vendredi, avril 05, 2013

A propos des personnalités multiples.


Là encore il s’agit d’un texte un peu brouillon qui correspond à ce que j’essaye de théoriser au jour le jour dans les relations que je peux nouer avec des personnes ayant vécu des abus sexuels dans leur enfance. 

Par expérience je sais que ces personnes lorsque quelqu’un les regarde avec d’autres yeux et surtout lorsque que l’on croit à leur histoire(alors qu'elles n'ont jamais pu être entendues)  se sentent pour une fois aimées et comprises. Le transfert qui se crée (désolée d’employer un terme technique) est un transfert massif, brut -si je puis dire- qui va reproduire une relation d’emprisonnement entre le thérapeute et son patient. 

Ces personnes ont été liées dans leur enfance par de véritables câbles relationnels leur interdisant tout regard sur l’extérieur. Et elles vont reproduire cela avec la personne devenue leur objet d’amour, dans une relation souvent très difficile à supporter et qui nécessite beaucoup de doigté de la part du thérapeute pour que la relation ne se rompe pas mais en même temps pour qu’elle ne se rigidifie pas. Tout changement même minime et voire indépendant de la volonté du thérapeute sera toujours vécu comme un abandon, un désamour et une grande culpabilité.


Un certain nombre d’églises proposent un accompagnement spirituel pour ces personnes qui ont été blessées, meurtries. Cela a du bon quand le but est de faire une expérience interne où l’on rencontre un Dieu qui vous prend telle que vous êtes et qui vous donne la certitude d’un amour présent et inconditionnel. Il est évident que si le but est de « pardonner aux agresseurs » avant de « se pardonner à soi », et donc de se culpabiliser (alors que l'on vit dans la honte d'avoir vécu ce que l'on a vécu) alors que se pardonner à soi permet enfin de lever la culpabilité, alors là on est dans le terrorisme qui reproduit le terrorisme vécu dans l’enfance. 

Mais je crois que l’accès au spirituel (au divin diraient certains) permet de se pardonner à soi, car on fait l’expérience d’avoir de la valeur, d’être aimé, de ne pas être rejeté ni abandonné et ce quoique l’on ait fait et quoique l’on fasse. 
Ensuite il devient possible de changer les comportements toxiques qui sont en soi, et de travailler à apprendre à aimer les parties dissociées. 

Une thérapie bien conduite permet d’accéder au vivant qui est en soi et du coup d’accéder au spirituel. Je demeure très critique parfois révoltée envers les spiritualités qui imposent le pardon  à l’agresseur comme préalable à toute guérison.


Ce billet est un peu un patchwork, j’en suis désolée, mais c’est ainsi pour le moment.

I- Réflexions sur les personnalités multiples.

Etant une psy de la vieille école, j’ai un peu de mal avec les personnalités multiples, décrites par exemple dans le « Soi hanté », et surtout avec les combats qui peuvent exister entre elles, mais je reconnais que c’est une approche intéressante. Par contre je me demande quand même où sont passées les notions de Ça de Moi et de Surmoi, qui permettent de comprendre les strates des identifications (ou incorporation) des figures parentales (au sens large). Mais peut être que justement les PE qui sont des identifications à l’agresseur, permettent de faire la synthèse. Est ce que ces identifications permettent une mise sous contrôle de ces parties dissociées, cela reste une question.

Ne pas considérer la ou les dissociations comme des mécanismes psychotiques, mais comme des mécanismes de défense est très important et permet de comprendre un peu la souffrance que vivent ces personnes, car la dissociation n’est pas une partie de plaisir. Je veux dire que l’on s’imagine qu’une partie se met à l’abri pendant qu’une autre subit, mais je ne pense pas que ce soit si simple. Simplement ne pas mettre une étiquette de psychose est très important car il s’agit d’une tentative de défense, qui se met en route automatiquement dès qu’une situation peut rappeler quelque chose du traumatisme, et cela reste très insécurisant dans la vie de tous les jours.

Les travaux sur les traumatismes et sur leur impact est très important et très utile pour mieux comprendre le fonctionnement des personnes victimes de maltraitances et/ou d’abus sexuels dans l’enfance et l’adolescence.

Je me rends compte que apprendre à les reconnaître (ces personnalités qui provoquent un changement de style, de comportement) n’est pas si simple. Je pense qu’il y a un changement de langage, mais cela peut être très difficile à repérer, mais doit permettre d’être plus attentif à la souffrance et aussi à ne pas se sentir agressé si la PE(partie émotionnelle bloquée) se manifeste sous ce mode là.

En réfléchissant sur cette PAN (partie apparemment normale), qui serait un peu comme l’Adulte de l’analyse Transitionnelle) et les Parties Emotionnelles (à la fois les enfants mais aussi les parents agresseurs incorporés) je me disais que ce que vivent ces personnes qui survivent à un (ou hélas à des traumatismes) ESPT et qui développent un DESNOS est de l’ordre de la possession. Lorsqu’une des personnalités qui a été bloquée par le traumatisme dans son développement, prend le dessus,  elle est dans la toute puissance (même si c’est pour faire du mal au corps qui la contient).

