dimanche, août 25, 2024

JEAN 6, 60-71 21° DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE. AOÛT 2024

 JEAN 6, 60-71  Les conséquences de l'enseignement de Jésus.  

 


 

Pas facile ce découpage, proposé par la liturgie. 


Que les paroles de Jésus soient rudes, c'est plus qu'évident. Pour les entendre, pour qu'elles fassent sens, elles nécessitent de croire en celui qui est là, qui prend la parole, qui enseigne, qui explicite avec ses mots à lui, cette relation entre lui et son Père. 

 

Ces paroles obligent aussi à faire une sorte de saut, ne pas s'attacher au concret, comprendre comme le dit Jésus que c'est l'Esprit qui fait vivre et que les paroles qui sont écrites là, après avoir été prononcées, sont esprit et elles sont vie. 


Mais pour ma part, sans le don de l'Esprit, sans le renouvellement de l'intelligence, cette gymnastique qui oblige à faire du sans filet et finalement à avoir une confiance totale en celui qui parle et qui promet cette vie éternelle et cette résurrection, est loin d'être facile. 

 

Ce qui est frappant, c'est que ce chapitre se termine de manière abrupte, qui va avec les paroles "rudes". Les disciples partent, les apôtres restent, mais on sait que l'histoire se terminera mal, comme si, dès ce moment Judas, (que Jean à mon avis déteste), avait déjà résolu de livrer ce Rabbi, qui dit des choses qui sont source de scandale et qui n'a pas saisi l'occasion de prendre le pouvoir, ce qui aurait été possible après la multiplication des pains.

 

J'avais dans un premier temps imaginer de faire raconter cette fin par par André, le frère de Simon-Pierre. De fait il est le premier à avoir suivi Jésus, et il est celui qui a trouvé le jeune garçon avec ses cinq pains et ses deux poissons, et qui a donc permis cette manne, puisqu'il faut bien un quelque chose pour que le miracle se fasse.  Et puis c'est un peu pour le réhabiliter, car c'est lui qui a conduit son frère Simon à Jésus, et c'est ce dernier, qu'on peut supposer être le cadet, qui prendra la première place, comme bien souvent dans la Bible. 

 

Mais voilà, même si cette idée reste en arrière-plan, il m'a semblé que faire parler Jésus, était peut-être ce qu'il y avait de mieux. Il a parlé en "vérité" et tous ou presque l'abandonnent, se détournent de lui, lui tournent le dos. Et même ses disciples de cœur, ceux qu'il a choisi, ceux dont l'évangéliste nous donne certains prénoms, ont-ils supporté ces paroles? Ne vont-ils partir eux-aussi… Alors les paroles de Simon-Pierre, comment vont-elles résonner en Jésus? Il est d'ailleurs difficile de ne pas les rapprocher de ce que l'on appelle "la confession de Pierre" dans les synoptiques, "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant", des paroles prononcées ce jour là, mais qui ne peuvent être dites que parce que Simon écoute ce que le Père lui fait dire. 

 

Si je parle des synoptiques, c'est que la confession de Pierre avec la primauté qui lui est conférée à cette occasion et ce récit qui termine ce chapitre, c'est un peu la même chose. C'est Simon Pierre qui est en quelque sorte le porte-parole du groupe des douze, mais c'est lui qui en sera le chef, même si dans l'évangile de Jean, on ne peut pas dire qu'il ait le beau rôle, ke beau rôle étant celui du disciple bien-aimé qui lui croit non pas que Jésus est le messie attendu, mais qu'il est bien plus que cela, qu'il est Présence du Père, qu'il accomplit ce que le Père lui dit de faire, et que sa Présence à Lui, en nous, nous permet de demeurer dans le Père, ce qui est bien avoir en soi la Vie Éternelle.

 

 

 

Jésus raconte.

