mercredi, novembre 14, 2012

"A propos des guérisons"


Jésus et les guérisons.

Après le billet que l’enfant épileptique, la question des guérisons par exorcisme a continué à me tarauder.

Je dois reconnaître que  considérer la maladie soit comme la conséquence de la présence en soi d’un esprit mauvais, soit comme liée au péché  (faute commise) par la personne ou par un ascendant (encore que l’on connaisse actuellement les conséquences des secrets de famille sur certaines maladies, et l’importance des disfonctionnements familiaux tant sur le psychisme que sur le somatique) est quand même quelque chose que me gêne, surtout quand je sais par ailleurs que la maladie est bien d’origine organique (lésion entre autre).

Alors ce billet est une réflexion un peu plus large sur ces guérisons rapportées dans les évangiles, guérisons qui prennent une grande place dans le début de la vie publique de Jésus, et qui ont contribué d’une certaine manière à sa perte (guérisons le jour du sabbat).

Parmi les guérisons, celle de la belle-mère de Pierre est une des premières. Jésus vient de choisir ses premiers disciples. Bien que ce soit un jour de sabbat, il a délivré un homme d’un esprit mauvais, puis il se rend dans la maison de Simon et d’André . où il apprend que la belle-mère de Pierre est malade. 
Suivant les évangiles il la prend par la main ou il interpelle la fièvre (comme si elle était une personne) et la fièvre la quitte.  Nous aujourd’hui dirions que la fièvre « tombe »  ce qui est un peu la même chose. Tout se passe comme si la fièvre était une mauvaise personne (personne que l'on n'avait pas  invité) qui était mise dehors, ce qui fait un peu penser à un exorcisme. On a d’ailleurs à peu près la même phrase dans l’épisode de la tempête apaisée, « il menaça » et le vent tomba (Mt8,23 Mc4,35 Lc8,22). Cet épisode ayant très tôt été interprété comme la manifestation de l’esprit du mal qui veut faire chavirer la barque qui représente l’église.

Assimiler les maladies ou les événements que l’on ne peut  maîtriser à la présence de forces mauvaises (même si un maladie ou une tempête sont « mauvais ») est pour moi difficile.

A quoi,  ou à qui doit-on attribuer les maladies qui nous atteignent, les infirmités qui nous frappent ? Dire qu’elles viennent de l’extérieur (un mauvais esprit) revient quand même à dire que l’on est coupable puisqu’on n’a pas été capable de lui résister. La confusion entre « pas capable »et« coupable » est hélas réelle. Par ailleurs nous sommes fragiles, et malgré tout ce que l’on écrit aujourd’hui sur une certaine toute puissance de la pensée sur le corps, tomber malade est le lot de chacun. Quant à naître avec une infirmité un handicap, qui aujourd’hui dirait que c’est lié à la faute des parents, encore que je connais une maman dont le petit garçon est venu au monde avec une grosse malformation de l’appareil urinaire et qui s’est entendue dire que c’était parce que qu’elle n’était pas mariée avec le père de l’enfant… Ceci se passe de tout commentaire.

On peut penser que certaines atteintes somatiques peuvent être la manifestation d’une atteinte psychique, (ne peut –on penser que si la belle-mère de Pierre est malade à ce moment là,  c’est parce qu’elle se fait un sang d’encre pour l’avenir de sa fille (la femme de Pierre). On peut imaginer l’inquiétude, le doute, la peur, sont comme des attaques de l’esprit mauvais (ne pas faire confiance)et permettent donc à la maladie d’entrer.

On peut considérer que la maladie comme liée à un mal-être psychique qui est entré en soi et qui a « contaminé »l’intime de soi et qui se manifeste par un dysfonctionnement somatique.
 Maintenant peut être que cette fièvre était tout à fait banale et que ce qui est rapporté c’est la sollicitude de Jésus (qui a pourtant eu une rude journée) pour cette personne.

Peut être faut il différencier les guérisons liées à des maladies telles que fièvres, perte de sang lèpres, (maladies qui peuvent aller jusqu’à la mort : fille de Jaïre, Lazare) de celles liées à des infirmités (cécité,  surdités, mutité, paralysies, atteintes cérébrales pouvant se traduire par des symptômes évocateurs d’une possession) qui semblent à cette époque là être considérées soit comme la conséquence d’un péché, soit comme une possession. 

En fait on ne sait pas grand chose des guérisons opérées par Jésus, on sait simplement « qu’Il les guérit tous » et parfois qu’on se serrait tellement autour de lui, que l’on pouvait plus bouger. On sait aussi « qu’une force sortait de lui ».

Les travaux en ethno psychiatrie nous ont permis de comprendre que pour être efficace, il faut employer un langage compris par les personnes qui viennent consulter. Il est possible alors que Jésus utilise le langage de son époque.  Dans la mesure où on lui dit : mon fils (ma fille est possédée par un démon qui …) Jésus si je puis dire s’adapte à la demande qui lui est faite (et peut être que cela est important aussi pour nous aujourd’hui : s’adapter à ce que l’autre pense, croit pour le faire ensuit évoluer, changer son regard, se convertir). Les apôtres par la suite utiliseront le « nom de Jésus » pour guérir et/ou chasser les esprits mauvais.

Si les auteurs des évangiles  insistent autant sur les démons chassés c’est que tout en s’appuyant sur les conceptions de l’époque, ils veulent certainement nous montrer quelque chose, puisque les évangiles sont une bonne nouvelle et qu’ils sont un catéchèse.  La bonne nouvelle (celle qui doit se répandre) c’est que Jésus est plus fort que le Malin, et qu’il guérit au nom de son Père. Il délie ce qui était lié, il rend vivant ce qui était mort. Il est plus fort que le démon qui a peur de lui. Il y a en lui une puissance surnaturelle qui est un don de Dieu.

Il d’ailleurs étonnant que l’évangéliste Jean ne rapporte pas d’exorcisme. Dans les récits de guérison, parfois Jésus pose un acte et l’accompagne d’une parole: il met de la boue sur les yeux de l’aveugle né et lui demande de se laver à la piscine de Siloé, il dit au paralytique de prendre son brancard et se lever ou il prononce une parole : ton fils est guéri (centurion), sors de ton tombeau (Lazare). Mais jamais il n’est question de dire que la maladie est l’œuvre du démon : « cette maladie est là pour l’œuvre de dieu puisse se manifester Jn 9,. Elle permet de comprendre la puissance de Dieu qui s’exerce en et par Jésus. Jésus est la lumière qui vient dans les ténèbres, qui lève les ténèbres et qui permet la vie donc la guérison.

On peut donc dire que les deux approches se complètent. Dans tous les cas il s’agit de montrer la divinité de Jésus dans son humanité et l’existence de ce lien entre lui et son père, lien  qui à la fois permet la guérison, mais qui en même temps révèle ce qu’est le Père.

L’avantage de voir les choses : ne pas oublier que l’évangile est d’abord et avant tout une bonne nouvelle qui nous montre qui est Jésus, permet de ne pas buter sur ces guérisons / exorcisme surtout quand nous savons que la pathologie est une pathologie lésionnelle, mais de voir en elles la puissance de la vie sur la mort. 

Je pense que pour moi, accepter de ne pas me focaliser sur mes connaissances, de ne pas les utiliser comme un frein,  devrait me permettre de  mieux appréhender la Vie qui est donnée.

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