8 Quand Élisée, l’homme de Dieu, apprit que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, il lui fit dire : « Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements ? Que cet homme vienne à moi, et il saura qu’il y a un prophète en Israël. »

 

Est-ce que cela est suffisant pour mettre en rage les habitants de Nazareth qui sont à la synagogue ce jour là? Permettez moi d'en douter. Que le malin ait fait son œuvre de division et de mort, certainement. Jésus est un véritable danger pour lui, alors il faut tout faire pour l'empêcher de nuire. 

 

En pensant à tout cela, et à cette lutte sans merci, j'ai comme entendu Jésus raconter cette visite à Nazareth, mais en la raccordant avec ce que lui a vécu avant, à savoir son baptême dans le Jourdain, et les tentations, quelque part dans le désert. 

 

En relisant le chapitre 3, qui raconte la prédication de Jean le Baptiseur et le fait que ce dernier a été enfermé par Hérode, Lc 3, 19-20    19, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, avait reçu des reproches de Jean au sujet d’Hérodiade, la femme de son frère, et au sujet de tous les méfaits qu’il avait commis.20 À tout cela il ajouta encore ceci : il fit enfermer Jean dans une prison, je me suis demandée qui avait baptisé Jésus. Mais comme tous les évangélistes parlent de Jean, j'ai pensé que l'historien Luc a fait ici une sorte de raccourci pour montrer la perversité d'Hérode.


Enfin, je précise que le texte présenté ici suit uniquement l'évangile de Luc. Si Jésus, à Capharnaüm, va chez Simon Pierre, il n'y a pas eu de rencontre, l'appel des premiers disciples n'a lieu que postérieurement. 

 


Jésus raconte...

 

 

Je ne suis pas né à Nazareth, et cela un bon nombre des habitants de mon village le savent; mais c'est mon village, c'est là que je vis, c'est là que j'ai appris à travailler le bois avec mon papa. Certains pensent aussi que Joseph n'est pas mon père, mais ils ne peuvent pas comprendre; cela viendra en son temps. 

 

L'année où je suis allé pour la première fois à Jérusalem, j'ai fait quelque chose qui m'a valu beaucoup de désaccords, et on m'a regardé comme si j'étais un peu fou, un peu bizarre. C'était ma première Pâque en dehors de chez moi, et le temps de la Pâque à Jérusalem ne m'avait pas suffi. J'avais soif de plus. 


J'avais vu enfin le Temple, le lieu Saint, J'avais touché les pierres, je m'étais imprégné de toutes ces odeurs d'encens, mais aussi des odeurs des animaux immolés. 


J'avais vu tous ces scribes, tous ces rabbis qui en enseignaient, qui expliquaient les paroles et je voulais les entendre. Je voulais comme me remplir de ces mots, comprendre encore mieux, pour être comme gorgé de la parole, pour la garder en moi, pour en vivre. Et je n'étais pas rentré avec mes parents. Il leur avait fallu trois jours pour me retrouver, et bien entendu, cela avait fait du bruit dans le village. Puis ça c'était calmé et la vie avait repris, la vie de tous les jours.

 

Jean, le fils d'Elisabeth et de Zacharie, a commencé à parler de conversion, de changer de vie, parce que le royaume de Dieu était tout proche. Je savais bien qu'il parlait de moi, mais ce n'était pas encore mon temps. Je savais que mon Père me dirait quand ce serait mon heure. 

 

Et ce fut mon heure. Ma mère m'a laissé partir, elle savait bien que le temps était venu.

 

Jean n'avait pas encore été mis en prison.  Nous étions nombreux à attendre d'être plongés dans ces eaux qui autrefois avaient purifié le Général Naaman de sa lèpre, ce fleuve qui un jour avait arrêté de couler pour que le peuple puisse le traverser à pieds secs, comme il avait jadis pu traversé la mer des roseaux, qui s'était fendue en deux pour les laisser passer. Un jour ce sera le rideau du Temple qui se fendra en deux. 

 

Il y avait une telle foi, chez tous ceux qui étaient là, que cela me touchait infiniment, et je me sentais rempli d'amour pour eux tous. 

 

Je dois dire que je n'ai rien ressenti en remontant de l'eau, mais brutalement quelque chose s'est passé. 


J'ai vu les cieux qui s'ouvraient, ces cieux dont nous désirons tous tellement qu'ils s'ouvrent et que le Très Haut apparaisse comme il avait apparu autre fois à Moïse, ou à Elie. Et en moi, j'ai entendu une voix qui me disait que j'étais le Fils bien-aimé du Très Haut, de celui qui est mon Père depuis toujours et dès avant les siècles, qu'il trouvait en moi toute sa joie. Et la joie en moi était immense, elle ne pouvait être contenue. Je savais que désormais l'Esprit était en moi, sur moi, que l'onction me transformait à chaque instant, à chaque seconde, que j'étais celui que le Père attendait, celui qui serait le Messie, le nouveau libérateur. 

