Ne trouvez vous pas que cet épisode est extrêmement violent?
Certes nous sommes pris par la magie de la scène, la magie du lieu: petit matin, le feu de braise, le pain qui finit de cuire, la pêche miraculeuse, tout cela est idyllique. Et puis la question de Jésus:" Simon Fils de Jean m'aimes tu plus que ceux-ci" qui tombe là, qui rompt le charme, qui fait violence.
Auriez vous supporté de vous faire interpeler devant 6 autres personnes (vos amis certes, mais quand même) alors que vous venez de faire un repas amical et où vous avez enfin l'impression que les choses rentrent un peu dans l'ordre? Car la question de Jésus claque un peu comme un coup de fouet, d'autant qu'il nomme Pierre par son identité première: Simon fils de Jean, comme si l'intimité , le nom nouveau donné lors de la première pêche miraculeuse n'existait plus. On dirait que Pierre doit "regagner" ce prénom.
Si Jésus avait posé cette question en prenant Pierre à part, oui, cela aurait pu se comprendre, mais là devant tout le monde... Cela fait un peu tribunal. C'est un peu comme avec Thomas Jn 20 (qui est d'ailleurs présent) et à qui Jésus s'adresse en reproduisant texto les paroles qu'il avait dites la semaine précédente. Il y a de quoi se sentir mal dans ses baskets..
Et puis, surtout à cette époque là était ce si facile de parler de ses sentiments, de dire à quelqu'un qu'on l'aime? Je ne suis pas sure que dire "Seigneur tu sais bien que je t'aime" ait été facile à dire pour Pierre, parce que là encore ce n'est pas dans un face à face , mais devant tout le monde; Car la question est quand même: m'aimes tu plus que ceux ci (que tu vois et qui sont tes compagnons)?
Aujourd'hui nous nous passons notre vie à dire aux autres: je t'aime, tu me manques, mais cela ne se faisait pas de mon temps (pourtant pas si ancien) et je doute qu'à l'époque de Jésus on puisse afficher ses sentiments pour un autre et surtout pour un homme. Je pense que la pudeur des sentiments cela existe surtout entre des hommes.
Alors afficher ses sentiments, les affirmer devant tout le monde, cela n'a pas dû être facile pour Pierre et cette scène est violente.
Je pense d'ailleurs que tout l'évangile de Jean avec ses quiproquos: Jésus se situant toujours sur un plan radicalement différent et ce dès le tout début avec le malheureux Nicodème et sa question sur " renaître du sein de sa mère", ses provocations car il faut quand même reconnaître que outre les guérisons le jour du Sabbat, les discours où il s'affirme (lui qui dans cet évangile ne vient pas de Bethléem mais de Galilée, donc ne peut être reconnu comme descendant de David) comme Fils de Dieu, comme Celui qui donne la Vie éternelle, suscite une violence que l'on rencontre très vite, car Jésus est bien perçu comme un perturbateur, un empêcheur de tourner en rond, celui qu'il faut éliminer.
Alors peut être nous faut il ouvrir les yeux du coeur pour revoir ces scènes que nous connaissons par coeur et nous laisser nous aussi interpeller par cette violence qui nous oblige à changer.
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