Pour les définitions voir le site http://artherapievirtus.org

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II- Personnalités multiples et Possession

J’ai cru longtemps qu’il n’y avait qu’un seul type de dissociation mais à lire l’histoire de Béatrice sur http://artherapievirtus.org/RAIVVI/ et les d’autres j’ai appris que diverses personnalités peuvent se manifester, (les personnalités infantiles bloquées par les différents traumatismes à différents âges) et cela m’a fait penser à un épisode rapporté dans l’évangile de Luc chapitre 8, versets 27-31 : la guérison du possédé de Gérasa, car l’impression que je ressens en lisant ces différents témoignages et bien une possession.

A dire vrai, je pense que ces enfants qui sont la proie d’adultes conscients de ce qu’ils font sont comme envahis par le Mal (et je mets une majuscule car c’est le Mal qui veut détruire l’autre, en faire son objet, le réduire à néant, lui faire perdre la place de sujet pour le réduire à celui d’objet) et que ce Mal contre le quel ils n’avaient pas le moyen de lutter reste présent en eux et qu’ils ont besoin d’un autre pour le mettre dehors, pour retrouver leur statut de sujet.

                                              Voici le texte.

«  27Comme il descendait à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville qui avait des démons. Depuis longtemps il ne portait plus de vêtement et ne demeurait pas dans une maison, mais dans les tombeaux. 28A la vue de Jésus, il se jeta à ses pieds en poussant des cris et dit d'une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t'en prie, ne me tourmente pas. » 29Jésus ordonnait en effet à l'esprit impur de sortir de cet homme. Car bien des fois il s'était emparé de lui ; on le liait, pour le garder, avec des chaînes et des entraves ; mais il brisait ses liens et il était poussé par le démon vers les lieux déserts. 30Jésus l'interrogea : « Quel est ton nom ? » — « Légion », répondit-il, car de nombreux démons étaient entrés en lui. 31Et ils le suppliaient de ne pas leur ordonner de s'en aller dans l'abîme. »

           Je voudrai juste insister sur quelques aspects de ce texte.

1- C’est un homme de la ville (donc a priori civilisé) qui avait des démons[1]. En d’autres termes, son comportement devient aberrant et fait peur aux autres. Il qui se comporte comme s’il ne maitrisait plus rien. Or cela c’est bien ce que vivent ces personnes quand une personnalité dominante (mais qui est peut être la somme de beaucoup d’autres personnalités) prend le contrôle.

2- Il est nu, car il déchire ses vêtements c’est à dire d’une certaine manière son identité sociale. Il ne sait plus qui il est. Il se met à nu, sans protection. Peut être reproduit il ce qu’il a vécu dans le passé.

Il pousse des cris. Le cri renvoie à l’animal, la parole à l’humain, même si souvent l’humain crie son mal-être. Souvent ce que les personnes qui ont vécu ces traumatismes se reprochent le plus c’est de n’avoir pas pu crier. Cet homme là, il crie, mais ce n’est pas quelque chose de transmissible, C’est de la peur.

3- Il y a la pulsion de mort (vivre dans les cimetières) : se vivre comme étant un non vivant, un déjà mort. 

4- Il y a la force  qui détruit tout cette force qui quand elle prend le devant de la scène, ne peut être jugulée par rien pas même par  les médicaments (camisoles chimiques) qui devraient fonctionner comme des chaînes. Or il y a en cette personne de nombreuses personnalités (démons) qui la dominent complètement.


-       A partir du moment où ces forces sont nommées « Légion », il est possible d’avoir un pouvoir sur elles. Ce qui est étonnant c’est que ces personnalités en quelque sorte reconnaissent la puissance du thérapeute, de l’exorciste et semblent faire profil bas, comme pour le séduire. 

Dans la Bible, connaître le nom de quelqu’un c’est avoir du pouvoir sur lui et je pense (D. dans ses commentaires des billets de B. explique cela très bien) que pouvoir nommer la partie, c’est commencer à avoir du pouvoir sur elle, et ne pas laisser faire ce qu’elle veut (aller vers la mort).


Or le travail du thérapeute c’est bien de trouver le moyen de nommer ces personnalités pour leur donner une autre existence, et leur permettre non pas de se « réconcilier » mais de se concilier entre elles pour pouvoir vivre et non pas se mettre à mort en permanence.




[1] A cette époque là on pensait qu’il y avait une espèce de monde intermédiaire entre la terre et le ciel, peuplée par des esprits, des bons et des mauvais. Ces derniers, qui cherchaient à faire du mal entraient dans les humains et les poussaient à se détruire. On parle de 7 démons qui sont chassés par Jésus de Marie Madeleine, et ce travail d’exorciste semble très important dans le ministère de Jésus.

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