Ce billet se veut une réflexion sur le Mal. Ce n'est pas la première fois que j'aborde ce sujet, mais là c'est peu différent et je dois reconnaître que c'est difficile car il ne s'agit pas du malheur mais du mal commis qui fonctionne un peu comme un tsunami dévastateur, qui lamine pour le plaisir de laminer, qui détruit pour le plaisir de détruire et d'avilir. C'est un mal dirigé contre ce qu'il y a d'humain dans l'homme.
La récente lecture d'un roman : "Tokio" est à l'origine de ce questionnement. Comme souvent je me suis demandé quelle est la réponse peut on trouver dans la bible quand le Mal est au delà du mal. Le mal peut -il être vaincu "aujourd'hui"? Et m'est revenu un refrain appris lors d'un pélèrinage de Chartres,"la victoire que a vaincu le monde, c'est notre foi" qui aurait pu être une réponse, seulement voilà, aujourd'hui je trouve que telle quelle cette phrase n'a aucun sens. J'y reviendrai.
Par ailleurs, j'aurais tendance à dire que la mort et le mal sont là depuis toujours, qu'ils n'ont pas été introduit par la désobéissance (désobeissance qui en soi est une bonne chose puisqu'elle permet que les yeux s'ouvrent et que l'extérieur soit conquis) et que le mal est (si on veut être positif) un excellent moteur. Quand il est dit (Gn1) que le chaos (régnait ) ne peut -on penser qu'il a fallu combattre pour séparer, pour créer et rien ne dit que ce fut facile! Je me demande si si le serpent qui est à l'extérieur du jardin (Gn3) n'est pas une figure du "retour du refoulé"... Mais ceci est une parenthèse.
Je pense qu'on oublie un peu trop souvent que le mal est présent et qu'il y a un réel combat (nous savons bien ce qui parfois se passe en nous. peut être que le livre de l'Apocalypse est précieux à ce niveau là: combat permanent avec les forces du mal).
J'aurais aussi tendance à dire que la mort de Jésus est pas uniquement une réconciliation avec Dieu présenté non comme un Dieu de miséricorde et d'amour mais comme le Dieu de la Colère qui vient et de la Vengeance "car le Dieu Père, sait bien que que nous sommes fragiles, fluctuants souvent incapables de faire ce que nous aimerions faire ) mais le prix à payer pour que le mauvais- celui qui se prend pour Dieu- perde son combat. Peut être a t il cru gagner une fois Jésus mort, mais la résurrection est bien le signe qu'il n'en n'est rien et que la mort et le MAL peuvent être vaincus, du moins qu'ils le seront.
Mais peut être y a t il mal et Mal. Le Mal dont il est question dans le roman c'est ce mal qui détruit non seulement le corps mais qui va au delà. Il renvoie à ce qui s'est passé pendant la deuxième guerre mondiale et mais aussi à ce qui se passe dans les pays en guerre, où les civils sont pris pour cibles et considérés comme des objets, et peut-être même moins que des objets.
J’ai trouvé il y a quelques jours un texte qui est une somme de plusieurs
textes, tous remarquables qui posent la question du mal à propos des femmes
violentées dans la région des grands Lacs d’Afrique.
Voici le lien http://www.lavie.fr/actualite/monde/guerre-du-kivu-des-chretiens-au-chevet-des-femmes-violees-27-11-2012-33610_5.php.
Il suffit ensuite de télécharger le document en pdf. Ce texte pourrait peut
être servir ici en Europe, car le Mal ce n’est pas ailleurs et les abus sont aussi
réels en Europe qu’en Afrique. Quand le mal déferle comme un tsunami sur une population que faire?
J’en reviens maintenant à ma propre mouture.
J'ai donc lu ce livre« Tokio » dont l’auteur est Mo Hayder. Il s’agit d’un thriller magnifiquement
écrit, qui décrit entre autre l’invasion japonaise de la Chine
en 1937, le sac de Shangaï et celui de Nankin. Une des questions posée tourne
autour du mal commis. Pourquoi certains êtres humains (mais sont ils encore
humains) se transforment ils en monstres capables de prendre la vie des autres
pour s’en nourrir (et là au sens propre de cannibalisme) ou pour le dire autrement pourquoi certains êtres humains
dans leur désir de tuer, d’annihiler pour devenir les plus forts, se transforment-ils en monstres.