 

Je me doutais bien que ceux qui se disaient mes disciples, mais qui finalement me suivaient surtout parce qu'ils étaient étonnés par ce que je faisais, mais qui n'écoutaient pas vraiment ce que je disais, seraient scandalisés. Et scandalisés, ils l'ont été, mais ils sont passés d'une certaine ouverture, quand ils m'ont demandé ce qu'il fallait faire pour travailler aux œuvres de mon Père, à une fermeture totale, quand j'ai affirmé que celui qui croit en Moi, celui qui se nourrit de moi, qui me mange, qui m'incorpore, celui-là, il aura la vie éternelle, cette vie après laquelle ils courent tout en interprétant la loi, en la décortiquant, en essayant de faire, alors qu'il suffit juste de croire en moi. Je me demandais d'ailleurs comment les douze(1) eux allaient réagir. 

 

Ces disciples, Ils étaient dans une partie de la synagogue, ils parlaient entre eux, mais moi, je savais bien qu'ils récriminaient entre eux. Et qu'ils étaient très fâchés. Un jour, un proverbe dira: "on ne prend pas les mouches avec du vinaigre", et pourtant c'est ce que j'ai fait, parce que je voulais qu'ils choisissent vraiment. En fait, je crois qu'ils se sont désignés eux-mêmes comme disciples, mais que mon père ne les a pas choisis, qu'ils n'ont pas été attirés par lui. Suivre un homme qui vient de donner à manger à plus de cinq mille personnes, c'est facile. Suivre un homme, dont ils disent connaissent les origines, c'est facile, mais suivre un homme, qui est la Parole de Dieu, qui est le Verbe de Dieu, qui était là dès le commencement, c'est autre chose. Je ne leur en veux pas, mais les voir partir, cela me peine. Mais je me demande si Judas n'est pas aussi perturbés qu'eux. 

 

Les douze les ont vu partir. Je leur ai demandé s'ils voulaient partir eux-aussi. Je veux qu'ils se sentent libres. Et là, Simon-Pierre, a dit des mots inspirés par mon Père. Il m'a regardé dans les yeux, et il m'a dit, que les paroles que je disais, ces paroles si rudes, elles étaient des paroles de vie, et que ces paroles, j'étais le seul à les prononcer, à les affirmer, à les dire. Il a dit que j'étais le Christ, le Saint de Dieu. Il a reconnu avec ses mots à lui, que je suis le chemin, la vérité, la vie. Mais ce que j'ai aimé dans ce qu'il disait, c'est que sans moi, il était perdu. Il m'a donné une grande joie. Mais j'ai vu le regard noir de Judas, et mon cœur a saigné. Un jour, il me livrera, quand la déception sera à son apogée. Pauvre Judas. Non il n'est pas un démon, même si le démon a pu envahir son cœur, il ne sait plus où il va, lui il est perdu. Et pourtant, ceux que mon Père m'a donné, ceux qu'il a choisi pour moi et avec moi, je ne veux pas qu'ils se perdent. 

 

Nous avons quitté la synagogue. Le repas pascal nous l'avons pris chez Simon, et nous sommes restés en Galilée, parce que certains veulent me tuer pour mes propos. Et mon heure n'est pas encore venue.

 

(1) L'évangéliste parle là, des "douze", mais dans les récits on trouve au chapitre 1, l'appel d'André et de Simon, de Philippe et de Nathanaël. Plus tard on rencontrera les noms de Thomas et de Jude. Celui de Judas apparait très tôt. Si on compare avec la liste donnée par Matthieu, il manque surtout les fils de Zébédée, et Matthieu: Mt 10, 2-4 02 Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;03 Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ;04 Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.

 

 

André raconte, nous raconte..

