samedi, juillet 20, 2013

Récit de la sortie d'Egypte: Exode 12,37-42


La sortie d’Egypte ou l’histoire d’une « expulsion ».

En réfléchissant ce matin à ce texte, il m'est venu l'idée, en reprenant certains mots employés par le rédacteur, que la sortie de la terre d'Egypte peut se comprendre comme l'histoire d'une expulsion. Et de là m'est venue l'image de la naissance, car la mise au monde d'un être humain se fait bien par une expulsion. Les mots qui m'ont servi de support ont été: la ville de Ramsès, les troupeaux de boeufs, "chassés d' Egypte", la durée du séjour et enfin les armées du Seigneur. 

Quand on vit plus de quatre siècles sur une terre, elle devient la vôtre, surtout quand votre terre d'origine (celle de Jacob) ne vous appartenait pas quand vous l'avez quittée. Même si vous ne prenez pas toutes les coutumes des habitants, il est bien évident que c'est là où vous vous sentez chez vous. Alors quitter cette terre, même si depuis une génération la vie y est devenue insupportable, n'est pas facile. Il est bien possible, quand on lit les difficultés rencontrées par Moïse par la suite, que cette expulsion ait été vécue comme un traumatisme, et qu’il ait fallu bien du temps aux exilés (car pour beaucoup quitter une terre sur laquelle on a vécu plus de 4 siècles est certainement un exil) pour admettre la réalité et s’en remettre.

La sortie de la terre d’Egypte peut s’entendre comme un combat entre deux Dieux, le Dieu Unique qui sera un Dieu qui sauve de l’esclavage, et Pharaon qui représente les Dieux de la terre d’Egypte qui veulent garder pour eux tout un peuple, le soumettre pour en faire leur objet. On peut comprendre alors le passage de la Mer rouge comme l’ultime tentative du Dieu du mal (l'Egypte) pour reprendre le contrôle de celui qui lui échappe. Sa mise à mort signe la victoire du Dieu d’Israël et fait d'Israël un peuple libre, mais qui aura bien du mal à assumer cette liberté.

      La première réflexion qui m’est venue est liée au nom de la ville d'où partent les Hébreux pour aller dans le désert : Ramsès. Cette ville qui porte le nom du pharaon doit être une ville dédiée à sa gloire, à sa puissance, à sa divinité. Ils y étaient réduits à faire des briques. Les briques, cela évoque dans le livre de la Genèse la construction de la tour de Babel. Les hommes parlaient une seule langue, "briquetaient", et comme l'explique André Wénin étaient soumis à un régime totalitaire, ce qui était bien le cas des Hébreux. Maintenant si on admet les thèses de Joseph Davidovits(1), qui démontre que Joseph était le détenteur d'un secret permettant de fabriquer des ciments et des citernes qui ne fuyaient pas, quelle déchéance que de finir en faisant des briques avec de la paille!

Ramsès veut avoir une ville (ce qui remplace la Tour de Babel) qui sera le symbole de sa force, de sa grandeur, et en tant que Pharaon n’est-il pas un Dieu? Quand Moïse lui demande de donner trois jours de repos à son peuple pour aller dans le désert à la rencontre de leur Dieu, ne s’agit il pas déjà de faire comprendre à Pharaon qu’il n’est pas un Dieu ? Ceci explique alors le refus opposé à ce départ: ils ne reviendront pas, je perdrais mes esclaves; et je ne serai plus leur Dieu. Quitter la terre d’Egypte c’est bien sortir du joug humain.

     La seconde c’est le troupeau qui accompagne le peuple. Partir dans le désert avec des moutons et des bœufs en quantité, quand on sait que le bœuf est quand même le représentant de l’Egypte (le bœuf Apis) il me semble que ce n’est pas rien. Ils prennent en otage le Dieu porteur du soleil entre ses cornes. 

Et de là est venue l'image d’un combat des Dieux, Dieu d’Israël et Pharaon, qui à lui seul est tous les Dieux « mauvais », qui veut ce grand peuple pour lui tout seul, pour le garder à son service, pour en faire son esclave.

     La troisième idée est liée au mot « chassés » - sans avoir eu le temps de faire des provisions sauf des galettes sans levain (du moins la pâte); mais n'oublions pas que dans un autre texte il est rapporté que les voisins des Hébreux leur donnent de l'or et des bijoux au moment où ils quittent le pays, ce qui modère un peu le misérabilisme (Ex 11, 12 et Ex 12, 35)
Avant eux, le livre de la Genèse dit d’Adam et d’Eve qu’ils ont été « chassés » du paradis terrestre. Peut être que l’auteur du livre de l’Exode, au fond de lui, considère l’Egypte comme un paradis dont le peuple a été expulsé (mais sans avoir rien fait de mal puisque ce n’est pas lui a provoqué le dernier fléau) et que au fond de lui restera le souvenir d’un « utérus » où il pouvait recevoir de la nourriture, en oubliant l’esclavage…

On note aussi cette foule disparate qui l’accompagne. Espèrent-ils que la fête pour leur Dieu va se transformer en méchoui géant (avec les moutons), ou bien s’agit il d’autres habitants de la ville qui aimeraient profiter de ce départ pour quitter le pays ?

     Enfin la dernière idée qui m’est venue est liée au texte lu le jour précédent Ex 11,10.12,1-14, qui est le récit du sacrifice de l’agneau « pascal », du sang mis sur les linteaux, et de la mise à mort des premiers nés d'Egypte: on pourrait dire qu'une naissance se fait dans le sang, le sang de la mère.

Le sang des premiers-nés est le signe que le travail est commencé et que l’expulsion est proche. Il a fallu la mort de tous ces fils pour que le peuple naisse à la liberté et apprenne aussi petit à petit à connaître Celui qui avait provoqué l’expulsion. La mort de tous a permis la  naissance d’un seul. 

Pour nous il en va autrement : c’est la mort du Fils (un seul), l’Agneau, qui par le sang répandu (comme jadis le sang sur le linteau des portes) donne la vie à tous. Sa mort est notre mise au monde.

Si on regarde l'Egypte comme la terre maternelle du peuple, les difficultés de Moïse se comprennent mieux, car refaire le cheminement d'Abraham, tout quitter sur la foi d'une promesse n'est jamais facile quand on sait ce que l'on a laissé derrière soi.

(1)La Bible avait raison, tome 1, L’archéologie révèle l’existence des Hébreux en Égypte, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2005 (ISBN 2-86553-182-1).

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