Ce qui est décrit au fil
de ce roman, c’est le Mal avec un M majuscule. Il s’agit non pas de détruire
mais de détruire au delà de la mort. Or cela se passe chaque fois que quelqu’un
s’érige en dieu et décide de faire da propre loi en devenant le plus puissant
possible et en faisant régner la peur (c’est ce que nous voyons dans notre société dans les cas de
maltraitance domestique).
L’auteur du roman fait une différence entre les personnes qui font le mal pour leur propre profit, pour leur jouissance et ceux qui étant eux mêmes en grande souffrance, ne se rendent pas vraiment compte de ce qu’ils font. Elle appelle cela l’ignorance et cela fait penser à ce que Jésus dit de l’intendant qui connaît la volonté de son maître et ne la suit pas et qui de ce fait sera d’avantage puni (coups de bâtons) que celui qui ne connaît pas ce que le maître attend de lui (Luc 12,47).
L’auteur du roman fait une différence entre les personnes qui font le mal pour leur propre profit, pour leur jouissance et ceux qui étant eux mêmes en grande souffrance, ne se rendent pas vraiment compte de ce qu’ils font. Elle appelle cela l’ignorance et cela fait penser à ce que Jésus dit de l’intendant qui connaît la volonté de son maître et ne la suit pas et qui de ce fait sera d’avantage puni (coups de bâtons) que celui qui ne connaît pas ce que le maître attend de lui (Luc 12,47).
Jésus dans les évangiles ne donne pas d'explications à la question du mal. Quand on lui parle des galiléens mis à mort par Pilate, il répondra que ces hommes ne sont pas plus pécheurs que les autres (donc pas plus mauvais et par conséquence que ce qui leur est arrivé n’est pas une punition), mais que ceci doit pousser les spectateurs à se convertir, c’est à dire à changer. De même pour l’aveugle né, il dira que ni lui ni ses parents n’ont péché (donc cela n’est pas la conséquence d’un acte mauvais) mais que cela va avoir un sens aujourd’hui pour ceux qui sont là (et aussi bien sûr pour celui que est guéri). Ce qui est certain c’est que Jésus ne fait pas de lien entre le mal qui arrive à quelqu’un et une faute commise (thématique chère aux amis de Job) et c'est déjà très important de comprendre que le malheur n'est pas une punition, mais il ne l’explique pas.
Il y a quand même une phrase un peu étrange prononcée par Jésus dans l’évangile de Mattieu (10,28): « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la Géhenne à la fois l’âme et le corps ». Je crois que cela exprime une crainte très réelle, il y a des situations « infernales » dans lesquelles l’âme risque d’être détruite, déshumanisée aliénée. Elle ne sait plus qui elle est, elle risque de devient en quelque sorte la proie du Mal.
Les écrits de E.Hillesum, montrent qu’il est possible, du moins à certains, de refuser cela. Elle a refusé de se laisser détruire, elle a refusé le désespoir, elle a maintenu en elle la vie, et la vie avec un Dieu qu’elle voulait protéger, maintenir vivant. Il semble que ce soit le chemin car en faisant cela elle aimait à la fois ceux qu’elle rencontrait et le Dieu qui était au cœur de son cœur. Mais est-il possible pour tous ?
Résister à ce mal qui
prend votre identité, qui vous réduit à l’état d’objet, ne pas plonger dans les
ténèbres, c’est certainement ce qu’a fait Jésus à Gethsémani et sur la croix,
mais sans que pour autant le Mal en tant que tel ne soit vaincu. Je veux dire
que certes la mort a été vaincue puisque Jésus est le
Vivant, mais à moins d’être aveugle, il est impossible de dire que nous vivons
dans un monde où le Mal serait absent. Il s'agit d'un combat et le combat est actuel et de ce combat nous sommes parties prenantes comme le Christ l'a été.