 

Je n'avais qu'un désir: retourner à Nazareth pour leur raconter; mais l'Esprit en avait décidé autrement, et j'ai été poussé à partir dans le désert, dans ce lieu sans habitations, dans ce lieu de solitude; mais aussi lieu où se trouvent parfois ces colombes qui demandent à se réfugier au désert quand l'angoisse est trop forte. C'est écrit dans un psaume qui parle de celui qui demande à Dieu d'écouter sa prière, qui voudrait avoir les ailes de la colombe pour chercher un asile au désert, un lieu sûr (Ps 55,7). 


Seulement pour moi, ce ne fut pas un lieu de calme. Il y a eu les premiers jours, il a fallu que mon corps s'habitue, que mes yeux s'habituent, que la faim me taraude un peu moins, mais au fil du temps, j'ai eu des visions, et ce n'était pas la rencontre avec mon Père, cette rencontre avec la brise légère, que j'aurais imaginée, non ce fut un combat. 

 

J'avais faim, et une petite voix me disait que puisque j'étais le fils de Dieu, je pouvais commander aux pierres de se transformer en pain. Oui je pouvais le faire, mais faire cela, c'était comme combler un vide, vide que seules les paroles de mon père peuvent combler. Et j'ai chassé cette vision. C'est comme si, la voix me disait que je pouvais faire tomber la manne, que je pouvais faire comme Dieu, mais c'est bien cela la tentation, être comme; devenir Dieu, prendre sa place, Et ça, à Dieu ne plaise, comme le dira une petite jeune fille bien des siècles après moi. 

 

Après, je me suis vu transporté sur une très très haute montagne; en fait c'était plutôt comme si j'étais dans le ciel, et je voyais toute la terre devant moi. Et la même voix me disait que si je le voulais je pouvais devenir comme le roi de tous ces royaumes, que cela me serait donné par cette voix qui disait qu'elle les possédait, qu'il me fallait juste me prosterner devant lui. Alors là, malgré ma fatigue, mon sang n'a fait qu'un tour. N'est-ce pas les toutes premières paroles  données à notre Père Moïse, de ne jamais nous prosterner devant un autre Dieu que notre Dieu? 

 

Qui est-il celui-là qui veut me pousser en enfreindre ce que mon Père demande? Je lui ai dit qu'il était écrit que c'est devant Dieu seul que je prosternai et lui rendrai un culte. 

 

J'espérai qu'il allait partir, mais il est revenu à la charge et pourtant je ne discutais pas avec lui. J'avais l'impression qu'il me testait, qu'il n'était pas très sûr que j'étais l'envoyé, le Fils. Je me suis alors retrouvé au Temple de Jérusalem, à l'endroit où il est le plus élevé, où il domine la vallée du Cédron. Il a mis en moi l'idée de me jeter en bas. Est-ce qu'il voulait que je me tue?

 

Peut-être que finalement ça l'aurait bien arrangé. Un jour il essaiera de me noyer, moi et mes disciples dans le lac de Tibériade, parce que je devenais une menace pour lui et pour ses compagnons qui s'emparent de la volonté des hommes et les rendent malades. 

 

 Non ce n'était pas cela, il voulait que je m'appuie sur la parole qui dit que Dieu donnerait à ses anges l'ordre de ma garder et qu'ils me porteraient dans leurs mains pour que mon pied ne heurte pas les pierres. Bien sûr que le très Haut a dit cela, ou a mis cela dans la bouche du Roi David, et c'était malin de sa part de se servir de ces mots là, mais je ne suis pas David, et il voulait que moi, l'Unique, je fasse comme avait fait mon après la sortie d'Égypte, tenter et tenter le Très Haut, douter de lui en permanence. Et cela c'est bien le travail du Diable, du diviseur, du tentateur. Je lui ai dit que notre Loi nous dit de ne pas mettre à l'épreuve le Seigneur notre Dieu. 

 

Là, le calme est revenu en moi après la tempête. Je me sentais bien. Il m'avait enfin quitté; mais je sais bien que ce n'est que pour un temps, et qu'il ne renoncera pas. 

 

Je voulais alors retourner à Nazareth, pour leur raconter, pour les bénir, pour les guérir. Je me suis mis en route, et en chemin, avec la Puissance de l'Esprit qui était en moi, j'enseignais dans les synagogues et je parlais de conversion, mais surtout du royaume qui était là. 