 

 

Et bien là, si je peux m'exprimer ainsi, "chapeau à mon frère". Là, il a rudement bien parlé, mon petit frère, mon cadet. Nous étions restés seuls avec lui, nous je veux dire ses apôtres, ceux que vous appelez les douze. Vous en connaissez certains, pas tous. Il y a moi André et mon frère Simon que Jésus a surnommé Pierre, il y a Philippe, Nathanaël, celui qui passait du temps à comprendre la loi et les prophètes. Il y a eu Thomas, celui dont le prénom signifie jumeau, ce qui laisse à penser qu'il a eu un petit frère avant lui qui n'a pas vécu et dont il aurait dû prendre la place, le remplacer, il y a Jude, mais aussi Judas, celui qui sera le maillon faible, il y a les deux autres de Bethsaïde, Jacques et Jean, Matthieu le publicain  et deux autres..

 

Quand je dis seuls, c'était vraiment seuls. Du monde il y en avait eu, après le signe qu'il avait fait en leur donnant du pain et du poisson à satiété, (vous savez ces cinq pains d'orge et ces deux poissons qu'un jeune garçon a accepté de me donner et qui ont nourri cinq mille hommes). En plus de nous, il y avait des juifs pratiquants, très pratiquants, qui comme Nicodème étaient intrigués par notre Rabbi, mais qui étaient relativement hostiles à tout changement. Il y avait ceux qui se disaient disciples. Et même ceux-là, ils ils sont partis, parce qu'ils ne comprenaient pas ce que Jésus leur disait en affirmant que le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde.  Ils n'ont pas compris ou pas voulu entendre qu'il parlait de lui. Il disait encore qu'il était le pain de la vie, et que celui qui vient à lui n'aura plus jamais faim et que celui qui croit en lui n'aura plus jamais soif. 

 

Quand il parlait de la soif qui est apaisée, moi je pensais à cette femme de Samarie, celle qui venait puiser de l'eau en plein midi, à qui il avait dit que celui qui boit de l'eau que lui seul pouvait donner, cette eau deviendrait en lui une source d'eau jaillissante pour la vie éternelle. Moi, cette image de la source qui ne tarit pas, qui jaillit en permanence, c'est l'image de la vie, et cette image je la porte en moi, car Jésus, c'est ce qu'il est, cette source, cette eau vivante

 

Il leur a dit et répété que croire en lui, croire qu'il était descendu du ciel, c'était cela (et pas d'obéir à la loi) qui donnerait la vie éternelle, cette vie que les pharisiens cherchent sans cesse sans la trouver, et qu'au bout la résurrection serait donné par lui. 

 

Il faut dire que lorsqu'il a dit que pour avoir cette vie éternelle il fallait le manger lui et boire son sang, c'était quand même un peu révoltant, énorme même.  Mais s'ils connaissaient Jésus, ils sauraient qu'il ne faut pas prendre les choses au pied de la lettre, mais aller ailleurs et par exemple se souvenir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, que la parole est une lampe, que la parole est vie. Mais cela ils l'ont oublié, ils n'ont pas compris et ils lui ont tous tourné le dos, sauf nous. 

 

C'est alors qu'il nous a demandé si nous aussi, nous voulions partir. Et c'est là que dans le silence qui a suivi mon frère a pris la parole et a dit ce que nous étions incapables de formuler, à savoir qu'il était notre chemin, que lui seul avait les paroles de la vie éternelle et c'était lui et lui seul que nous suivons. Il a affirmé que nous, nous croyons et nous savons qu'il est le Saint de Dieu.

 

La réaction de Jésus a été bizarre. Il nous a tous regardés les uns après les autres avec une certaine tristesse. C'est vrai que lui, il sait ce qu'il y a dans l'homme. Il a ajouté qu'il nous avait sélectionnés, choisis, mais que le diable était déjà à l'œuvre pour qu'il soit livré comme un agneau à la haine des hommes.  Mais cela, nous avons fait comme si nous n'avions pas entendu. Puis nous avons quitté la synagogue et la vie a repris. Nous avons préféré rester en Galilée et attendre un peu, peut-être pour que les remous se tassent et Jésus puisse retourner à Jérusalem sans se faire lapider.