On dit encore souvent que la Mal a été vaincu par la croix. Mais je ne pense pas qu'il s'agisse de l’objet « croix » mais de bien autre chose. Bien sûr la croix c'est ce truc en bois sur lequel on mettait à mort par étouffement les malfaiteurs. elle a donc cette connotation d'objet de répulsion (une potence parle peut être mieux tellement nous sommes habitués à la représentation de la croix)qui devient objet de notre adoration puisque par la mort de l'un, la vie a été donnée à tous les autres. Mais je pense que la croix de Jésus c'est sa souffrance de ne pas avoir été entendu, d'avoir été abandonné par les siens (même si cela leur a permis de rester vivants , de recevoir l'Esprit et de devenir ses témoins) et surtout au delà même de la trahison de l'un de ses proches de n'avoir pas pu faire bouger ceux que Dieu avait choisi pour annoncer le salut à tous les peuples (message des prophètes).
La croix de jésus c'est son échec si l'on peut dire. Quand Il dit: si quelqu'un veut me suivre qu'il prenne sa croix, je pense que la croix dont il parle c'est la même chose que le grabat que le paralytique doit porter. Je veux dire que le grabat était le signe de la maladie, de sa paralysie et de la guérison. Prendre sa croix (c'est un geste actif qui s'oppose au passif de porter) c'est reconnaître sa fragilité, sa capacité à ne pas faire le bon, mais à ne pas se laisser écraser par la culpabilité; Jésus nous guérit de cela, de cette culpabilité qui paralyse, emprisonne et fait de nous des morts.
Je crois (ou j'imagine) que ce que vit Jésus au jardin des oliviers c’est une vision du mal qui enserre tous les hommes et qui va provoquer chez lui cette compassion qui travaille au plus profond des entrailles jusqu’à les déchirer, et qui le met en « agonie ». Que Jésus ait eu peur de ce qui l’attendait, oui, parce que pour devenir agissante cette passion devait aller jusqu’au bout, corps et âme, mais nous ne sommes pas absents de sa souffrance: je pense qu'il voyait bien au dela de sa mort à lui et que sa souffrance était sous-tendue par sa compassion pour nous.
La résurrection nous permet d’entrevoir que désormais, en nous laissant aimer et en essayant d’aimer comme Il l’a montré, nous pourrons être vainqueurs du Mal (ce qui ne veut pas dire que le malheur nous sera épargné), que nous ne serons pas maîtrisé par cette force que nous subissons malgré nous. Elle ne nous détruira pas, elle ne tuera pas ce qui est de l’humain en nous.
Comme je le disais dans le début de ce billet, à condition de prendre une autre traduction, on trouve dans la première épître de Jean une
réponse théologique (si l’on peut dire) à la question du mal la voici (à condition d'entendre par "monde" le lieu où le Mal est présent en maître:
1 Jn 5 :
4"parce que
tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde, et voici la victoire qui triomphe du monde : notre foi. 5Qui est celui qui triomphe du
monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu" ?
En d'autres termes croire en Jésus comme le sauveur, le Fils de Dieu et apprendre chaque jour à aimer comme Lui a aimé, nous permet de vaincre les ténèbres dans lesquelles nous vivons même si nous ne le voyons pas (parce que la cécité c'est un peu notre lot), et donc de vaincre le mal.
Savoir que Jésus est vainqueur des forces qui
voulaient sa mort, savoir qu’il est tous les jours avec nous et qu’Il nous
donne son Esprit peut nous permettre un jour après l’autre de résister à ces
forces, qui pour moi sont autant en nous (cette bête tapie en nous qui nous
convoite Gn4, 7) qu’à l’extérieur de nous .
Alors que pouvons nous faire? Je dirai en utilisant cette définition du salut ( « En Christ, l´accomplissement du Salut réconcilie l´homme avec sa dignité première là où le péché l’en avait parfois écartée ») faire tout ce qui est possible pour chacun d'entre nous pour réconcilier l'homme avec sa dignité.
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