 

Quand je suis arrivé à Nazareth, bien entendu je suis allé voir ma mère. Elle m'a fait un tas de bons petits plats, parce que malgré tout, ce séjour au désert m'avait perdre pas mal de poids. 

 

Le jour du Shabbat nous sommes allés à la synagogue, pour retrouver aussi mes cousins.

 

Mais comment raconter ce que j'avais vécu, comme leur faire comprendre que j'étais devenu autre, que j'avais changé? 

 

Mon Père a résolu le problème, en me faisant présenter le livre d'Isaïe, et ces paroles: l'Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a consacré par l'onction, il m'a envoyé pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles qu'ils retrouveront la vue; et remettre en liberté les opprimés. Et j'ai ajouté que cela s'accomplissait aujourd'hui devant eux.

 

Quand j'ai commencé à parler, beaucoup m'écoutaient avec attention. Ils ont commencé à se demander ce qui m'était arrivé pour que je puisse parler ainsi, et le doute est venu. Ils ne me reconnaissaient plus. Ils ne pouvaient pas comprendre que le fils de leur charpentier avait, comme David jadis, reçu l'onction qui avait permis qu'il devienne le messie, le Roi. Et ils me prenaient pour un fou, pour un illuminé. Enfin ils refusaient de m'écouter. 

 

Je suis sûr que le diable était là en personne, pour que le doute soit aussi fort. Je leur ai alors fait remarquer que tout le monde savait que personne n'est prophète en son pays. Et je leur ai parlé du prophète Élie, ce prophète qui avait permis qu'après sa fuite une veuve du pays de Sarepta, ne manque jamais de farine et d'huile, tant que durerait la famille, et qui surtout avait redonné vie à son fils en invoquant le nom du Seigneur. Et je leur ai parlé du prophète Elisée qui avait guéri Naaman de sa lèpre, alors que les lépreux ne manquaient pas en Israël et que ce dernier, avait reconnu que le Dieu d'Israël était le seul vrai Dieu. 

 

Et le diable a soufflé en eux encore plus fort. Il voulait se servir d'eux pour me tuer. Ils se sont emparés de moi, ils m'ont poussé en dehors de la ville, comme un jour je serais conduit hors des murs de Jérusalem; et ils voulaient me précipiter sur les rochers pour que je me casse les os. Mais mon père a fait tomber sur eux cette berlue qui avait permis que les troupes envoyées par les araméens se trompent de route, et j'ai pu passer au milieu d'eux et continuer mon chemin. 

 

Mon chemin m'a alors conduit à Capharnaüm, et le combat contre le diable a continué. Mais mon père m'a donné des hommes qui se sont attachés à moi et qui apprendront que le règne de Dieu est là. Mais je sais bien qu'un jour à Jérusalem des hommes me pousseront hors des murs et que c'est là que je donnerai ma vie. 



 

Annexe. 


Travail sur le texte. 

 

24 Dans la synagogue de Nazareth, Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays.

 

25 En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ;

26 pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère.

 

Je pense que si Elie fut envoyé à Sarepta, (ce n'est peut-être pas neutre que ce soit le pays d'origine de la reine Jézabel), c'était quand même pour sauver sa peau. Trois ans de famine, en quelque sorte à cause de lui, il valait mieux prendre la fuite, et que le Seigneur prenne soin de son prophète et le maintienne en vie.

 

Et le Seigneur est reconnu dans ce pays païen. Peut-être faut-il faire un lien avec ce qui se passera pour la guérison de la fille de la syro-phénicienne. 

 

27 Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. »

 

Là encore la guérison permet à un pays païen de reconnaître la puissance du Dieu d'Israël. les lépreux venaient-ils voir ce prophète qui était quand même un personnage qui pouvait inspirer une certaine crainte. 

 

Le message de Jésus, sera universel. C'est peut-être ce qui se dit là. Si vous ne voulez pas de moi, j'irai voir ailleurs et les lépreux et les affamés viendront à moi. 

 

28 À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. 

29 Ils se levèrentpoussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. 

 

Beaucoup de verbes d'action, qui s'expliquent par cette furie qui s'empare d'eux; 

 

30 Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.

Cela évoque ce que Jean rapporte lors des conflits de Jésus à Jérusalem où plus d'une fois, il échappe à ceux qui veulent porter la main sur lui, voire même le lapider;

Mais c'est un verset qui m'a toujours fait rêver; on a l'impression qu'ils sont d'un coup comme endormis, et que Jésus doit continuer son chemin; comme un jour il prendra résolument la route de Jérusalem.

 

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