 

 

Travail sur le texte

 

60 Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? »

 

Il ne s'agit plus "des juifs", qui a priori sont opposés à ce qu'ils entendent, qui ont le cœur endurci, mais des disciples, des hommes qui ont peut-être vu les miracles, mais là, sont dépassés. Une parole rude, c'est une parole difficile, qui fait même de la casse, qui peut abîmer. Là pour eux, trop c'est trop.

 

61 Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ?

62 Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !...

 

 

Ce qui est étonnant si on lit simplement c'est que d'un côté il y a ce groupe de disciples déçus, qui récriminent entre eux, mais qui ne s'adressent pas à Jésus et peut-être le groupe ""Jésus et les douze. Jésus leur montre qu'il sait ce qui se passe pour eux. Ce qui est étonnant c'est que le verset 62, est très proche de ce que Jésus a dit à Nathanaël, Jn 1, 1 "Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » Il y a bien une affirmation qui va dans le sens du Prologue, il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu, mais il y a bien un lieu, un ailleurs, où il retournera.

 

 

63 C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.

 

Peut-être que là, se trouve la clé. Les paroles sont esprit mais elles sont vie, elles sont donc nourriture. 

 

64 Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait.

65 Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »

 

L'auteur, montre ici l'omniscience de Jésus, qui bien qu'il n'ait pas entendu, sait ce qui se passe, de même qu'il sait qu'il sera livré par un des siens. Et c'est la reprise du verset 44; nul ne peut venir à Jésus si cela n'est pas donné par le Père. 

 

66 À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.

 

Paroles peu efficaces, puisque beaucoup s'en vont.

 

 

67 Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »

 

Peut-être que Jésus sent ou sait que même parmi les douze, ça passe mal, ces paroles. Et il les laisse libre de partir (ou de rester). 

 

68 Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.

69 Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »

 

Ici, Simon-Pierre est bien inspiré. Il a compris que les paroles dites sont des paroles qui donnent la vie autre, la vie qui vient de Dieu. La phrase suivante pour moi évoque ce que dit le peuple à Moïse, au moment du choix, après le don du décalogue. 

Ici,  c'est "nous croyons", donc la foi en premier (ce qui renvoie bien au don fait par le Père, pour reconnaître en Jésus l'envoyé), et ensuite le savoir, qui permet de dire que l'homme qui est là, est le saint de Dieu, celui qui est rempli de la Présence du très haut. Les versets que l'on trouve dans l'Exode et le Décalogue sont :

- Ex 24, 7: Nous ferons tout ce que l'éternel a dit, et nous obéirons(je crois qu'obéir et écouter sont un seul et même mot en hébreu).

- Deut 5, 27: "tu nous rapporteras tout ce que te dira l'Éternel, notre Dieu, nous l'écouterons et nous le ferons".

 

 

70 Jésus leur dit : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze ? Et l’un de vous est un diable ! »

71 Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote ; celui-ci, en effet, l’un des Douze, allait le livrer.

 

Le chapitre se termine bizarrement. On sait déjà que l'un des douze, un de ceux choisis par Jésus sera celui qui le livrera, et là, Jésus parle de l'un des douze qui serait un diable, et l'auteur appuie le trait en nommant Judas, ce que Jésus ne fait pas et ne fera pas, puisqu'après le lavement des pieds, Jésus dira simplement à Judas, ce que tu as à faire, fais-le. Et les autres ne comprennent pas qu'il s'agit de livrer leur maître. Mais il y a le choix de Dieu, puisque c'est lui qui a choisi et donc la soumission du Fils au choix du Père, et donc la vision dès le début de la trahison et du sang versé. 


Un texte plus ancien qui donne peut-être une vision plus globale de cet enseignement: https://giboulee.blogspot.com/2019/12/le-pain-que-je-donnerai-cest-ma-chair.html

 

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